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L’agriculture face à l’enjeu de l’urgence climatique

Les désobéissants du climat d’Extinction Rebellion ont une vision spécifique de l’agriculture dans un contexte d’urgence climatique. Quelle est-elle ? Doit-on s’en inquiéter ?

A l’évidence la question du changement climatique devient l’un des principaux enjeux actuels. Une partie de la population s’y montre de plus en plus sensible. On le voit avec les Marches pour le climat, le phénomène médiatique autour de Greta Thunberg, cette adolescente suédoise devenue en quelques mois à la fois le symbole et le porte-parole de cette partie de la jeunesse mondiale qui appelle à des actions fortes pour lutter contre le réchauffement climatique, le vote EELV aux Européennes (on observe une évolution équivalente dans d’autres pays avec une montée du vote écologiste en Allemagne lors des Européennes ou, plus récemment, en Autriche lors des élections législatives), la multiplication des actions de désobéissance civile, dont celles du mouvement Extinction Rebellion en France en octobre 2019, l’organisation d’une Convention citoyenne sur le climat, etc.

Cela tend aussi à aviver un certain nombre de clivages déjà existants. On le voit bien par exemple à propos de la perception de Greta Thunberg. Pour certains, comme le chirurgien et entrepreneur Laurent Alexandre, elle incarne la menace d’une dictature verte et une forme de mysticisme apocalyptique particulièrement dangereux. Pour d’autres, y compris pour le climatologue et ancien vice-président du GIEC, Jean Jouzel, elle représente le déclic que les scientifiques, ou que les écologistes, attendaient depuis 40 ans pour que les choses bougent enfin du côté des Etats en matière de lutte contre le changement climatique.

A l’instar du monde économique en général, l’agriculture est à la fois montrée du doigt en étant désignée comme l’un des principaux facteurs d’émissions de gaz à effet de serre, avec notamment la production de viande, mais aussi présentée souvent comme une solution privilégiée pour combattre le réchauffement climatique. Mais de quel type d’agriculture parlons-nous ?

Pour tenter d’y voir un peu plus clair, nous allons nous intéresser plus particulièrement dans cet article à la vision de l’agriculture des désobéissants du climat, dont le groupe Extinction Rebellion semble être actuellement le pôle dominant, et d’experts qui ont pris au pied de la lettre l’objectif de respecter la trajectoire de 1,5° C.

Extinction Rebellion, les désobéissants du climat

On commence à bien connaître maintenant le mouvement Extinction Rebellion (XR). Il a vu le jour en Grande-Bretagne en octobre 2018 avec une « déclaration de rébellion » faite devant le Parlement à Londres, notamment en présence de Greta Thunberg. XR se définit d’ailleurs comme un « mouvement mondial de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le réchauffement climatique ».

Trois éléments semblent donc être importants pour bien comprendre ce qu’est ce mouvement. Le premier est la notion d’urgence climatique. Le symbole de XR est un sablier cerclé, le sablier représentant le peu de temps dont nous disposons pour lutter contre la dégradation du climat, d’où le sentiment d’urgence, et le cercle, la planète. On peut d’ailleurs remarquer que l’on retrouve le même symbole du sablier dans la revue Yggdrasil, dont l’un des créateurs et le co-rédacteur en chef n’est autre que Pablo Servigne, le « pape » de la collapsologie en France. Cette même notion d’urgence climatique est aussi mise en avant par Greta Thunberg et les jeunes favorables à la grève pour le climat que l’on retrouve dans le mouvement Fridays for Future ou Youth for Climate, par le groupe ANV-COP21, mais aussi désormais par des parlements, comme la Chambre des communes en Grande-Bretagne, ou des collectivités locales, à l’instar de la mairie de Paris par exemple.

Le second élément est la nécessité de changer radicalement de modèle. XR considère ainsi que « la seule option viable » est de « renoncer de nous-mêmes au modèle de croissance économique actuel et à la consommation de masse avant que nous y soyons forcés par les limites planétaires ».

