Le coronavirus, le confinement qu’il a impliqué, et la crise économique qui en découle ont changé la donne au niveau des priorités en Europe. La Pac et le Green Deal passent après le plan de relance économique et l’accord global sur le budget de l’Union européenne. Un peu de patience pour les agriculteurs…
Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept doivent trouver un accord sur le budget de l’Union européenne de 1 100 milliards d’euros (Mds d’€) pour 2021-2027 et sur le plan de relance Next Generation EU de 750 Mds d’€. Mais les agriculteurs ne savent toujours pas comment la Pac sera réformée après 2021 pour être compatible avec les enjeux ambitieux du Green deal.
La gouvernance de l’Union européenne est allemande depuis le 1er juillet dernier. Pendant six mois, Angela Merkel, chancelière de l’Allemagne sera aux commandes.
Depuis l’émergence de la crise du Covid-19, le programme de travail des six prochains mois de la présidence allemande, élaboré avec la Commission européenne depuis 18 mois, a été complètement revu. La priorité des priorités est le redressement de l’économie européenne afin que les Vingt-sept pays membres de l’Union européenne ne sombrent pas dans une crise économique majeure après une crise sanitaire qui n’a pas encore dit son dernier mot.
Or l’Union européenne n’a ni budget et ni feuille de route pour les sept prochaines années. La réforme de la Pac, bouclée à la fin de 2018, doit être refondée pour la rendre compatible avec le Pacte vert (ou Green Deal – un ensemble d’initiatives pour rendre l’économie européenne climatiquement neutre en émissions de CO2) tout en l’arrimant au futur plan de relance économique Next Generation de 750 milliards d’euros de prêts et de subventions.
Pour rappel, ce dernier à été présenté à la fin du mois de mars dernier par Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
Mais les priorités ont changé. Les pays européens font face à une diminution brutale de leur produit intérieur brut et à une flambée du nombre d’actifs sans emploi. L’environnement économique n’est même plus favorable pour développer les échanges de quotas d’émission de carbone entre les entreprises et pour réduire les émissions de CO2 puisque le prix de la tonne de carbone a chuté.
En ce début d’été, les chefs de gouvernement pilotés par Angela Merkel doivent définir un nouveau cap pour les sept prochaines années et re-hiérarchiser les priorités sans se compromettre. La neutralité de l’économie européenne est dans tous les viseurs.
Le conseil européen du 17 juillet prochain sera donc un rendez-vous important. Après trois mois de crise sanitaire du Covid-19, l’ambiance de travail est beaucoup plus constructive. Les chefs d’Etat ont conscience que l’avenir de l’Union européenne des vingt-sept états membres est en jeu. Le contexte géopolitique est de plus en plus orageux, avec de plus en plus de pays interventionnistes et repliés sur eux-mêmes, alors que l’Union européenne reste accrochée aux règles de l’organisation mondiale du commerce.
Or sur les questions agricoles, « l’Europe doit d’urgence rétablir une politique agricole commune qui assure une souveraineté européenne suffisante pour garantir des souverainetés nationales coordonnées avec des outils de régulation et de gestion de crises adéquates, analyse le think tank Agriculture-Stratégie. La transition environnementale de l’agriculture rend incontournable la sortie de la logique de dumping dans laquelle s’est inscrite la Pac depuis la réforme de 1992 ».
Le 19 juin dernier, les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne s’étaient livrés à un premier tour de chauffe. Par visioconférence, ils ont discuté du plan de relance, Next Generation EU (750 Mds d’€) et du Cadre financier pluriannuel (CFP, de 1 100 Mds d’€) de l’Union européenne pour 2021-2027 proposés par la Commission européenne (CE) le 27 mai dernier. Ce paquet porte donc sur 1 850 Mds d’€ de fonds, de crédits et de prêts divers.
Aucune grande décision n’a été prise ce 19 juin. Les chefs d’Etat ont échangé leurs points de vue sur le paquet « CFP-plan de relance » en vue de parvenir à un accord à la fin du mois de juillet prochain. L’unanimité des Vingt-sept est requise pour tout ce qui relève dans questions budgétaires de l’Union mais les chefs d’Etat abordent ce round dans une ambiance constructive.
