L’hiver météorologique, qui commence en décembre et se termine fin février, a été, en 2019/2020, l’hiver le plus chaud depuis 1900 selon le bilan dressé par Météo France. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les vignobles et les vergers de France.
En effet, un hiver froid assure une protection naturelle contre les parasites. En outre, les cultures et notamment les arbres fruitiers tels que le cerisier ont besoin de cumuler un certain nombre d’heures de froid faute de quoi les rendements peuvent être sévèrement réduits, comme ce fut le cas lors de l’hiver 2006/2007 avec une chute de ceux-ci de l’ordre de 30 % pour la cerise.
Mais surtout, le mois de février, particulièrement doux, expose les cultures au risque de gel de printemps.
Les arbres fruitiers tels que le pêcher, en fleurs depuis mi-février dans les Pyrénées-Orientales, pourraient voir leur récolte anéantie par la survenance d’une gelée printanière même modérée. De même, la vigne devrait, une fois de plus, connaitre des dates précoces de débourrement et se retrouver exposée à un retour du froid au printemps. La crainte est grande de voir se répéter une configuration similaire à celle d’avril 2017 où le vignoble français avait été durement touché par le gel.
La station de Météo France à Saint-Émilion, installée au milieu des vignes de la célèbre appellation du vignoble bordelais, est active depuis 1995. L’analyse de ses données montre que le mois de février 2020 a établi un record pour le cumul de degrés jours de croissance (DJC) de la vigne. En effet, le cumul des écarts positifs entre la température moyenne journalière et le 0 végétatif de la vigne (10°C) ressort à 35 DJC, bien au-delà de la moyenne de 9 DJC constatée sur la période 1995-2015.
Pour limiter le risque de gelée il est important d’adapter le travail du sol et la taille. La taille doit être retardée pour différer le débourrement. Le sol doit présenter un enherbement maîtrisé et ne doit pas être travaillé ni tondu juste avant les prévisions de gel, de sorte à augmenter la capacité du sol à emmagasiner la chaleur durant la journée. Il existe également de nombreux moyens de protection, plus ou moins efficaces selon le type de gelée : aspersion, chaufferettes alimentées par du fuel pulvérisé ou du gaz, bûches, bougies, convecteurs à air chaud, tours antigel, hélicoptères, aspirateurs à froid, fils chauffants, etc.
La gelée radiative, conséquence de la perte de chaleur du sol la nuit par rayonnement, est plus facile à combattre lorsque l’air est humide (gelée blanche) que lorsque l’air est sec (gelée noire). La gelée advective, conséquence de l’arrivée d’une grande masse d’air froid accompagnée de vent sur une région, est la plus difficile à combattre. En particulier, les moyens de lutte par brassage d’air (tours antigel, hélicoptères, aspirateurs à froid) ne sont d’aucune utilité dans le cas d’une gelée advective.
Les moyens de lutte efficaces contre le gel ne sont pas toujours possibles du fait soit des caractéristiques du vignoble (par exemple, des rangs trop serrés pour faire passer un convecteur à air chaud mobile), soit de l’investissement trop élevé (comme un système d’aspersion), soit de l’absence d’une main-d’œuvre suffisante (pour la pose de bougies par exemple).
Il demeure par conséquent un fort risque de perte économique en cas de gel de printemps, que ce soit de tout ou partie de la récolte, ou par hausse des coûts de production liée à la mise en œuvre de moyens de lutte contre le gel. L’assurance a donc un rôle à jouer ici pour sécuriser les exploitations.
Toutefois, les caractéristiques du contrat d’assurance récolte multirisque climatique traditionnel sont telles que ce contrat n’est pas toujours adapté aux besoins des exploitations. Pour bénéficier de la subvention le seuil de déclenchement s’applique sur les capitaux par appellation et doit être au moins égal à 30 %, le rendement de référence doit être égal à la moyenne des trois dernières années ou à la moyenne olympique des cinq dernières années, et la totalité des vignes ou des vergers en production doit être couverte. Pour les exploitations ayant connu plusieurs années problématiques au cours des cinq dernières années le contrat est souvent inadapté du fait de la référence de rendement. Pour les exploitations avec de grandes surfaces sur une même appellation le contrat est en général inadapté ou insuffisant du fait du seuil de déclenchement. Pour les petites exploitations ou les exploitations où seule une parcelle est exposée et pas les autres, le coût sera souvent trop élevé (coût de la couverture elle-même mais également coût de mise en place du contrat et des démarches à effectuer être indemnisé en cas de sinistre et pour obtenir la subvention).