Enfin, le troisième élément est la référence à la désobéissance civile de masse et à la non-violence. La désobéissance civile peut être définie comme « une forme d’action non-violente par laquelle des citoyens, ouvertement et délibérément, transgressent de manière concertée une (ou plusieurs) loi (décret, règlement, ordre émanant d’une autorité légale) en vigueur, dans le but d’exercer soit directement soit indirectement (par l’appel à l’opinion publique) une pression sur le législateur ou sur le pouvoir politique, pression visant soit la modification de la loi transgressée soit la modification d’une décision politique, soit même – très exceptionnellement – le renversement de ce pouvoir » (Christian Mellon).

L’action non-violente est aussi revendiquée par un groupe comme ANV-COP21 dont le sigle signifie justement Action non-violence (ANV) et qui propose des formations en la matière. Derrière cette notion de non-violence, il existe en réalité plusieurs modes d’actions si l’on suit ce que dit le mouvement ANV-COP21 : « des actions symboliques, artistiques ou humoristiques, des actions directes d’interposition, d’occupation ou de blocage, des actions constructives, des actions de non-coopération et de boycott, etc. ». Celui-ci est notamment à l’origine de la campagne #DécrochonsMacron, qui a un peu fait parler d’elle et qui a consisté pour les militants à décrocher les portraits du président de la République dans les institutions publiques en vue de dénoncer l’« inaction climatique et sociale ».

L’objectif d’Extinction Rebellion est par conséquent de constituer une masse critique pour être en mesure de pouvoir faire basculer les gouvernements et les acteurs économiques afin qu’ils agissent en faveur du climat. Cette masse est évaluée très précisément à 3,5 % de la population. Ce chiffre fait référence à une étude des chercheuses Erica Chenoweth et Maria J. Stephan, qui ont étudié les luttes non violentes entre 1900 et 2006. Elles se sont aperçu qu’« aucune campagne [de désobéissance civile] n’a échoué une fois la participation active et soutenue de seulement 3,5 % de la population – et beaucoup d’entre eux ont réussi avec beaucoup moins que cela ». En clair, pour reprendre XR, « il suffit de mobiliser 3,5 % de la population d’un Etat pour réussir une révolution non-violente ».

Pour y parvenir, Extinction Rebellion dit s’inspirer d’un concept a priori peu connu de « momentum-driven organizing » développé dans un ouvrage de Marc Engler et de Paul Engler, This is an uprising qu’il présente comme « un modèle d’organisation hybride qui combine la puissance explosive et à court terme des mobilisations de masse qu’il cherche à produire (type Occupy ou Nuit debout), avec la capacité à prendre des décisions collectives et à soutenir la lutte dans le temps qu’ont les structures classiques (types ONG) ». Cela semble donc signifier qu’Extinction Rebellion cherche à s’inspirer de la dynamique de mouvements comme les Occupy, les Indignés ou Nuit debout, mais en s’efforçant de les pérenniser.

Extinction Rebellion en France

La branche française d’Extinction Rebellion est véritablement née en mars 2019 avec aussi une « déclaration de rébellion » faite place de la Bourse à Paris et qui a été publiée sous la forme d’une tribune dans Libération le 22 mars. Cette déclaration met tout autant l’accent sur l’urgence, la nécessité de changer de modèle et la désobéissance civile.

