A partir du XVIIIe siècle, plusieurs centaines de troupeaux laitiers étaient dénombrés aux portes de Paris. En 1900, les 500 vacheries recensées logeaient 5 000 vaches laitières. Il s’agissait d’élevages hors sol conduits dans des bâtiments insalubres.
Né en 1768 à Paris, rue du Faubourg Saint Martin (actuellement 10e arrondissement –quartier gare de l’Est), Jean-Baptiste Quintaine était cultivateur et nourrisseur. En 1819, il possédait à sa mort 36 vaches laitières et 6 chevaux hors d’âge. Il était un des nombreux nourrisseurs recensés par Michel Gautier, chercheur à l’Inra, dans un ouvrage intitulé « Les vaches de Paris, de la régence à la rénovation ».
A la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, on dénombrait des centaines de nourrisseurs aux portes de Paris. Ils possédaient chacun une étable où logeaient 6 à 10 vaches en moyenne qu’ils trayaient deux fois par jour. Le lait était ensuite livré à des commerçants ou vendu directement à la ferme.
Les races de vaches n’étaient pas encore bien définies à l’époque. Dans les inventaires, on mentionnait plutôt les vaches par couleur. Ainsi, 50 % d’entre elles étaient rouges mais on distinguait cependant les races normandes et flamandes des autres animaux.
L’essor de l’élevage laitier n’a pas cessé tout au long du XIXe siècle. Le site http://pietondeparis dénombe ainsi, en 1892, 502 nourrisseurs : « Le nombre de vaches possédées variait suivant la taille des vacheries. Les plus petites n’en logeaient qu’une dizaine mais la moyenne se situait entre 10 et 20. La plus importante ferme se trouvait dans le Jardin d’acclimatation qui possédait à elle seule plus de 80 vaches. »
Au total, il y avait 5 000 vaches dans les élevages, selon reporterre.net. La dernière a fermé dans les années 1950. « Les vaches donnèrent leur nom à des lieux et des rues de Paris et de banlieue. Au XVIe siècle, existe à Grenelle le chemin aux Vaches… La rue aux vaches est aujourd’hui rue Saint-Dominique », ajoute le site http://pietondeparis.
Les vaches en début de lactation étaient achetées dans des marchés aux bestiaux à l’extérieur de Paris ou en province. Et après un long périple qui les conduisait à la capitale, elles étaient conservées 12 à 18 mois dans des étables, le temps d’une campagne laitière, avant d’être conduites à l’abattoir.
Les conditions d’élevage étaient très mauvaises. Les animaux étaient attachés et logés dans des bâtiments exigüs. Peu aérés, ces derniers n’avaient en fait pas été construits pour devenir des étables.
Des élevages à proximité des habitations posaient des problèmes de voisinage tels que les connaissent encore aujourd’hui les producteurs de lait à proximité des zones habitées. Ce qui a conduit au final à une multiplication de règlements et de normes pour limiter leur expansion.
« Ces étables étaient souvent source de nombreuses nuisances causées par la puanteur du fumier et les nuées de mouches l’été comme le décrira si bien Balzac dans son roman « Le colonel Chabert ». Bien entendu, aucun contrôle vétérinaire n’existait. De plus l’hygiène lors de la traite était totalement absent (mains sales, pis des vaches non nettoyées avant la traite, etc.). La transmission de maladies bactériennes par le lait, par des bêtes malades, (tuberculose, mammite, fièvre aphteuse, etc.) n’était pas rare. De plus il n’était pas rare que le lait vendu soit « mouillé » avec de l’eau, parfois polluée, ou par l’adjonction d’anticoagulants ou d’antiseptiques », décrit http://pietondeparis.
Ces vacheries étaient tenues par des familles de nourriciers, transmises de génération en génération. Leurs membres sont des Parisiens originaires, dans un premier temps, du grand bassin parisien puis, au cours du XIXe siècle, de Bretagne, d’Auvergne et de Normandie.
Dans les étables, les vaches étaient nourries de son, de drêches et de déchets divers. Des fourrages étaient achetés à des tiers ou cultivés par les nourriciers, si ces derniers possédaient, comme Jean-Baptiste Quintaine, des terres proches de leur élevage.
Mais la quasi totalité des animaux étaient condamnés à rester dans leur étable.
C’est l’absence de moyens de conservation du lait qui avait conduit au développement de vacheries aux portes de Paris. Ses habitants étaient devenus de grands consommateurs de lait qu’il n’était pas possible, à l’époque, de le transporter sur de longues distances. Les charrettes réfrigérées n’existaient pas…
La pression foncière a conduit les vacheries à se redéployer toujours plus à l’extérieur de Paris au fur et à mesure de l’extension de la ville.
Par ailleurs, l’activité de nourricier nécessitait une capitalisation importante. Toutefois, elle permettait à des producteurs de sortir de leur situation de manoeuvrier.
Selon Michel Gautier, de l’Inra, les nourrisseurs ne font pas partie des Parisiens les plus riches mais des Français les plus riches. Surtout en raison de la valeur des biens immobiliers qu’ils possédaient.
Cependant, ces éleveurs étaient souvent endettés. Au XVIIIe siècle, leurs dettes équivalaient à la valeur de quatre vaches environ alors qu’ils en possédaient moins de dix le plus souvent. Certains éleveurs étaient même surendettés avec des emprunts supérieurs au montant de leurs actifs.
Les épizooties et les prix des aliments ont même ruiné de nombreux producteurs, rapporte encore Michel Gautier. Or il n’existait alors aucune assurance risque pour les protéger de ces risques réccurents…
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