picture client format 0 9e09d3

La sexualité des cucurbitacées dévoilée

Comment, sur une même plante, des fleurs mâles et des fleurs femelles parviennent-elles à coexister ?

En étudiant le melon et le concombre, des chercheurs de l’Inra révèlent des mécanismes génétiques de détermination du sexe chez les plantes jusque-là inconnus. Publiés dans Science le 6 novembre 2015, leurs travaux revêtent un intérêt agronomique important en termes de sélection et de production des plantes cultivées.

La grande majorité des végétaux sont hermaphrodites, c’est-à-dire que leurs fleurs renferment à la fois des organes mâles et femelles. Cependant, certaines espèces ont des fleurs de sexe séparé, soit sur la même plante, soit sur des plantes différentes qui sont donc des espèces modèles pour l’étude du déterminisme sexuel chez les plantes. C’est le cas de la famille des Cucurbitacées qui rassemble entre autre pastèque, melon, concombre, courgette…

Chez le melon et le concombre, la plupart des variétés cultivées sont principalement monoïques (présence de fleurs mâles et de fleurs femelles sur une même plante) ou andromonoïques (fleurs mâles et fleurs hermaphrodites séparément sur une même plante). Plus minoritairement, les plantes peuvent également être gynoïques (uniquement des fleurs femelles) ou hermaphrodites (uniquement des fleurs hermaphrodites).

En 2008, le gène impliqué dans le contrôle de la formation des organes mâles dans les fleurs pistillées (avec un appareil reproducteur femelle) a été identifié chez le melon. L’expression de ce gène CmACS7 inhibe le développement des étamines (appareil reproducteur mâle des fleurs), entraînant ainsi le développement d’une fleur femelle. Lorsque ce gène est muté, alors les fleurs femelles deviennent hermaphrodites. Puis, en 2009, c’est au tour du gène impliqué dans le contrôle de la formation des organes femelles d’être mis en évidence chez le melon. Baptisé CmWIP1, son expression inhibe le développement du pistil (appareil reproducteur femelle des fleurs) entraînant alors le développement d’une fleur mâle. Lorsque ce gène est muté, la gynoécie apparaît chez le melon.

Dans ce modèle génétique, il restait à décrypter la co-existence des fleurs mâles et des fleurs femelles sur une même plante chez les espèces monoïques ? Et à comprendre comment les plantes dioïques parviennent à se développer. C’est ce processus que sont parvenus à décrire les chercheurs de l’Inra. En étudiant le melon et le concombre, ils ont découvert que si le gène CmWIP1 permet l’expression de fleurs mâles dans les tiges principales, le gène CmASC11 inhibe l’expression de CmWIP1 au niveau des ramifications de la plante et y entraîne le développement de fleurs femelles. Lorsque le gène CmASC11 ne s’exprime pas, on observe alors le développement de fleurs mâles. En déchiffrant le mécanisme génétique qui conduit aux espèces monoïques, ils ont créé des espèces dioïques artificielles ce qui leur a permis de proposer un modèle d’évolution du sexe chez les plantes qui va des espèces hermaphrodites aux dioïques en passant par un stade intermédiaire des espèces monoïques.

Ces résultats laissent entrevoir des applications agronomiques considérables. D’abord en termes de maîtrise de la reproduction des plantes : la production plus importante de plantes femelles (à l’origine de la formation des fruits) permettrait d’améliorer les rendements. Ils permettent également d’envisager le contrôle du développement des fleurs chez le melon, mais également chez d’autres espèces. Ces travaux de transfert sont en cours dans le cadre d’un projet financé par l’ERC advanced Grant SEXYPART (European Research Council).

Modèle génétique

 

Article Précédent
Article Suivant