usine lait

Fermes de dimension familiale et des 1000 vaches pourraient coexister en France

Une étude de plus sur l’avenir (à l’horizon 2030) de la filière laitière française en France et à l’international ! Oui, mais celle publiée très discrètement par FranceAgriMer en août dernier se distingue par son approche pluridisciplinaire, à la fois géopolitique, climatique, sociétale et macroéconomique. Ce document de 30 pages réalisé par une quarantaine de contributeurs est intitulé « Prospective filière, lait de vache ».

Des quatre scénarios qui en découlent, la Pac n’a pas de rôle déterminant. En revanche, le contexte de crise laitière et économique influence fortement les conclusions et le contenu des scénarios élaborés par les contributeurs de cette étude. A l’échelle de l’exploitation en particulier, coexistent dans chacun d’eux, deux modèles de production duals de dimension familiale pour l’un et proche du système des « 1 000 vaches » pour l’autre, qui devient parfois la norme.

Le scénario le plus en phase avec l’organisation de la filière française et les aspirations de ses producteurs est celui intitulé « Une filière laitière conquérante et régulée » car il préserve la diversité de la production laitière.

Le contexte dans lequel s’inscrit ce scénario est le suivant : « Les industries agroalimentaires (IAA) laitières françaises profitent du développement des filières dans des pays jusqu’alors importateurs en s’y implantant. En France, elles intègrent la distribution jusqu’au consommateur très intéressé par les produits laitiers. Leur rapport de force avec les producteurs de mieux en mieux organisés est régulé par l’Interprofession qui maîtrise la volatilité des prix du lait. »

A l’international, la concurrence est vive mais le contexte est favorable pour que l’augmentation de la production mondiale de lait profite à tous. Dotées d’une très bonne image, les entreprises françaises de la transformation s’implantent dans les pays émergents où la production de lait se développe fortement.

Dans ce scénario, deux systèmes de production existent en France: des grandes exploitations laitières spécialisées dont la production de lait est destinée à la transformation industrielle et des exploitations familiales orientées vers des productions de niches (labellisées, circuits courts). Les rapports avec les distributeurs sont plus équilibrés.

L’étude synthétise ainsi le nouveau paysage agricole induit par le scénario « Une filière laitière conquérante et régulée » : « Grâce à l’augmentation de la demande, le taux d’installation d’élevages laitiers se maintient à ce qu’il était dans la première décennie du XXIe siècle malgré l’augmentation du prix des terres agricoles. La concentration et l’intensification des fermes se poursuit dans le croissant laitier mais ne se généralise pas à la totalité du territoire. Le modèle dominant lève les freins financiers en permettant l’accès à des capitaux extérieurs, intéressés par le potentiel des produits industriels. La robotisation et le salariat se développent dans ces élevages intensifs pour lesquels le lait est la seule source de revenu. »

Le scénario le plus pessimiste des quatre présentés par l’étude de FranceAgriMer est celui intitulé « Le défi de la régression ».

Le contexte est tout à fait différent du précédent. La France et l’Union européenne croulent sous les excédents de produits laitiers. « Un discours anti-lait et anti élevage conduit à une réduction de la demande intérieure. Le marché européen est initialement excédentaire : l’advenue de nouvelles épizooties en Europe en lien avec le changement climatique, ainsi que le développement des investissements directs dans les pays tiers des IAA laitières européennes, n’ont en effet pas permis au marché mondial d’absorber l’excédent de production européenne, et le prix du lait baisse. »

Face à cette situation et face aux contraintes environnementales et sociétales pesant sur l’élevage, les organisations européennes de producteurs orchestrent la réduction de la production tout en la rendant plus riche en valeur ajoutée. Dans ce scénario, les consommateurs sont guidés dans leur choix par un étiquetage environnemental qui s’est généralisé. En matière de système de production agricole, la course à la spécialisation laitière s’arrête avec retour à une relative autonomie des systèmes fourragers.

La robotisation marque un coup d’arrêt. Selon les contributeurs de l’étude de FranceAgriMer, « Le développement des exploitations se fait davantage par l’accroissement de la quantité de travail, notamment dans les exploitations de grande taille en SAU où le salariat croît. Les logiques agro-écologiques, potentiellement valorisables sur un marché où l’affichage environnemental est devenu une des références importantes de l’étiquetage. »

Dans le scénario intitulé « La spirale concurrentielle », la situation est différente. Le changement climatique concentre la production laitière dans les pays tempérés et favorise en particulier la France. Le moteur du développement de la production mondiale de lait est la progression de la demande laitière dans les pays émergents. Mais au niveau européen, les industriels sont en surcapacité  car le marché est saturé et en berne.

Toutefois, « la grande distribution n’ayant pas développé une logistique performante de service à la clientèle, les transformateurs profitent du basculement des achats vers l’Internet pour mettre en place leurs propres systèmes de distribution, expliquent les auteurs de l’étude présentée par FranceAgriMer. La forte capitalisation des fermes laitières (robotisation) et les apports de capitaux extérieurs à la sphère familiale, s’accompagnent d’un accroissement de la productivité du travail permis par l’intensification : la « ferme des 1000 vaches » à proximité des entreprises de collecte, avec l’achat d’aliments est la norme. Les marchés de niche demeurant limités, le rythme de diminution du nombre d’exploitations laitières en France s’accélère. »

Selon le quatrième scénario « Lait High tech et démondialisation » de l’étude « Prospective filière, lait de vache », des politiques volontaristes d’occupation du territoire maintiennent a minima un tissu productif local d’exploitations familiales écologiquement intensives pour l’approvisionnement des marchés de proximité alors que des investissements extérieurs à la filière ont levé les freins financiers au développement de grandes exploitations combinant, achat d’aliments, automatisation et salariat dont la production laitière est destinée à l’industrie.
 

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