Pour XR France, « il y a urgence. Notre survie sur Terre est menacée et nous devons agir maintenant ». Le texte s’appuie à ce propos sur les travaux du GIEC et la déclaration assez alarmiste du secrétaire général de l’ONU selon laquelle « nous avons jusqu’à 2020 pour agir ». Par ailleurs, il est nécessaire de changer de modèle : « nous, habitantes et habitants d’un pays développé, avons conscience que le modèle économique en place est en grande partie responsable de cette situation. […] Nous n’avons plus confiance en la capacité ni en la volonté de ce gouvernement ou d’un autre de prendre, sans une forte pression populaire, les mesures que la situation rend nécessaires. […] En refusant de remettre le modèle économique qui nous a conduits à cette situation, et en refusant de reconnaître qu’une croissance infinie dans un monde aux ressources limitées n’est pas viable, notre gouvernement est complice ». Le mouvement en tire donc la conclusion que, dans un tel contexte, la désobéissance s’impose et que ses membres doivent en assumer les conséquences éventuelles : « quand l’Etat abandonne délibérément sa responsabilité de protéger ses citoyen-ne-s, il rompt lui-même le contrat social. La révolte devient alors notre droit le plus sacré, et notre devoir le plus indispensable. Parce que chaque dixième de degré compte, parce que chaque espèce disparue compte, parce que chaque minute compte, nous appelons à la désobéissance civile. Nous sommes prêt-e-s à enfreindre la loi et à en subir les conséquences, y compris l’emprisonnement ».

En France, le mouvement s’est fait connaître pour la première fois en juin 2019 avec l’occupation du pont de Sully à Paris et surtout en octobre avec d’abord l’occupation du centre commercial Italie2 du 5 octobre jusqu’au petit matin du lendemain, puis celle de la place du Châtelet toujours à Paris à partir du 7 octobre. Ils y ont formé une mini-Zone à défendre (ZAD), XR parle d’ailleurs de la « ZAD du Châtelet », avec quelques caractéristiques assez typiques de ce que l’on trouve généralement dans ces zones : assemblée citoyenne, tags, slogans, petit bac contenant des légumes et des fleurs, toiles de tente, toilettes sèches, artistes de rue, etc.

Ce mouvement apparaît donc désormais comme le principal fer de lance de la lutte en faveur du climat, notamment portée par des jeunes dans le sillage de Greta Thunberg, autour de quatre revendications : (1) « la reconnaissance de la gravité et de l’urgence des crises écologiques », (2) « la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2025 », (3) « l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres, à l’origine d’une extinction massive du monde vivant » et (4) « la création d’une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs et garante d’une transition juste et équitable ». Cela implique, d’après le mouvement, « une mobilisation civile et solidaire d’une ampleur et d’une visée comparables à celles déployées en temps de guerre » dans l’objectif d’« obliger le gouvernement à atteindre le zéro émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2025 ». Comment y parvenir ? Pour XR, on l’a vu, il convient de « renoncer de nous-mêmes au modèle de croissance économique actuel et à la consommation de masse. […] Nous devons donc amorcer immédiatement une descente énergétique et l’abandon des combustibles fossiles ».

L’agriculture selon Extinction Rebellion

Mais qu’en est-il de l’agriculture ? Le site internet d’Extinction Rebellion France n’en parle pas. En revanche, trois textes affichés place du Châtelet donnent des idées beaucoup plus précises sur le positionnement du mouvement sur le sujet : avec un constat (« Le système alimentaire et ses impacts » et « Vulnérabilité du système alimentaire ») et des propositions (« Les voies de résilience possibles » : l’agroécologie).

