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Le marché du carbone offre une rémunération en échange de la « non pollution »

Rejeter moins de gaz à effet de serre, c’est lutter contre le réchauffement climatique. En agriculture, ce combat a déjà commencé, en pratique. Avec, parfois, une rémunération à la clé.

Etre rémunéré pour produire moins. En agriculture, certains y ont déjà goûté avec l’aide à la réduction de livraison de lait qui promet 0,24 euros/kg pour réduire jusqu’à 5 % sa production sur le dernier trimestre de 2016. Alors pourquoi ne pas aller chercher un complément de revenu sur le marché volontaire du carbone ?

Le marché du carbone a été mis en place en 2005 par le protocole de Kyoto pour inciter à réduire les émissions de CO2. Son principe consiste à échanger des droits d’émission de CO2 comme des titres financiers. Celui qui pollue finance, ou « récompense » si vous préférez, celui qui a changé de pratiques pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

L’agriculture représente, en France, 20 % des émissions de dioxyde de carbone, l’un des gaz à effet de serre. Elle a donc tout intérêt à s’y intéresser. D’autant plus que les mesures mises en place pour réduire les émissions de carbone (changement de pratiques alimentaires, plus de pâturage, agroforesterie) s’accompagnent souvent d’améliorations technico-économiques.

Des initiatives et des résultats

Plusieurs acteurs du monde agricole se sont saisis de cette opportunité de montrer les bonnes pratiques de l’agriculture tout en en dégageant une revalorisation financière. Par exemple, Terrena a lancé, dans la cadre de sa vaste ambition « nouvelle agriculture » sa démarche AgriCO2 qui fonctionne sur le principe d’un système de bonus/malus avec des bons d’achat. 2800 agriculteurs se sont déjà inscrits dans au moins une action technique pour diminuer leur empreinte carbone. Sodiaal encourage ses éleveurs à évaluer leurs pratiques avec l’outil SelfCO2, mis au point par Idèle.

Avec éco-méthane, l’association Bleu Blanc Cœur s’est attaquée aux rejets de méthane entérique – produit par la rumination –  qui représente à lui seul 5 % des émissions de gaz à effet de serre. Bleu Blanc Cœur fédère depuis les agriculteurs jusqu’aux consommateurs, en passant par les distributeurs autour d’une agriculture à vocation nutrition et santé. Les travaux de l’association ont montré que des produits meilleurs pour la santé en terme de profil d’acides gras l’étaient aussi pour l’environnement. Il existe une corrélation entre la qualité des acides gras du lait et la baisse des émissions de méthane.

Une simple analyse de lait permet donc de chiffrer les émissions de méthane économisées par la meilleure alimentation du troupeau. Cette méthode a été reconnue par l’ONU comme action environnementale. En donnant aux vaches une alimentation à base de fourrages et d’aliments riches en Oméga 3 (lin, luzerne, herbe), leurs émissions de méthane sont réduites de 15 à 30%. La démarche va plus loin que le simple calcul en rémunérant les éleveurs pour cette « non-production » de méthane. L’association développe des partenariats avec des entreprises, comme Orange, qui, en contrepartie de leurs propres émissions polluantes, allouent des budgets pour les 570 éleveurs engagés, qui, eux, mènent des actions pour réduire les rejets de gaz à effet de serre.

La rémunération atteint 15 euros la tonne de CO2 (sachant qu’une tonne de méthane se convertit en 21 tonnes de CO2) alors que sur le marché européen le prix peine à dépasser les 5 euros. « C’est un geste financier pour reconnaitre les bonnes pratiques environnementales, précise Jean-Pierre Pasquet, vice-président de l’association Bleu Blanc Coeur. Eco-méthane est une première marche d’économie vertueuse. »

1 142 euros, ça ne changera pas la situation économique de l’exploitation mais « ça fait du bien au moral de savoir que ses efforts sont reconnus par la société », apprécie Rémi Desblés. 1 142 euros, c’est la somme que cet éleveur laitier de Liffré (Ille-et-Villaine) a touché pour sa participation à la démarche Eco-Méthane. Avec sa ration riche en omégas 3 et produite au maximum sur son exploitation, Rémi Desblés a réduit de 30 % les rejets de méthane de ses 30 laitières. En 2015, il a économisé l’équivalent de 55 tonnes de CO2, qui lui ont été payées 1 142 euros. Ce n’est pas énorme mais c’est un bon début.

En savoir plus : http://www.bleu-blanc-coeur.org (site internet de Bleu Blanc Coeur).

Notre photo ci-dessous : Rémi Desblés, éleveur à Liffré (Ille-et-Vilaine), a réduit de 30 % les émissions de méthane de son troupeau. Cet effort environnemental, reconnu par la démarche éco-méthane, lui a permis de percevoir un bonus de 1 142 euros.

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