« C’est en Allemagne que j’ai découvert les vertus de la silphie, rapporte Amédée Perrein, fondateur de la société SILPHIE FRANCE dans les Vosges (1). Cette Astéracée est cultivée pour produire du substrat destiné à alimenter les méthaniseurs. Mais cette plante originaire d’Amérique du nord est aussi semée pour récol- ter des fourrages frais ou ensilés ». Une fois implantée sur une exploita- tion, cette Astéracée sait se rendre indispensable. N’importe quel agri- culteur et éleveur pourra toujours s’appuyer sur des parcelles de silphie pour réaliser, au fil de sa carrière, un ou plusieurs projets reposant sur une production massive de végétaux.
Cultivée expérimentalement sur 200 hectares en 2019 dans les Vosges par Amédée, la culture de silphie se répand depuis comme une trainée de poudre. En juin 2020, huit cents hectares étaient déjà cultivés en France dans 25 départements. Et les réunions d’informations et de promotion de la culture de silphie, pilotées par Amédée, font salle pleine.
Les agriculteurs français découvrent les vertus de cette plante polyvalente. Pour Amédée Perrein, directeur de la société SILPHIE FRANCE dans les Vosges, cette astéracée est une des solutions appropriées pour relever les défis fourragères et énergétiques de l’agriculture et de l’économie française.
Les céréaliers, les éleveurs et les polyculteurs-éleveurs ont chacun de bonnes raisons d’introduire cette plante dans leur assolement. Si un agriculteur s’est lancé dans la production de biométhane, la culture de silphie lui garantit un chiffre d’affaires récurrent, avec un prix de vente fixe contractualisé.
Jean-Luc Bernard, céréalier et pro- ducteur de bovins viande à Damas- et-Bettegney dans les Vosges, a déjà implanté 40 hectares pour produire une partie du substrat du méthani- seur qu’il possède en copropriété. En rythme de croisière, l’éleveur vend sa récolte 94 € la tonne de matière sèche. Selon Amédée Perrein, le prix moyen de silphie oscille plutôt entre 80 € et 85 €, escomptant un chiffre d’affaires de 1 400 € à 1 500 € par hectare.
Des céréaliers peuvent trouver dans la silphie l’opportunité de produire des fourrages qu’ils vendront à leurs voisins éleveurs. La tonne de matière sèche est deux fois plus riche en protéines végétales que le maïs mais moins énergétique. Les deux fourrages sont donc complémen- taires lorsqu’ils sont formulés pour nourrir des troupeaux de ruminants.
En réservant quelques parcelles pour implanter de la silphie, les éleveurs peuvent compter sur une double récolte de fourrages, en juin et à l’automne.
Cette culture apporte ainsi une réponse structurelle aux situations de crises fourragères de plus en plus fréquentes en période estivale.
Par ailleurs, n’importe quel agriculteur ou éleveur proche de la retraite pour- rait être intéressé à se lancer dans la culture de silphie afin de vendre sur pied ses récoltes jusqu’à 800 €/ha plutôt que de louer à bail ses terres.
Enfin, la culture de silphie répond aux situations d’urgence. Pour des raisons de santé, Jean-Luc Bernard aban- donnera les céréales et convertira la totalité des parcelles céréalières de son exploitation à la culture sil- phie pour nourrir son troupeau de bovins viande et pour alimenter le méthaniseur en copropriété.
La plante s’acclimate dans toutes les régions. Le rendement en gaz étant plus faible qu’en maïs, le prix de la tonne de silphie dédiée à la méthanisation est 10 % à 12 % inférieur à celui d’une tonne de maïs. Mais les rendements obtenus par hectare, bien supérieurs (17 t Ms/ha), compensent aisément le différentiel de prix.
Pour semer les graines de silphie, il n’est pas nécessaire de labourer les parcelles. Il suffit de préparer le lit de semence comme s’il s’agissait d’une culture de colza. Mais le semis se déroule à la fin du mois d’avril jusqu’au début du mois de juin (2,3 kg à 3 kg/ha ; 15 à 18 grains par mètre carré) en prévoyant un espace inter-rang de 37,5 à 75 cm.
Le désherbage par bineuse ou chimique post-semis/ pré-levée facilitera le développement des plantes.
Le coût d’implantation paraît élevé (1 700 €/ha) mais il est amorti en quatre ans.
Pour ne pas perdre une année de production sur les parcelles nouvellement implantées, la sil- phie est associée à une culture de maïs fourrager (ou du maïs grains si la variété est précoce). La première année, à la fin de l’été, la plante ressemble à un gros chou. La seconde année, une première récolte d’une dizaine de tonnes est envisageable (10 tMS). Puis la troisième année, la plantation entrera en rythme de croisière avec une récolte escomptée de 17 tMS.
Pour tester la culture de silphie sur son exploitation, l’agriculteur a tou- tefois intérêt de dédier directement 2-3 ha à cette plante.
La silphie n’est pas une plante inva- sive car elle ne possède pas de rhizomes. Chaque année, les seules interventions sur la culture sont l’épandage d’engrais et la fauche avec une ensileuse équipée de becs à Maïs ou Direct Disc.
Pour réduire la consommation d’en- grais, le planteur épandra sur ses parcelles, chaque année, du lisier ou du digestat de son méthaniseur qu’il a alimenté. Riche en NPK, le digestat suffit à combler les besoins de la silphie. La gestion des parcelles de silphie s’inscrit totalement dans l’économie circulaire.
(1) La société SILPHIE FRANCE est le fournisseur exclusif de la semence de Silphie ABICA Perfo. https://www.silphie-france.fr/
La silphie et la Pac
Sur les déclarations Pac, les parcelles de silphie sont déclarées en ACP (autres cultures pérennes). La plante ne peut pas être cultivée sur des surfaces d’intérêt écologique. Mais elle est recommandée dans les zones de captage, de protection de l’eau potable et de non-traitement. Amédée conseille même de semer des bandes de 20 mètres pour avoir « la paix avec ses voisins ». « L’idée est de créer une barrière végétale pour les cultures, d’augmenter la biodiversité et d’obtenir une belle floraison », défend le responsable de SILPHIE FRANCE.
Le CEPP : Certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques
Ce nouveau dispositif permet pour les exploitants agricoles de dynamiser la diffusion des pratiques économes en produits phytopharmaceutiques.
Il intègre une fiche action qui met en avant la culture de la silphie qui n’exige pas de traitement et facilite la certification HVE des exploitations céréalières engagées dans cette voie, sans compromettre leur rentabilité.
Pour produire du méthane, la quantité de silphie incorporée dans les méthaniseurs ne doit pas excédée 15 % de la quantité totale de substrat.
Par ailleurs, les pieds de silphie sont en fleurs environ 8 semaines de mi-juillet à fin septembre selon les années. L’installation de ruches aux abords de la parcelle permettra un rendement de 150 kg/ha de miel.
Auteur: Frédéric Hénin