Trois remarques préalables doivent être faites à ce propos. La première est que l’on peut certes trouver les propositions de XR utopiques, mais le contraste est tout de même saisissant entre la vision de ce mouvement et ce que l’on a pu observer notamment dans les ZAD de Notre-Dame-des-Landes, de Sivens ou d’ailleurs. En leur sein, l’agriculture était, en effet, perçue à la fois comme un acte de résistance et comme le support d’une alternative utopique radicale dans une logique d’autosuffisance. L’agriculture comme outil de résistance, ce fut, par exemple, l’opération « Sème ta Zad ! » à Notre-Dame-des-Landes en 2013 visant à remettre collectivement les terres occupées en culture en vue de « sanctuariser » quelque peu le terrain pour contrecarrer une intervention éventuelle des forces de l’ordre. C’est également ce qu’ont fait d’autres activistes la même année dans la plaine de Montesson dans les Yvelines avec ce qu’ils ont appelé la « Zad patate » qui a consisté à occuper un terrain en friche pour s’opposer à l’implantation d’une ZAC et à un projet de déviation de la RD 121 en y plantant un champ de pommes de terre. L’agriculture comme utopie correspond au type de pratiques mises en œuvre dans les ZAD : agriculture bio, permaculture, « culture de céréales sur butte », avec même la tentation à Sivens de « planter des variétés de blé ancien à la volée, puis travailler la terre en traction animale ». A priori, on est dans un tout autre cas de figure avec Extinction Rebellion.

La seconde remarque est que sur la forme, comme sur le fond, le style des textes et les propositions font plus référence à des fiches techniques sur le système alimentaire et l’agroécologie avec, par exemple, des références bibliographiques présentées comme dans les articles scientifiques avec le nom de l’auteur et la date de la publication, qu’à un texte purement militant écrit à la va-vite et imprimé de façon artisanale sur du papier recyclé ou qu’à un pamphlet d’activistes. Enfin, la troisième est d’ailleurs que les propositions avancées peuvent faire référence à des rapports officiels, comme celui du GIEC de 2019 sur l’agriculture et l’alimentation, et à diverses publications scientifiques. Les trois textes contiennent même une rubrique « bibliographie ».

En ce qui concerne les propositions avancées par XR, on ne se situe donc pas nécessairement dans les clichés que l’on a pu voir sur les ZAD ou dans des écocommunautés quelquefois mises en avant dans la presse, comme l’éloge de la permaculture, de la traction animale ou encore du véganisme.

Les deux premiers documents établissent un constat sur « Le système alimentaire et ses impacts » avec une explication assez technique de ce qu’est le système de production agricole conventionnel et de son impact, en particulier sur le climat, mais aussi sur sa vulnérabilité, avec des références bibliographiques (notamment du GIEC).

Le troisième dessine quelles peuvent être « Les voies de résilience possibles », c’est-à-dire quelles sont les solutions prônées par XR. Il explique ainsi qu’« un système alimentaire résilient au changement climatique et plus respectueux de la nature est possible ». Ce système est l’agroécologie. Extinction Rebellion développe ainsi 9 points : (1) généraliser l’agroécologie, (2) diversifier les cultures, (3) développer l’usage des semences paysannes issues des variétés « populations », (4) boucler les cycles des nutriments, (5) redevenir paysans en renforçant les possibilités d’auto-production, (6) développer les systèmes d’alerte précoce, (7) relocaliser la transformation et la distribution, (8) réduire les pertes et le gaspillage alimentaires et (9) réduire la consommation de produits animaux. Au final, ce sont des positions assez classiques sur l’agroécologie qui présentent même la caractéristiques d’être dans l’ensemble relativement « modérées ». Il n’est jamais question, du moins de façon explicite, d’interdire les pesticides de synthèse ou l’élevage, mais en l’occurrence de généraliser l’agroécologie et de réduire la consommation de produits animaux. On est donc loin, par exemple, de la position de Greta Thunberg en la matière. Celle-ci a, en effet, déclaré en juin 2019 dans un entretien que la viande, le lait et les œufs « volent notre avenir », l’avenir de sa génération. On le sait, elle est végan et a incité sa famille à le devenir comme elle.

Cette vision d’Extinction Rebellion correspond donc en grande partie à ce que l’on enseigne, par exemple, au Centre agroécologique Les Amanins dans la Drôme, confondé par Pierre Rabhi, ou à ce qui est pratiqué dans la Biovallée dans ce même département. C’est par conséquent la volonté d’appliquer à l’agriculture l’idée d’un changement global de modèle.

