Le gouvernement du Premier ministre Jean Castex vient d’être annoncé, ce lundi 6 juillet 2020 peu après 19 heures. Le nouveau ministre de l’Agriculture s’appelle Julien Denormandie. Auparavant secrétaire d’Etat au Logement puis ministre de la Ville, ce proche d’Emmanuel Macron s’est fait connaitre en signant une loi pour faciliter la réhabilitation puis la location des logements anciens. Pour autant, il n’est pas profane en agriculture.
C’est en lisant la biographie du nouveau ministre de l’Agriculture que l’on comprend son attachement à ce secteur : ce natif de Cahors (Lot) est ainsi devenu ingénieur des eaux-et-forêts en 2004 (avec également un MBA d’économie) après avoir intégré l’Institut national agronomique de Paris-Grignon en 2000, spécialité ingéniérie rurale. C’est ainsi par l’agriculture qu’il a commencé sa carrière. Il a connu différents postes de conseiller ensuite, mais cette fois toujours liés à l’économie. De l’ambassade de France au Caire (2008-2010) à différents ministères sous l’ère Hollande, ses conseils lui valent d’être remarqué par le ministre de l’Economie d’alors, Emmanuel Macron. Julien Denormandie a ainsi fait partie de ceux qui ont créé La République En Marche.
Et depuis l’ascension du mentor à l’Elysée, il gravit une marche à chaque remaniement, du secrétariat d’Etat au ministère. Après le Logement, la Cohésion du Territoire, la Ville, il arrive donc à l’Agriculture.
Ses promotions, il les doit aussi à son travail. Les premières années du quinquennat l’ont vu imaginer une loi qui porte son nom, qui offre des réductions d’impôts aux propriétaires qui réhabilitent des logements anciens pour les louer. Quand on y réfléchit, quelque part, cette loi oeuvre contre l’artificialisation des terres agricoles : on éprouve moins le besoin d’aller grignoter des terres agricoles pour donner un toit à la population quand les logements laissés vacants sont réhabilités.
Pour autant, ce jeune ministre de 39 ans, aussi brillant soit-il, doit démontrer que ses capacités sont adaptées aux problématiques actuelles de notre agriculture nationale. Celle-ci connait de nombreuses crises, à répétition dans de trop nombreux secteurs, si l’on parle en termes économiques.
Elle connait également une autre crise, de confiance, d’une part d’une partie de la société envers les agriculteurs (l’agribashing), d’autre part chez les paysans eux-mêmes, dont un nombre bien trop important connait le désespoir, jusqu’à l’acte ultime, le suicide.
Parallèlement, il faut se plonger dans la technicité des sujets d’actualité : la nouvelle Pac dont seuls les contours sont déterminés à l’heure actuelle, les échanges internationaux (avec ce sempiternel paradoxe macronien, le Président de la République multipliant les déclarations favorables à une autonomie agricole en France, et signant parallèlement les accords de libre-échange au fur et à mesure qu’ils se présentent, alors que l’agriculture y est très souvent considérée comme une monnaie d’échange), l’épilogue du Brexit et ses implications pour notre agriculture…
Il aura aussi à trancher entre deux attitudes concernant le revenu agricole : soit accepter l’échec de la loi EGAlim et repartir d’une feuille blanche, soit conserver l’héritage politique dans un souci consensuel envers ses pairs, mais au détriment de l’objectif affiché officiellement à l’origine. Dilemme entre marquer ce ministère de son empreinte, ou penser stratégiquement à son avenir politique… Tout en sachant que la deuxième option ne fait que renforcer le sentiment de contestation, ce que craint tout de même particulièrement Emmanuel Macron.
Enfin, le contexte écologique du moment le poussera à s’exprimer sur la réduction de l’utilisation des pesticides, un dossier pour le moins clivant qu’il devra appréhender au plus juste.
Des recherches sur internet pour trouver des interventions de Julien Denormandie sur un sujet agricole ne donnent (pour l’instant) qu’un faible résultat. On trouve néanmoins un discours, prononcé le 20 octobre 2017 au congrès de l’Anem (association nationale des élus de la montagne) où un passage retient l’attention. Celui qui était alors secrétaire d’Etat à la Cohésion des Territoires disait : « Aujourd’hui, quand vous avez 30 % des agriculteurs qui gagnent moins de 350 euros, le système n’est juste pas tenable, qu’il y ait des loups, ou qu’il n’y ait pas de loups d’ailleurs. Il n’est juste pas tenable, ou des ours. Et donc là, c’est tout le travail qu’on a essayé de faire de manière différente. Le travail de rénovation du prix payé à l’agriculteur, en se disant « ce qu’il faut faire en fait, c’est quand même partir de combien ça coûte réellement pour l’agriculteur de produire, que ce soit des céréales, d’élevage ou de la betterave à sucre ? » Et ça aussi quelque chose que ce gouvernement a fait et a entrepris.«
On peut interpréter ce propos à différents niveaux. 1) A l’époque au moins, il ne doutait pas de la finalité des travaux des états généraux de l’alimentation, se montrant même plutôt clairvoyant sur les objectifs à tenir pour les agriculteurs. 2) Visiblement, les problèmes rencontrés par le pastoralisme avec les prédateurs lui avaient été rapportés, et il les a évoqués dans son discours comme s’il répondait à une question, mais sans y répondre, en tout cas en se gardant de formuler toute opinion sur le loup ou l’ours et les attaques sur les troupeaux de brebis. Pour autant, difficile d’être conclusif sur un tel exemple, dans un contexte différent de ce que rencontrera le nouveau ministre de l’Agriculture.
Plus près de nous, fin février 2020, le magazine Le Moniteur a croisé Julien Denormandie… Sur le toit de l’un des halls du Salon de l’agriculture. Julien Denormandie évoquait alors l’agriculture urbaine.
Pour l’anecdote et les curieux, le magazine Challenge rapportait en 2017 la déclaration de patrimoine du nouveau membre du gouvernement d’alors, évalué à un peu moins de 500 000 € (aucun lien avec l’agriculture).
Julien Denormandie est le quatrième ministre de l’Agriculture de l’ère Macron (depuis 2017). Le secteur a besoin d’une vision stabilisée, et pas seulement dans le discours, jusqu’alors reconduit avec des hommes différents. Et d’un ministre qui défende davantage la profession que les positions gouvernementales antérieures, surtout quand elles n’ont pas fonctionné (sans obligatoirement montrer du doigt un prédécesseur non plus d’ailleurs, des contextes plus globaux ont pu déformer les concepts initiaux).
Sera-t-il l’homme de la situation ? Tout porte à croire qu’il en ait les capacités, à condition de s’affranchir d’a priori, de stratégies politiciennes, et de se dévouer corps et âme à la mission, sans arrière-pensée…
Notre illustration ci-dessous : le Twitt de Julien Denormandie en réaction à sa nomination au ministère de l’Agriculture.
Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !
la nomination de Julien Denormandie semble une bonne nouvelle, mais la mauvaise vient encore du ministère de la transition écologique ou on retrouve encore une pure citadine sans aucun contact avec la terre (extra-terrestre … ), sans aucune formation ou expérience professionnelle, qui n’a fait que science po et qui a fait partie des cadres d’EELV … nos campagnes vont continuer à subir des sécheresses dévastatrices mais on aura des loups et des ours …