Ce dimanche 8 octobre, à Sainte-Anne d’Auray dans le Morbihan, se déroulera la troisième édition de la journée d’hommage aux familles endeuillées par un suicide agricole. Ce phénomène, régulièrement sous-évalué (encore récemment une « nouvelle » étude est sortie portant sur une période antérieure à… 2011 !), mérite absolument d’être connu.
C’est le moment de se déplacer un dimanche pour donner de l’ampleur à la volonté de briser le tabou. Encore cette semaine, le site Euractiv rapporte une « nouvelle étude » sur la mortalité agricole pour cause de suicide, et lorsque l’on clique de liens en liens pour parvenir à l’étude in extenso en question, on s’aperçoit que les chiffres donnés datent d’au moins 6 ans. Depuis, plus rien, il est donc totalement impossible de considérer l’effet de la crise actuelle, celle qui a commencé vers 2014, sur la population agricole. Et comme l’estimation manque, évidemment, la réaction aussi, qu’elle vienne de la société, ou des décideurs, notamment politiques.
Avec cette journée du deuxième dimanche d’octobre, dont ce sera (déjà !) la troisième édition, Jacques Jeffredo, modeste maraicher bénévole, entend réveiller les consciences. Cette année particulièrement, il ne sera pas seul.
D’une part, toutes celles et tous ceux qui ont compris que seules des initiatives de ce genre peuvent ouvrir les yeux de la société sur ce terrible phénomène se déplacent, certains depuis la première édition, et (malheureusement) plus nombreux à chaque fois. Je ne cite qu’un nom, celui de Marie Le Guelvout, soeur de Jean-Pierre, cet agriculteur connu pour son passage dans l’émission « L’amour est dans le pré » et qui s’est donné la mort… Elle ne cesse depuis d’alerter l’opinion publique… Mais il ne faut pas oublier tous les « anonymes », toutes ces familles inscrites malgré elles dans ces drames et qui voient dans la première partie du programme de la journée (la messe et le recueillement) une considération et avec elle une dignité ressenties à nouveau.
D’autre part, certains représentants de la société civile commencent, enfin, à vouloir comprendre. Ce sera le cas cette année de trois personnalités annoncées (en espérant que d’autres, invitées et n’ayant pas répondu, daignent finalement venir).
D’abord le député local Jimmy Pahun (UDF). Il a beau être sur place, dans le Morbihan, il a du mérite, car jusqu’à présent aucun élu national n’avait daigné marquer cette journée de sa présence. Ensuite Patrick Maurin, élu municipal de Marmande, fait le déplacement depuis le Lot-et-Garonne pour représenter Jean Lassalle, considéré par beaucoup comme le candidat le plus proche de la ruralité lors des dernières élections présidentielles. Patrick Maurin a lui-même traversé la France à pied pour la cause des villages ruraux et des agriculteurs. Enfin, Arash Derambarsh, conseiller municipal de Courbevoie, connu pour son engagement dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, représentera la jeune génération politique (il a 38 ans) avide de connaitre les réalités du terrain pour mieux répondre aux problématiques posées. Ce dernier sera, à n’en pas douter, très attendu lors de sa participation parmi les intervenants à la table ronde de l’après-midi.
La journée va se dérouler en deux temps.
Le matin (après l’accueil des familles et des personnalités à 10 h 30), la messe débutera à 11 heures en la basilique Sainte-Anne. Ce moment de communion (pas seulement au sens religieux, à prendre au sens large, tous ceux et toutes celles qui seront présents n’auront pas obligatoirement la vocation catholique) représente l’hommage aux familles endeuillées. La procession (à considérer comme une marche blanche) qui suivra l’office en direction de la statue du paysan breton Yvon Nicolazic, en attente de canonisation, conclura cette reconnaissance, ce retour à la dignité auquel toutes les familles endeuillées doivent aspirer.
L’après-midi, à partir de 14 heures (entre-temps chacun sera allé déjeuner où bon lui semble, ou d’un sandwich), il y aura donc une table ronde. Elle consistera à écouter des témoignages, mais aussi à trouver des solutions (ou en tout cas à poser des éléments de revendications) pour venir en aide aux familles et ne pas les laisser isolées une fois le drame intervenu. Jacques Jeffredo a déjà réfléchi à la question, il a quelques idées à soumettre à la salle. Les autres intervenants aussi. Si un consensus se dégage, des propositions concrètes seront soumises aux médias en fin de table ronde.
Selon Jacques Jeffredo, la journée doit répondre à quatre objectifs : 1. Reconnaitre la souffrance et partager la douleur des familles de la même manière que d’autres drames que connaît la France ; 2. Informer la population afin qu’elle prenne conscience du métier et par là même, elle aura des raisons de modifier son comportement (à l’image de la vente des fourrures ou l’exploitation des enfants dans l’habillement : rendre has been les mauvais comportements) ; 3. Donner aux politiques la possibilité de montrer devant le grand public qu’ils s’intéressent à la cause des agriculteurs en dehors des chambres, en sacrifiant un week-end pour les familles ; 4. Réfléchir ensemble, sans position partisane, aux possibilités de venir en aide aux familles touchées par les drames.
L’événement est affiché à la Une de Ouest-France, plus grand quotidien de France, ce samedi et devrait l’être également demain dimanche : la foule est attendue. Et si toutes celles et tous ceux, directement concernés ou simplement solidaires de l’action, prenaient de leur dimanche pour aller à Sainte-Anne d’Auray ?
A écouter ci-dessous, l’interview de Jacques Jeffredo, organisateur de cette journée d’hommage aux familles endeuillées, sur la radio RCF, par notre consoeur Emilie Denizet (vous pouvez également retrouver cette interview sur ce lien https://rcf.fr/actualite/prier-pour-les-agriculteurs-et-leurs-familles-touchees-par-un-suicide) :
Notre illustration ci-dessous date de 2015, lors de la première édition de cette journée d’hommage.