L’assurance paramétrique, également appelée assurance indicielle, est apparue au début des années 1900 au Royaume-Uni et s’est ensuite lentement développée aux Etats-Unis avant de se répandre plus largement dans le monde à partir des années 2000. Le recours à cette forme d’assurance se développe aujourd’hui du fait notamment du développement des nouvelles technologies et des investissements colossaux engagés dans la lutte et l’adaptation au changement climatique que ce soit de la part d’acteurs privés, de la part des gouvernements ou de la communauté internationale (par exemple la Banque mondiale avec le fonds « insuresilience investment fund »).
L’assurance paramétrique contre le gel de printemps est une assurance non traditionnelle en cela qu’elle ne requiert pas le passage d’un expert sur le terrain en cas de sinistre. La couverture est automatiquement déclenchée à partir des mesures de stations météo de référence définies au contrat. Elle est appréciée pour la grande liberté de personnalisation qu’elle offre (dans le choix des surfaces à assurer, des capitaux correspondants, des critères d’indemnisation) ainsi que la simplicité et la rapidité de la procédure d’indemnisation à la suite d’un sinistre. Très flexible, elle permet de s’adapter aux diverses situations. Elle se couple efficacement avec la prévention, la lutte et l’assurance traditionnelle.
Pour une exploitation qui lutte contre le gel à l’aide de bougies, elle peut couvrir la hausse des coûts de production liée à l’achat des bougies et la rémunération de la main-d’œuvre. Pour une exploitation qui a souscrit une assurance multirisque climatique avec une franchise de 30 %, elle offre une protection complémentaire en assurant les parcelles les plus gélives.
A titre d’exemple, la société dont je suis président, Jola, spécialisée dans l’assurance des récoltes, a lancé, début 2019, une offre originale d’assurance paramétrique contre le gel de printemps à destination des viticulteurs et des arboriculteurs. Le mécanisme d’indemnisation repose sur un indice de taux de destruction modélisé qui permet de différencier les événements de gel selon leur intensité et de tenir compte de l’effet de cumul entre des événements successifs. Cette offre a rencontré un grand succès dès son lancement et a déjà pu démontrer son efficacité avec l’indemnisation de plusieurs exploitations en juin 2019 à la suite d’un gel mi-avril en Bourgogne.
Plusieurs grands assureurs européens se sont lancés sur le marché de l’assurance paramétrique au cours des dernières années. Grâce à des équipes de souscriptions très techniques et spécialistes des risques météo, ils sont capables d’offrir une grande réactivité aux courtiers et leurs clients et de prendre des engagements allant jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros sur une seule station.
L’assurance paramétrique, du fait de son fonctionnement non traditionnel, requiert une attention particulière lors de sa mise en place. En effet, il existe un risque d’écart entre la perte économique réelle de l’exploitation et la perte modélisée à partir des données météo selon le mécanisme défini au contrat. Il est indispensable que le mécanisme d’indemnisation soit bien expliqué aux assurés par leurs courtiers avant la conclusion de tout contrat d’assurance paramétrique.
Il est possible, en couplant l’expérience et la connaissance terrain du producteur à l’expertise scientifique et l’analyse actuarielle d’un courtier spécialisé, de réduire ce risque d’écart, appelé également risque de base (« basis risk » en anglais). Spécialiste de l’analyse des données et du calcul des risques appliqués aux problématiques d’assurance, l’actuaire peut utilement conseiller sur le choix de la station météorologique de référence et du mécanisme d’indemnisation ainsi que dans l’évaluation de la pertinence d’un contrat au regard de son coût estimé et de la protection qu’il apporte.
Article rédigé par Bernard Finas
président de la société Jola
Ci-dessous, cerisier victime du gel (photo Adobe).
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Le climat océanique est caractérisé par la faible amplitude thermique entre le jour et la nuit liée à la présence d’eau, le climat continental est au contraire caractérisé par une forte amplitude thermique liée à l’absence d’eau et donc de végétation. Les déserts subissent de fortes chaleurs diurnes et des gelées nocturnes, les épisodes de gel que nous venons de connaitre sont les caractéristiques exactes d’une désertification.
Pour limiter les dégâts il faut diminuer l’amplitude thermique entre le jour et la nuit, donc arroser les cultures pendant les vagues de chaleur pour baisser la température et ainsi éviter des départs en végétation trop précoces, et arroser les cultures la nuit pour éviter le gel ; de simples brumisateurs peuvent suffire.
Sur les continents, la régulation thermique de l’atmosphère est automatique tant que les surfaces exposées au soleil sont couvertes d’eau ou de végétation, les fortes amplitudes thermiques sont classiques dans les déserts mais pas du tout en mer et en forêt !
Il faut de l’eau pour éviter le gel, il faut de l’eau pour éviter les canicules, il faut de l’eau pour éviter les sécheresses, il faut de l’eau pour végétaliser, et les seuls à faire des réserves l’hiver (Caussade) récoltent deux ans de prison ferme !