La proposition budgétaire de la Commission européenne du 27 mai dernier est plus généreuse pour l’agriculture que la précédente présentée en 2018. Le CFP repose sur projet de budget de la Pac pour 2021-2027 de 348,3 Mds d’euros constants (en euros 2018) soit 391 Mds d’euros courants. Cette nouvelle proposition est supérieure de 2 % par rapport au statut quo (maintien du budget agricole par rapport à la précédente 2014-2020) et de 7 % par rapport à la proposition initiale de 2018 de la Commission européenne.
Le budget de la Pac serait alors doté de 9,5 Mds d’€ (tous les montants mentionnés sont en euros constants 2018) supplémentaires ainsi répartis : le Fonds européen agricole de garantie (Feaga) serait augmenté de 4 Mds d’€ et le Fonds européen de développement rural (Feader) de 5 Mds d’€.
De plus, la Commission a proposé « de porter le budget du programme Horizon Europe à 94,4 Mds d’€ afin d’accroître le soutien européen aux activités de recherche et d’innovation dans les domaines de la santé et du climat ».
Pour compléter le budget de la Pac, la CE suggère de « renforcer le budget du Feader à hauteur de 15 Mds d’€ dans le cadre du plan de relance Next Generation EU (cf encadré). Les fonds affectés « aideront les agriculteurs et les zones rurales à opérer les changements structurels nécessaires à la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe (sur la transition écologique), et en particulier à soutenir la réalisation des objectifs ambitieux du Green Deal », précise la Commission.
Synthèse chiffrée de l’allocation de la Pac proposée pour 2021-2027 (en millions d’euros)
Selon le think tank Agriculture-Stratégie, les ambitions écologiques et de neutralité carbone du Green Deal imposent une nouvelle architecture des aides du premier et du second pilier de la Pac 2021-2027 réformée. En effet, « le concept d’« éco-dispositif » (ou éco-sheme) présenté par la Commission européenne impose un recouplement des aides du premier pilier puisqu’il s’inscrirait dans une obligation de résultats et non de moyens. »
Ces nouvelles aides recouplées, assimilables aux actuelles Maec (mesures agroenvironnementales et climatiques) dans leurs objectifs prendraient la forme d’aide à la prairie ou à la production de protéagineux par exemple. Et elles permettraient de réorienter les productions agricoles selon les objectifs du Green Deal. « En l’état des négociations à l’OMC, l’UE dispose d’importantes marges de manoeuvre pour développer des aides couplées à la production pour un véritable pouvoir d’orientation vers la durabilité, souligne encore Agriculture Stratégie. Rappelons que le plafond de soutien de l’UE (la Mesure Générale de Soutien) est à plus de 70 milliards d’euros par an, soit nettement plus que le budget de la PAC (54 milliards par an dans la période 2014/2020). »
Le budget européen de 1 100 Mds d’€ sera financé par les contributions des Etats membres et le plan de relance de 750 Mds d’€ par des emprunts souscrits sur les marchés financiers par l’Union européenne. Ils sont remboursés à partir de 2028 et avant 2058.
En relevant temporairement le plafond des ressources propres de l’Union européenne à 2 % du revenu national brut, la Commission européenne pourra aisément emprunter 750 Mds d’€ sur les marchés financiers. Pour rembourser ces prêts, elle étoffera ses ressources propres. Et sur ce point, la Commission ne manque pas d’idées (écotaxe, taxe sur les opérations financières etc.).
A l’échelle des Etats membres, le plan de relance de 750 Mds d’€ comprend une part de subventions, qui seront versées aux Etats membres pour renforcer leur économie et une part de prêts (250 Mds d’€).
Les fonds seront alloués sur présentation de projets présentés par les Etats membres. Ils viseront à les aider « à se rétablir, à donner un coup de fouet à l’investissement privé et tirer les enseignements de la crise (sur les questions de santé notamment) », explique la Commission.
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