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Filières animales : les hausses des prix de vente compensent celles des aliments

Les éleveurs font face à une flambée des prix des aliments et des autres charges inégalée depuis près de deux ans. Toutefois, les prix de vente du lait et de la viande parviennent à compenser les charges alimentaires. Elles représentent jusqu’à 69 % du coût de production total.

Une situation inédite ! Lors des crises précédentes, les prix élevés des céréales et des protéagineux pénalisaient toujours les éleveurs, dans l’incapacité de répercuter sur leurs prix de vente les hausses des coûts subits. Les années 2007-2008 ou encore 2012-2013 sont emblématiques.

Cette année, la situation est complètement différente. La loi égalim 2 et surtout la décapitalisation observée dans la plupart des filières animales offrent un cadre commercial plus favorable.

En novembre 2022, la forte hausse sur un an, du coût de l’aliment distribué aux bovins viande, est de 27,4 %. Pour faire face à cette hausse, un prix à la production (ou de compensation) (1) augmenté de 6,7 % aurait suffi car « la part des charges d’alimentation dans la valeur du produit brut des exploitations spécialisées est de 24,6 % », explique le ministère de l’Agriculture ( note de conjoncture Agreste). Or le prix de vente a progressé de 30,4 % sur un an.

La conjoncture de la filière bovine est un cas d’école. 

Pendant la période de canicule de l’été passé, les cours des animaux ne sont pas effondrés, comme ce fut le cas les autres étés caniculaires précédents.

Mais depuis plusieurs années, les producteurs de viande bovine anticipent la survenance de périodes caniculaires en réduisant leurs effectifs pour être plus autonomes en fourrages. Acheter des fourrages pour nourrir des animaux qui se vendent mal est ruineux.

Or l’été dernier, la demande de viande bovine était restée très soutenue alors que l’offre était faible. La décapitalisation se poursuit mois après mois.

Comme la majorité des éleveurs de bovins viande n’a pas manqué de fourrages, elle n’a pas eu besoin de vendre en urgence et à vil prix des animaux comme c’était le cas durant les précédentes périodes caniculaires. 

Les tensions sur les marchés de l’ensemble des produits animaux profitent à tous les éleveurs.

En novembre 2022, sur un an, la hausse du prix du lait à la production (22,8 %) compense la forte hausse du coût de l’aliment (27,1 %). Une augmentation du prix du lait de 6,5% sur un an aurait suffi car « la part des charges d’alimentation dans la valeur du produit brut des exploitations spécialisées est de 24,1 % », précise encore le ministère. Toutefois, le prix du lait payé en France est un des plus faibles d’Union européenne. Comparé aux pays du Nord de l’Union européenne, l’écart est de 100 € par 1 000 litres.

Concernant les filières granivores, très dépendantes des cours des céréales pour être rentables – la part des charges d’alimentation représente environ 2/3 de la valeur du produit brut des exploitations spécialisées – la conjoncture des marchés de la viande de volaille et de porc leur est aussi favorable.  

En novembre 2022, sur un an, la hausse du prix du porc à la production (47,4 %) fait plus que compenser la forte hausse du coût de l’aliment (29,1 %). Une hausse de 18,8 % sur un an aurait suffi pour compenser l’augmentation du coût de l’alimentation. Pour les poulets, même cas de figure.

De même, la hausse du prix du poulet à la production (24,2 %) compense la forte hausse du coût de l’aliment (25,0 %) puisque une augmentation de 17,7 % aurait compensée à elle seule la hausse des aliments.

Un lourd passif financier

Ceci étant posé, la conjoncture de prix de vente favorable aux éleveurs fait suite à des années pendant lesquelles les cours étaient très faibles, en production bovine notamment. Ils n’assuraient pas une rémunération décente aux éleveurs, dans l’incapacité de répercuter sur leurs prix de vente la hausse des charges alimentaires.

Par ailleurs, l’étude du ministère de l’Agriculture ne mentionne pas l’avalanche des augmentations de prix de l’énergie, des engrais et des matériels qui n’épargne aucun éleveur.

Sur un an, la hausse est de 30 %.

Le 18 janvier dernier, l’Institut de l’élevage a démontré que les revenus des producteurs de viande bovine étaient toujours très faibles. Le résultat courant par unité de main d’oeuvre de la majorité d’entre eux n’excède pas 18 000 €. La hausse de leur chiffre d’affaires a été compensée par celle de leurs charges.

En production porcine, la conjoncture des prix s’est très récemment améliorée. Jusqu’à l’été dernier, les producteurs de porcs étaient victimes de l’effet ciseaux prix-charges : l’hiver 2021-2022, les prix du porc stagnaient tandis que ceux des aliments flambaient. En janvier 2022, le cours du porc aurait dû progresser de 11,6 % sur un pour compenser la seule augmentation des prix de l’aliment.

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(1) Le prix de compensation du coût de l’aliment est égal au prix à la production qui, compte-tenu de la part des achats d’aliment dans la valeur de la production animale en sortie d’élevage, compenserait la variation du prix de l’aliment par rapport à l’année précédente, toutes charges égales par ailleurs.

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