Les agriculteurs font partie de ces quelques corporations qui n’ont pas arrêté de travailler pendant la période du confinement. Pour autant, peut-on dire avec certitude que leur image renouvelée pour assurer leurs services envers la société sera suffisamment pérenne pour faire cesser toute velléité d’agribashing ? Les signaux contraires remarqués ces derniers jours montrent que la réponse à cette question n’est pas du tout évidente.
Les aspects positifs existent, et sont nombreux. Mais à chaque fois, un détail au moins vient altérer sa pertinence.
Le premier exemple est que les agriculteurs font partie de ceux qui ont conservé leur activité entière pendant le confinement dû au coronavirus, au même titre que les médecins et infirmières (largement médiatisés, et à raison), mais aussi que les éboueurs, les élus et en particulier les maires, certains secteurs de production… Cela n’a pas échappé à nombre de partenaires ou d’acteurs de l’agriculture qui ont largement communiqué sur cet aspect : des fournisseurs telles les marques du machinisme, celles de phytosanitaires ou autres solutions de santé des plantes (par exemple Syngenta dans cette vidéo), certaines coopératives, bien sûr les syndicats agricoles…
Cette communication agricolo-agricole répond à plusieurs objectifs : (1) rappeler pour chacune de ces entités qu’elles sont positionnées aux côtés des travailleurs de la terre dont le courage est (re)mis à jour avec la crise du coronavirus, (2) tenter par cette masse de communication commune d’aller au-delà du monde agricole et donc d’engager un mouvement de société favorable au monde agricole, (3) redonner courage et envie aux paysans pour lesquels on avait surtout parler d’agribashing les mois précédents.
Au-delà, d’autres messages sont adressés par différents représentants professionnels du monde agricole. Certains estiment que la situation a démontré l’importance de vendre et acheter français dans les grandes surfaces, et prônent donc des mesures pérennes dans cette direction, en argumentant sur l’évolution de l’alimentation des Français observée pendant cette crise. D’autres voient dans la période de changements en cours l’opportunité d’une évolution (révolution ?) majeure du système agricole, notamment en rénovant de fond en comble la Pac. Sur ce dernier aspect, bien sûr, les avis sont très différents à l’intérieur du monde agricole.
Par ailleurs, le syndicat majoritaire, la Fnsea, ne cache pas être directement à l’origine de l’initiative ministérielle visant à attirer les inactifs forcés du confinement vers l’agriculture en devenant saisonniers, là où la main-d’oeuvre (ne bénéficiant plus de la libre-circulation européenne) manquait. Cette opération répond à un double objectif : économique pour les producteurs employeurs de main-d’oeuvre et ne pouvant se permettre de laisser leurs cultures sans récolte ; et sociétale, puisque rapprochant des urbains des réalités du terrain agricole. Cela semblait bien vu, mais le résultat n’a pas été à la hauteur des attentes.
Selon un communiqué récent de la Fnsea, « cette crise [a] permis la prise de conscience du rôle indispensable des agriculteurs« … Malheureusement, cette affirmation ressemble un peu à la méthode Coué : à force de répéter les choses, on espère qu’elles vont se vérifier. Car qui a réellement montré cette prise de conscience ? Tout ce qui proche du monde agricole, oui, on l’a vu plus haut. Mais au-delà ? A-t-on vu une seule personne applaudir un agriculteur à 20 heures ? Les changements des habitudes alimentaires tiennent-ils d’un néo patriotisme en la matière, d’une volonté réelle de s’orienter vers les circuits courts et d’un esprit de solidarité envers les paysans français, ou à l’inverse d’une obligation compte-tenu de ce qui était disponible dans les linéaires ?
Si l’on prend l’exemple de la communication de Michel-Edouard Leclerc et de ses interventions sur son blog, on remarque qu’il s’est prononcé en faveur de la production locale en plein confinement, mais qu’il revient sur le pouvoir d’achat des consommateurs (qui dit « prix bas » dit concurrence de l’import) dès l’annonce du déconfinement. Il a existé un discours circonstanciel pendant le confinement, tant qu’on avait réellement besoin des agriculteurs français, et pas seulement de la part de Leclerc d’ailleurs.
On peut aussi évoquer le monde politique, et en premier lieu le Président de la République avec plusieurs déclarations en faveur du « made in France » alimentaire. Pour autant il n’a jamais été jusqu’à affirmer qu’il se prononcerait contre l’accord de libre-échange entre l’Europe et les pays du Mercosur, dont on connait les ravages potentiels sur nos productions. Pire même, au-delà des intentions, des actes : un accord a été signé avec le Mexique (porte d’entrée du Mercosur) sans que la France ne s’y oppose, alors que l’élevage va y trouver une concurrence déloyale et de mauvaise qualité sur les importations de viande bovine. Lorsque l’échéance sera venue de se prononcer sur le Mercosur, qui peut penser sérieusement aujourd’hui que la France s’y opposera ? Et lors de la dernière intervention télévisée présidentielle, le mot « agriculture » n’a dû être prononcé qu’une fois, et encore dans une énumération regroupant « ceux qu’il faut caresser dans le sens du poil au cas où ».
Tout récemment, dans le département du Nord, un agriculteur a reçu un coup de poing parce que sa faucheuse faisait trop de bruit. En Haute-Savoie, un arboriculteur a vu 1200 de ses pommiers déracinés en une nuit. Dans le Jura, des coups de fusil ont été tirés sur un tracteur… Ces trois faits ont eu lieu entre le 1er et le 11 mai, alors que nous étions encore en confinement, et donc a priori encore avec l’obligation de « composer » avec les producteurs français pour son alimentation… Et il en existe très certainement d’autres.
