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La récolte 2020 met en lumière que la ferme céréalière française est structurellement malade.

Grâce à une année 2019 synonyme de très bonnes récoltes et de prix de marché en nette amélioration, les entreprises agricoles ont pu retrouver un certain équilibre économique. Malheureusement, les conditions climatiques difficiles tout au long de la campagne, particulièrement dans les régions Centre-Ouest de la France, ont entaché la récolte 2020. A l’heure actuelle, les prix du marché sont supérieurs à la moyenne quinquennale mais cela ne suffira pas à absorber l’ensemble des coûts engagés. Les trésoreries risquent fortement de se dégrader, quelque soit la région française concernée, avec un déficit estimé à 110 euros par hectare. Piloter Sa Ferme vous propose d’analyser les résultats de cette moisson 2020 et de mettre en lumière les conséquences sur la Ferme France.

A Clermont-Ferrand, le 31/08/2020 – En introduction de cet article, nous rappelons que comparer les rendements 2020 à ceux observés en 2019 impliquerait un biais fort dans l’analyse puisque l’année 2019 ne constitue en rien une référence historique. Il parait plus logique de comparer les rendements 2020 aux moyennes quinquennales plutôt que dans une logique de variation annuelle.

Une récolte 2020 avec de fortes disparités de rendements selon les régions et les cultures.

Dans un premier temps, il est important de faire le point sur les volumes récoltés d’après les estimatifs dont nous disposons en cette fin de mois d’août 2020.

Le blé :

Les rendements en blé devraient diminuer d’environ 4% par rapport à la moyenne quinquennale avec des écarts suivant les régions. Les rendements se situent dans la moyenne quinquennale pour les régions Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France et Normandie. En revanche, les rendements décrochent de plus de 10% par rapport à la moyenne quinquennale en région Centre-Val de Loire (-11%) et Occitanie (-15%). Par ailleurs, cette baisse de rendements devient très significative en région Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire (respectivement -18% et -19% par rapport à la moyenne quinquennale).

Concernant le blé dur, la diminution des rendements est de même niveau qu’en blé tendre (-4% par rapport à la moyenne quinquennale). Cela est d’autant plus vrai pour certaines régions comme la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie et les Pays de la Loire. Cependant, nous observons pour la deuxième année consécutive des rendements en forte progression en région Centre-Val de Loire (+10%).

Le colza :

De nouveau, les rendements en colza ont diminué de plus de 10% par rapport à la moyenne quinquennale. La baisse est quasi-générale et est même supérieure à 15% en région Grand-Est, Normandie et Occitanie.

L’orge :

Après d’excellents rendements en 2019, l’orge d’hiver affiche, en 2020, des résultats de 10% en dessous de la moyenne quinquennale. La baisse est significative en région Île-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Centre-Val de Loire et Pays de la Loire.

L’année 2020 est également décevante en orge de printemps. Le rendement moyen de cette culture est en baisse de près de 9% par rapport à la moyenne quinquennale. Les résultats sont en fort recul en région Île-de-France et Pays de la Loire.

Hormis en orge, les prix 2020 actuels restent supérieurs à la moyenne quinquennale.

Au-delà d’un raisonnement centré sur les rendements, il est nécessaire de regarder les niveaux de prix constatés fin août par rapport à ceux des années précédentes, à la même période. Nous constatons que les prix du blé tendre restent supérieurs de plus de 9% à ceux des cinq dernières années. Concernant le colza et le blé dur, les prix restent supérieurs de près de 3% et 6% à la moyenne quinquennale.

Cependant, en orge d’hiver, les prix sont inférieurs à la moyenne quinquennale de 15 euros par tonne, soit une baisse de 8%. La culture la plus pénalisée en terme d’évolution de prix est l’orge de printemps. Les prix sont inférieurs de 33 euros à la tonne, soit une baisse de 16%, par rapport à la moyenne historique.

De bons niveaux de chiffres d’affaires en blé mais des décrochages en orge et colza.

L’estimation de la valeur de la récolte peut se faire à partir du rendement réalisé multiplié par le prix du jour, soit dans le cas présent celui du 26 août. Si nous réalisons cette estimation de la valeur de la récolte pour les cinq principales cultures déjà récoltées, les chiffres d’affaires potentiels sont au-dessus de la moyenne pour les blés avec 60 euros de plus par hectare que la moyenne quinquennale.

Cependant, les chiffres d’affaires potentiels reculent significativement en orge et colza. Pour le colza, le chiffre d’affaires potentiel est de 125 euros par hectare inférieur à la moyenne quinquennale, ceci étant lié à la baisse des rendements. Pour les orges, le cumul de la baisse des prix et des rendements engendre un recul plus significatif du chiffre d’affaires avec une baisse de 190€ par hectare en orge d’hiver et une baisse de 290€ par hectare en orge de printemps.

Un déficit de trésorerie estimé à 22 000 euros pour une exploitation céréalière de 200 hectares.

Après avoir calculé le chiffre d’affaires potentiel de chacune des cultures à la date du 26 août, il est désormais opportun de l’associer à un besoin en chiffre d’affaires. Ce dernier, que l’on appelle également « point mort », correspond aux dépenses engagées par l’agriculteur auxquelles il faut soustraire les aides dont il bénéficie ainsi que ses autres recettes liées à l’exploitation.

Cette méthodologie permet d’appréhender la rentabilité d’une exploitation agricole céréalière à partir de quatre principaux déterminants : les dépenses, les aides, les rendements et les prix de vente. Pour la récolte 2020, aucune région française ne devrait atteindre le point d’équilibre.

D’après les estimations, le besoin en chiffre d’affaires ne devrait être couvert qu’à 91%. Cela met en lumière les difficultés rencontrées par la Ferme France d’un point de vue structurel car les coûts engagés sont en total décalage avec le potentiel de chiffres d’affaires.

Pour atteindre son objectif de chiffre d’affaires, la Ferme France sera dépendante de la progression des prix, qui devront atteindre une hausse de 10% pour toutes les cultures d’ici la fin de la campagne, mais également des rendements à venir en maïs et tournesol.

Selon les indicateurs de rentabilité de Piloter Sa Ferme, la situation en 2019 était déjà complexe malgré de bons rendements. Nous risquons donc fortement de voir apparaître en 2020 une dégradation des trésoreries des exploitations agricoles. L’équation de la rentabilité économique est aujourd’hui beaucoup plus complexe car il devient impossible de masquer le problème structurel de compétitivité de notre agriculture. Dans ce contexte, nos agriculteurs, en tant que chef d’entreprise, doivent être en mesure de mieux cerner et comprendre le fonctionnement de leur entreprise. Ainsi, la prise en main de la commercialisation et la maitrise des coûts de production deviennent obligatoires pour assurer la pérennité du métier d’agriculteur en France.

Pour découvrir et tester l’outil Piloter Sa Ferme, rendez-vous sur le site www.pilotersaferme.com !

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