La navigation sur la mer d’Azov et de la Mer Noire est suspendue. Plus de vingt de millions de céréales exportables sont indisponibles à la vente. La guerre déclanchée par la Russie en Ukraine met d’ores et déjà en danger la prochaine récolte mondiale de grains et leur commercialisation. Mais surtout, il menace l’approvisionnement en engrais indispensables pour emblaver les cultures de la campagne 2022-2023.
(Article écrit le 26 février 2022) L’envolée des prix des céréales vendredi 25 février est la première réaction des marchés des céréales à l’entrée en guerre de la Russie en Ukraine.
A Rouen, le prix de la tonne de blé meunier a augmenté de 30 € en une journée et a atteint 314 € et celui de la d’orge (287 €) de 14 €. A Bordeaux, la tonne de maïs valait 276 €, soit 12 € de plus que la veille.
Il faut s’attendre à de nouvelles hausses. Le site russe Sevecon.ru, spécialiste des marchés avance le prix de la tonne de blé à 400 dollars soit plus de 360 €.
La flambée des cours des commodités traduit l’absence de lisibilité sur les marchés des commodités depuis la Russie a entrepris d’envahir l’Ukraine. La sécurité alimentaire est en jeu !
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– Les stocks de céréales des pays exportateurs ne permettent de palier à des défauts d’approvisionnements importants. La Chine détient l’équivalent d’une année de consommation de céréales mais l’Empire du milieu n’est pas un exportateur de grains. Il est même devenu le plus important pays importateur au monde de céréales.
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– Depuis peu, la navigation sur la mer d’Azov et de la Mer Noire est suspendue. Or l’Ukraine détient des millions de tonnes de maïs destinées à être exportées vers l’Union européenne mais aussi dans le reste du monde. L’Union européenne prévoit d’acheter 14 Mt de maïs durant la campagne 2021-2022.
Le 16 février dernier, FranceAgrimer annonçait que l’Ukraine avait déjà vendu 17,6 Mt de blé, soit 76 % du disponible exportable, 15,5 Mt de maïs (45 %) et 5,6 Mt d’orges (96 %). Selon Sevecon.ru, l’Ukraine doit encore vendre 6 mt d eblé et 14 Mt de maïs.
Le pays exporte la quasi-totalité de ses céréales depuis ses quatre principaux ports donnant sur la Mer Noire bombardés à plusieurs reprises.
Quant au port de Marioupol situé sur la mer d’Azof, il est un des enjeux militaires du conflit armé ouvert par la Russie.
Celle-ci est du reste dans une situation plus délicate. Ses exportations fortement sont taxées et le pays dispose encore d’importantes quantités de grains invendues. Il doit encore expédier plus de 10 Mt de grains pour tenir ses objectifs alors que le trafic sur la mer d’Azof est suspendu.
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– Durant ce qui n’était qu’une crise diplomatique entre l’Ukraine et la Russie, les prix des hydrocarbures et des engrais augmentaient mais l’approvisionnement des marchés n’était pas remis en cause.
La relance de l’économie mondiale avait suscité dès le milieu de l’année passée une vive demande d’hydrocarbures.
Mais le conflit armé entre l’Ukraine et la Russie s’étendra sur les marchés des fertilisants.
La Biélorussie et la Russie font en effet partie du cercle restreint des pays exportateurs d’engrais de la planète.
La Russie occupe une part importante des marchés intermédiaires des engrais intermédiaires (13 %) et finis (16%) sur la scène internatioanle. Et plus de 40 % des exportations mondiales de potasse sont bélarusses et russes.
Aucun autre pays exportateur d’engrais n’est en mesure de prendre le relais si la Russie et la Biélorussie sont dans l’impossibilité d’abonder les marchés en fertilisants.
A proximité de l’Union européenne, l’Algérie et l’Egypte, deux pays exportateurs majeurs de fertilisants azotés, ne sont pas en mesure de compenser l’absence de la Russie.
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– Dans l’Union européenne, et en France en particulier, l’approvisionnement en engrais pour cette campagne est assuré, selon Clément Le Fournis cofondateur d’Agriconomie. La question se pose pour les emblavements des cultures d’hiver et la récolte 2022-2023.
Les pays riches comme la France achèteront toujours des engrais et des hydrocarbures, même s’ils sont chers, mais comment les pays émergents et en développement feront face à cette nouvelle situation? L’absence de fertilisants met en péril les rendements des cultures et menace la fertilité de leurs sols. En France, les livraisons d’engrais ont déjà fortement baissé.
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– Comme la France vend habituellement la moitié de ces céréales, notre pays dispose d’une marge importante pour palier toute baisse de sa production. Mais ses voisins européens et les pays tiers importateurs devront trouver des solutions alternatives pour s’approvisionner.
L’Union européenne achèvera la campagne 2021-2022 avec des stocks justes suffisants pour assurer la transition entre deux campagnes.
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– Pour les pays importateurs obligés d’acheter des céréales à des prix très élevés, le conflit va accroître leurs difficultés d’approvisionnement.
La question se pose d’ores et déjà au Maroc confronté à une sécheresse très virulente. La récolte 2022 s’annonce catastrophique.
L’Ukraine et la Russie répondent habituellement aux nombreux appels d’offres lancés par les pays importateurs nord-africains notamment. Mais cette semaine, l’appel lancé par l’Egypte est resté sans réponse.
L’Algérie, qui avait privilégié l’origine russe et ukrainienne plus compétitive pour importer du blé aux dépens de la France, voit sa stratégie commerciale chamboulée.
Or dans un contexte de prix d’affrètement élevés, s’approvisionner auprès des pays de l’hémisphère sud ou Outre-Atlantique renchérit le prix de la tonne de grains achetée.
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– A moyen terme, le conflit russo-ukrainien impactera l’ensemble des échanges commerciaux de céréales.
Au cours de la prochaine campagne, l’origine russe pourrait être boycottée et les céréales ukrainiennes empêchées d’être exportées.
Or le bassin de la Mer Noire concentre 30 % des échanges commerciaux de blé et de maïs de la planète.
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– Par ailleurs, les mesures financières annoncées à l’encontre de la Russie (échanges commerciaux en dollars et accès au réseau swift interdits) isoleront le pays sur la scène internationale.
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– Enfin, la flambée des prix des céréales et des commodités renchérit considérablement les coûts de production en élevage dans tous les pays exportateurs. En France, la question se pose depuis des mois de savoir comment les éleveurs pourront répercuter ces hausses sur les prix de vente de leurs produits.
Légende photo: Port céréalier d’Odessa en Ukraine