La révolution agricole selon B&L évolution

Indépendamment de ce que l’on peut penser des propositions de XR et de l’agroécologie, on reste tout de même un peu sur sa faim. Au-delà de quelques principes généraux, XR n’indique pas comment on peut parvenir à les mettre en oeuvre et surtout ce que cela implique pour l’agriculture française. 

Pour avoir une idée plus précise en la matière, il convient sans aucun doute de se référer au travail du bureau d’étude en développement durable B&L évolution, qui a publié fin 2018 un rapport très commenté s’intitulant tout simplement « Comment s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5° C ? ». Comme son nom l’indique, les auteurs de ce rapport se sont demandé ce qu’il faudrait envisager de façon concrète pour que la France puisse respecter une trajectoire compatible avec l’engagement de limiter l’augmentation des températures à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici à 2030. Ils l’ont fait en se basant notamment sur les travaux du GIEC. Et ça décoiffe !

B&L formule donc un certain nombre de propositions afin que la France réduise ses émissions de gaz à effet de serre de 63 % entre 2018 et 2030. Cela concerne bien évidemment l’agriculture et l’alimentation. On est en l’occurrence à la fois dans une logique de changement de modèle, en gros vers une agriculture plus durable, mais aussi, et cela peut paraître plus surprenant, dans une logique d’« économie de guerre ». Les auteurs expliquent d’ailleurs à ce propos que « c’est une véritable économie de guerre qu’il faut mettre en place, une économie de rationnement, d’efforts intenses qui nous sort de notre monde de confort », tout en reconnaissant de façon réaliste que « cette grande transition, ce changement de paradigme ne se fera pas sans difficultés, sans conséquences sur nos modes de vie, se heurtera à nos barrières cognitives et entraînera certainement des rejets massifs ».

B&L propose ainsi les mesures suivantes pour l’agriculture : (1) toute parcelle de jardin doit devenir productive et les PLU doivent instaurer l’obligation de mettre en place des parcelles potagères plutôt que des places de parking dans les permis de construire, (2) multiplier par 5 d’ici 2028 le taux de conversion de parcelle en agriculture de conservation (bio ou autres procédés faiblement émissifs en carbone), (3) interdiction du labour profond et des intercultures laissant les sols à nu, (4) objectif d’autonomie alimentaire sur le territoire impliquant la diversification des cultures, le maintien de l’élevage pour maintenir les prairies et une utilisation productive soutenable des forêts, (5) réduction de 10 % chaque année de la consommation de viande et de lait à partir de 2020, (6) priorité accordée aux circuits courts, (7) interdiction progressive des produits alimentaires transformés substituables (donc hors pains, beurre, huiles, vins, etc.), (8) instauration de quotas visant à limiter la consommation de produits importés (comme le café, le chocolat ou les fruits exotiques), (9) réalisation d’un audit énergétique dans chaque exploitation, (10) arrêt de toute artificialisation à partir de 2019. L’objectif de ces différentes mesures serait par conséquent de fortement réduire les émissions de gaz à effet de serre des produits agricoles (cultures et produits carnés) et de faire en sorte que la surface en « agriculture à faible émission » atteigne 50 % de la surface agricole utile en 2030.

Pour les auteurs du rapport, il s’agit d’« un scénario idéal, mais peu réaliste ». Ils estiment, en effet, que, pour respecter la trajectoire de 1,5° C, il faut « envisager un changement global de système ». Ils posent néanmoins la question-clef de savoir comment on parvient à passer d’une abondance à une pénurie, en dépassant ce qu’ils appellent de façon euphémique les « verrouillages économiques et socio-culturels ». Et c’est loin d’être évident à leurs yeux : « faire accepter à la population un ensemble de mesures complet aussi ambitieux que celui décrit dans ce document est improbable ». Ils n’en considèrent pas moins que « nous avons trop attendu, c’est une évidence et une transition douce ne pourra se faire » d’où l’appel pressant à une « décarbonisation de l’économie » et à la mise en place d’une « véritable économie de guerre » car « pour conserver des modes de vie décents à moyen terme nous évitant d’entrer dans l’inconnu, c’est une nécessité, car chaque dixième de degré supplémentaire compte ». Il s’agir par conséquent de la même vision que celle d’Extinction Rebellion. On retrouve d’ailleurs quasiment au mot près ce qui était mentionné dans la déclaration de rébellion du mois de mars : « chaque dixième de degré supplémentaire compte ».

