Installation : faut-il d’abord chercher un médecin avant de chercher une ferme pour devenir paysan?

L’ensemble de la profession agricole se mobilise pour faire atterrir le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles, annoncés par Emmanuel Macron, président de la République le 9 septembre 2022 à Terre de Jim. Parmi les propositions faites pour bâtir ces textes législatifs, certaines soulèvent des questions de ruralité auxquelles les nouveaux agriculteurs et agricultrices n’échappent pas. Il s’agit par exemple, pour les non issus du monde agricole (NIMA), de trouver un médecin, une sage-femme ou un dentiste, prêts à les prendre comme patients.

En Dordogne, les dentistes ne refusent jamais de prendre des nouveaux clients. Mais quand un jeune agriculteur hors cadre familial, non issu du monde agricole, juste installé dans le département, en joint un pour se faire soigner, il devra prendre sa rage de dents en patience !

Aucun rendez-vous ne lui sera proposé avant deux ou trois mois !

Mal ou pas mal, les dentistes refusent de soigner dans l’urgence. Ils laissent les patients souffrir sans état d’âme avec leur abcès sous la dent!

Et quand l’un d’entre reçoit enfin l’agriculteur, il ne va pas le soigner ! Il va d’abord l’examiner !

Il ne traitera cette foutue rage de dents que dans un mois au minimum… lors d’un prochain rendez-vous!

Mais il reviendra alors à la sécurité sociale de rembourser cette première consultation qui n’aura pas permis de soulager la douleur du patient maltraité par son dentiste!

Et la suite ?.

Lors du second rendez-vous, l’agriculteur découvrira que ce même dentiste ne sait peut-être pas soigner les carries ou qu’il refuse de les soigner !

Mais l’agriculteur devra sortir son carnet de chèque pour financer les implants et les couronnes que le dentiste lui propose de poser !

Deux mois, voire trois mois se sont ainsi écoulés… Pendant ce temps à Paris, n’importe quel patient aurait déjà  eu trois rendez-vous dans un centre dentaire. Et certains sont même très bons !

Toujours en Dordogne, pour faire une radio du thorax, il faut moins attendre six semaines!

Et pour décrocher le moindre rendez-vous avec un médecin hospitalier (hépatologue ou pneumologue par exemple), le délai d’attente est d’au mois trois mois! Un délai suffisant pour rendre un cancer métastasique !

Quant à l’ophtalmologie : on ne sait même plus si ça existe encore !

Alors face à ces déserts médicaux, en Dordogne ou ailleurs, une question se pose ? Un candidat à l’installation doit-il d’abord chercher un médecin ou un dentiste pour devenir paysan avant de chercher une ferme pour produire?

Et lorsqu’un agriculteur cesse son activité, doit-il dorénavant chercher le médecin et un dentiste prêts à accepter de nouveaux patients pour rendre sa ferme reprenable.

Une offre de santé pour s’installer

Pour la FNSEA, « l’ambition de ce Pacte et Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles est de penser et de planifier ce renouvellement historique de génération d’actifs en agriculture, indispensable au maintien de son potentiel de production dans un objectif de souveraineté alimentaire ».

Le 11 mai dernier, le syndicat a présenté les propositions émanant des consultations réalisées à l’échelle de son réseau pour rendre plus attractive les métiers de l’agriculture auprès d’un public qui n’est pas issu du monde agricole.

https://www.fnsea.fr/wp-content/uploads/2023/05/230510-document-global-propositions-PLOAA-BL.pdf

Ces propositions scindées en trois axes visent à « développer et faire mieux connaître le métier d’agriculteur, avec des dispositions orientation/formation adaptées », de « faciliter l’accès de tous les porteurs de projet économique aux moyens de productions »  et « d’assurer l’adaptation et la transition des exploitations agricoles, en remettant l’économie au cœur des enjeux. Cela concourt à l’installation durable de nouvelles générations d’agriculteurs ».

Pas de paysans sans vie rurale.

Un point particulier du deuxième axe « faciliter l’accès de tous les porteurs de projet économique aux moyens de productions » souligne justement les difficultés d’avoir accès, en zone rurale, à une offre satisfaisante de soins et de services marchands et non marchants dans leur globalité.

En effet, une des propositions du syndicat vise à « améliorer le répertoire départ-installation afin » qu’il soit « davantage interactif pour faciliter la géo-localisation de critères de vivabilité près des exploitations à reprendre : écoles, services à la petite enfance, services de santé, axes routiers, débit internet, etc ».

Pas d’agriculture sans paysans, mais aussi pas de paysans sans vie rurale. Pour rendre attractif les métiers de l’agriculture, il faut aussi rendre la vie rurale attractive et vivante.

La relocalisation d’une partie de l’économie française doit permettre la création d’une nouvelle offre de services ruraux.

Sinon, le désert médical aura anticipé la constitution d’un désert paysan.

1 Commentaire(s)

  1. La santé , mais aussi la poste , les banques, l’école , les commerces locaux… tout cet écosystème méticuleusement détruit depuis des années jusqu’au point de non retour dans certaines régions.
    Quelle égalité des chances pour les enfants de ces futurs agriculteurs ?

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