Ceci pour dire que le décalage entre agriculteurs et autres acteurs de la société n’a pas cessé en l’espace de quelques semaines. Il ne suffit pas de communiquer sur les bienfaits de l’agriculture pour convaincre, alors que ses méfaits, justifiés ou non, ont été assénés depuis plusieurs années désormais. D’ailleurs, au niveau des médias, et même si c’est contredit ensuite par un agriculteur sur Twitter et Facebook, on note toujours ces mêmes amalgames : un présentateur émérite de Télématin sur France2 estime en plein confinement que si la production de miel promet cette année d’être bonne c’est en raison de la baisse de l’activité agricole… Or c’est l’une des rares qui n’a pas baissé !
D’ailleurs quelque part les paysans ne sont pas dupes. Une part importante d’entre eux ressentent toujours un malaise tel qu’il peut conduire, dans les cas extrêmes, au suicide. Il y a quelques jours seulement, un nouveau cas était signalé sur Twitter…
Alors bien sûr, on le sait, les causes sont multiples, les principales ne sont pas obligatoirement liées à une actualité générale. Mais le constat demeure : la période du confinement n’est pas ressentie comme propice à une amélioration de la condition humaine des travailleurs de la terre.
Va-t-on réellement vers une alimentation favorisant le « made in France », le « manger local » (ce n’est pas forcément la même chose), ou n’était-ce dû qu’aux circonstances exceptionnelles limitant l’approvisionnement de l’étranger (et du « pas cher ») ? Et si l’on parle de « manger local », la bénéficiaire, in fine, ne pourrait-elle pas être l’agriculture urbaine, dont l’essor est évident désormais ?
Le monde agricole en général va-t-il évoluer davantage vers les attentes sociétales, ou au contraire, se sentant (à tort ou à raison donc) conforté, continuer de vouloir imposer sa vision ? Des mots sont lancés, l’on voudrait un pacte avec les citoyens… Mais les infirmières ont-elles eu besoin d’un « pacte » pour s’assurer la sympathie universelle de la nation et de chacune de ses composantes ? N’existe-t-il pas des questions à se poser quant aux pratiques agricoles, lorsque l’on voit se perpétuer, même en période favorable, des actes d’agribashing ?
En liminaire, commence seulement à se poser, tout doucement, le véritable sujet à mettre sur la table, celui de la valeur. Valeur économique, valeur sociétale, valeur éthique, valeur environnementale, valeur humaine… A quelles valeurs obéit notre monde aujourd’hui ? Et dans ce champ de valeurs, comment peut se positionner notre agriculture pour exister en étant en phase avec toutes les autres composantes de la société, tout en préservant une cohérence par rapport à l’existant ?
Aucun débat n’a été lancé dans ce sens, alors que les semaines écoulées prêtaient à la réflexion.
Cette crise du Covid19 a permis d’effleurer une réalité basique, volontairement occultée par l’opinion : il a fallu quelques rayonnages vides pour que nos concitoyens entrevoient que la priorité pour tous c’est de manger. Les adeptes de l’agri-bashing, qui veulent obliger les agriculteurs à travailler comme au 19ème siècle, n’ont pas commenté le fiasco de l’appel du ministre de l’agriculture pour recruter de la main d’œuvre pour récolter pendant la pénurie de travailleurs saisonniers étrangers. Ce fiasco est résumé par ce maraîcher qui sur 20 candidatures reçues, voit embaucher 10 personnes et 3 seulement restent présentes en fin de semaine. Le travail agricole est trop pénible pour nos concitoyens… Mais une volonté persiste : obliger les paysans à se priver d’herbicides et de mécanique pour contrôler les adventices, et à revenir aux bœufs et aux chevaux pour tirer la bineuse, encore que les défenseurs de bien-être animal voudront que les paysans tirent eux-mêmes la bineuse !
Quant à l’agri-bashing, après avoir réduit la production par des exigences de plus en plus insupportables et réduit les paysans à l’esclavage, il ne manquera pas d’accuser les paysans de fainéantise lorsque ces contraintes auront entraîné une pénurie de produits alimentaires.
Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !
l’origine de l’agribashing vient d’EELV, des écolos bobos qui habitent en ville depuis plusieurs générations et qui ont la prétention de venir nous expliquer comment il faut labourer ou qu’une plante ne doit pas consommer trop d’eau sinon ils n’en auront plus assez pour leurs WC …
le nouveau secrétaire générale d’EELV (Julien Bayou) est un parisien pure souche qui n’a jamais mis les pieds dans la terre et qui est venu au salon de l’agriculture pour expliquer que les agriculteurs détruisaient la planète !
Ce type est la définition exact de l’extra-terreste, il n’habite pas sur terre mais en ville … cette ville qui épuise les ressources et pollue nos campagnes !
EELV a levé un écran de fumée pour cacher la misère des villes qui mettront fin à l’humanité si elles continuent à détruire la terre qui nous nourrit !
le covid est apparu en ville, dans une forte concentration urbaine très polluée alors que depuis des années EELV prétend que tous problèmes proviennent la pollution de nos campagnes …. une diversion qui nous a fait perdre un temps précieux !
75% de la population habite en ville, ça veut dire que 75% des humains n’habitent plus dans leur milieu naturel. Pour la planète l’humain est un animal comme les autres mais il est le seul à vouloir vivre en dehors des autres espèces en s’enfermant dans zones bétonnées. Ce ne sont pas les virus qui sont devenus plus fort mais l’humain qui se fragilise en vivant dans un environnement aseptisé . les virus existent depuis des millions d’années mais à vouloir trop se protéger le corps humains ne développe plus les anticorps qui lui permettent de résister !