Un nouveau courant dans un climat d’urgence

Faut-il prendre les propositions d’Extinction Rebellion et de B&L évolution à la légère en pensant que ce sont des fous furieux ou bien des utopistes ? Certainement pas.

Par-delà les associations et les partis écologistes classiques, un nouveau courant semble émerger et s’imposer peu à peu, en particulier dans une partie de la jeunesse. Celui-ci met plutôt l’accent sur la collapsologie, la désobéissance civile et un changement radical de modèle, en ne croyant plus à la transition « douce » ou à la fameuse « politique des petits pas » dans un contexte d’inquiétudes grandissantes vis-à-vis du réchauffement climatique et même, pour certains, d’un possible effondrement de la civilisation industrielle. Pablo Servigne dans l’édito du second numéro de Yggdrasil s’en fait l’écho en expliquant qu’ « une grande transition anticipée, lente et contrôlée est devenue impossible. Il faut se rendre à l’évidence : nous allons vivre une transition bordélique et plutôt rapide. En français, ça s’appelle… un effondrement. Alors, abandonnons le mot « transition » ! Propos un « Trexit » bien net ! Osons nous l’avouer à nous-mêmes : nous ne sommes plus en transition, nous sommes en état d’urgence ».

Cela conduit, de façon un peu caricaturale, à deux attitudes assez opposées. La première est celle assez néo-survivaliste incarnée par Yves Cochet qui vit dans sa ferme retirée du monde et qui s’attend à un effondrement imminent. La seconde est celle de Greta Thunberg et d’autres jeunes qui, face au risque d’effondrement, ont décidé de prendre la rue et le micro pour exiger une « action climatique ».

Il est évident que, compte tenu des enjeux, ce phénomène est appelé à durer et à s’amplifier d’autant que de plus en plus d’acteurs économiques et de collectivités locales semblent désormais prendre très au sérieux la menace climatique et s’engager dans une grande transition. On l’a vu récemment, par exemple, avec la coalition We Mean Business regroupant près de 90 grandes entreprises.

Il est tout autant évident que l’agriculture, qui est aussi la première victime du changement climatique, on l’a bien vu cette année en France avec la sècheresse ou les violents orages de grêle dans certaines régions, et le monde agricole vont devoir s’adapter d’une manière ou d’une autre à cette nouvelle donne en tentant de répondre aux trois défis majeurs que sont (1) le réchauffement climatique, (2) les nouvelles demandes sociétales, notamment véhiculée par cette jeunesse de désobéissants du climat, et (3) l’exigence de rentabilité économique.
 

En savoir plus : https://extinctionrebellion.fr (site d’Extinction Rebellion, source de l’ensemble des citations relatives à ce mouvement dans le texte) ; https://yggdrasil-mag.com (site de la revue Yggdrasil) ; http://www.non-violence-mp.org/la%20nonviolence_fichiers/HTML/mellon.htm (source de la définition de la désobéissance civile par C. Mellon) ; https://anv-cop21.org (site d’ANV-COP21, source des citations relatives à ce mouvement dans le texte) ; https://lareleveetlapeste.fr/il-suffit-que-35-dune-population-soit-mobilisee-pour-quune-lutte-non-violente-renverse-un-gouvernement (source de la citation relative à l’étude d’Erica Chenoweth et de Maria J. Stephan sur les 3,5 %) ; https://www.liberation.fr/debats/2019/03/22/environnement-il-y-a-urgence_1716763 (tribune d’Extinction Rebellion dans Libération le 22 mars 2019) ; https://reporterre.net/A-la-ZAD-du-Testet-on-n-oublie-pas (source de la citation relative aux pratiques ancestrales de la ZAD de Sivens) ; https://www.livekindly.co/greta-thunberg-says-meat-stealing-future (interview de Greta Thunberg sur la viande le 26 juin 2019) ; http://bl-evolution.com/portfolio/comment-saligner-sur-une-trajectoire-compatible-avec-les-15c (source du rapport de B&L évolution « Comment s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5° C ? » publié en 2018) ; https://www.wemeanbusinesscoalition.org (site de la coalition We Mean Business).


Ci-dessous, la ZAD de la place du Châtelet à Paris tenue par Extinction Rebellion.

5 Commentaire(s)

  1. Les arbres assurent de façon autonome (et depuis des millions d’années) le bon fonctionnement du cycle de l’eau parce qu’ils assurent une évaporation proportionnelle à la chaleur et donc régule parfaitement le climat. Plus il fait chaud plus la végétation transpire, la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère augmente et génère des pluies. Ce système s’autorégule tant qu’il y a de l’eau et donc de la végétation dans les bassins versants. C’est pourquoi les zones tempérées de la planète sont couvertes d’eau ou de végétation. quand on plante un arbre c’est pour la génération d’après, à court terme il faut végétaliser de toute urgence en arrosant !
    L’irrigation n’est que du biomimétisme, tout comme les arbres on prend l’eau dans les sols pour alimenter le cycle ! Le bilan hydrique de la végétation est toujours positif dans un rapport 2/3 1/3 : 2 litres d’eau évaporée apporte 3 litres de pluie ! Contrairement aux idées reçues 70% des pluies continentales proviennent de l’évapotranspiration (et seulement 30% de l’évaporation en mer) , il faut changer complètement de paradigme : c’est la végétation qui fait le climat et non pas le climat qui fait la végétation ! Pendant des années l’INRA a recherché des plantes qui consomment moins d’eau … ce qui entraine une désertification !
    https://www.mediaterre.org/actu,20200503184212,1.html

  2. couper l’eau dans les champs pour alimenter des villes qui ne recyclent pas l’eau , ce n’est pas de la résilience mais un suicide collectif … d’ailleurs toutes les sectes se servent de apocalypse pour organiser de vastes suicides!

  3. Si le climat se résumait à l’effet de serre les températures au-dessus des mers seraient caniculaires puisque la vapeur d’eau est de loin le plus puissant gaz à effet de serre (60%) , pourtant on mesure exactement l’inverse !

    Le climat c’est d’abord l’effet parasol des gaz et de l’eau (nuages) qui bloque 50% de l’énergie qui vient du soleil, ensuite la chaleur latente de l’eau qui évacue 60% de l’énergie qui arrive jusqu’au sol et vient en tout dernier l’effet de serre qui empêche le refroidissement nocturne. Les canicules ne se produisent que sur les zones sèches par manque d’effet parasol et manque d’évaporation, l’absence d’eau a un effet pervers : plus il fait chaud plus il fait sec et plus les sols reçoivent d’énergie ! Et inversement, en présence d’eau (ou de végétation) plus il fait chaud plus il y a d’évaporation donc de vapeur d’eau qui diminue la puissance du rayonnement solaire :

    Les inondations et les sécheresses ne sont pas les conséquences du dérèglement climatique mais bien les causes, c’est en retenant l’eau en amont des bassins versants qu’il n’y aura plus d’inondation et donc mathématiquement plus de sécheresse et plus de canicule !

    On aura sauvé la planète quand les continents seront des océans de verdures en plein été !
    [https://www.youtube.com/watch?v=BrUCvaY1sFs]

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