Un rapport du Sénat dresse un panorama de l’agriculture française. L’importation de produits agroalimentaires, qui ne respecteraient pas les normes imposées aux producteurs français, représenterait l’équivalent de la baisse de l’excédent des échanges de produits agricoles et agroalimentaires constaté depuis 5 ans.
La perte de compétitivité de la France n’explique pas tout. Les agriculteurs et les entreprises agroalimentaires français seraient victimes d’une concurrence déloyale. Une grande partie de la baisse de l’excédent commercial agricole et agroalimentaire s’expliquerait par les importations de produits qui « ne respecteraient pas les normes minimales imposées aux producteurs français », déplore Laurent Duplomb, sénateur, dans un rapport fait au nom de la Commission des affaires économiques du Sénat.
Ces importations représenteraient un manque à gagner estimé entre 5 et 10 milliards d’euros par an, soit au moins l’équivalent de la baisse de l’excédent commercial agricole et agroalimentaire français au cours des cinq dernières années.
« En plus de mettre en péril la sécurité sanitaire de nos concitoyens, ce phénomène exerce une concurrence déloyale envers nos producteurs », ajoute le rapporteur.
Ces produits, importés à des prix plus faibles, concurrencent le « produit et fabriqué en France ».
Laurent Duplomb estime « qu’entre 8 et 12 % des denrées alimentaires importées de pays tiers ne respectent pas les normes européennes de production et sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité sanitaire de nos concitoyens ».
Et selon toujours le sénateur, la DGCCRF (direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes) aurait constaté que « près de 17 % des contrôles physiques sur les produits issus de l’agriculture biologique se sont révélés non-conformes en 2017 ».
Or, ce sont (entre autres) ces produits qui contribuent fortement à la dégradation du solde commercial agricole et agroalimentaire car l’agriculture française ne parvient pas à satisfaire la demande croissante des consommateurs pour ces produits.
Pour expliquer en partie la pénétration de produits non-conformes sur le marché français, Laurent Duplomb dénonce l’absence de contrôles douaniers.
Alors que les agriculteurs et les entreprises agroalimentaires sont soumis à des normes et des contrôles les plus sévères de l’Union européenne, seuls 3 à 7 % des produits importés seraient contrôlés ! Et ces « résultats sont du reste très probablement sous-estimés », souligne Laurent Duplomb.
Le gouvernement français ne consacrerait pas suffisamment de moyens pour protéger son marché intérieur des produits importés. Une centaine d’agents et 10 millions d’euros sont alloués à cette tâche alors que la France a importé 55 milliards d’euros, deux fois plus qu’en l’an 2000.
« Ces 10 millions d’euros représentent à peine les recettes fiscales du Loto encaissées chaque semaine par l’Etat », rapporte, avec une certaine dérision, le sénateur.
Déjà en 2014, la Cour des comptes soulignait qu’entre 10 et 25 % des produits en France n’étaient pas conformes. Plus la concurrence est vive avec nos voisins européens, plus la proportion des produits défaillants est élevée. Elle porterait sur 17 % des viandes fraiches de boucherie et 13 % des volailles. Or la France importe justement 34 % de sa consommation intérieure de volailles et un quart de celle de porcs d’Allemagne, de Pologne, de Belgique et d’Espagne.
Les accords commerciaux de libres échanges de l’Union européenne avec les pays tiers suscitent beaucoup d’incompréhensions mais les fraudes proviendraient essentiellement de pays européens avec lesquels la France est déficitaire.
Du reste, le solde commercial agricole et agroalimentaire s’est toujours maintenu avec les pays tiers mais il est quasiment nul avec nos voisins européens !
La France reste le premier pays producteur agricole européen (73 milliards d’euros en 2017) loin devant l’Allemagne (53 milliards d’euros en 2017 – dernier chiffre connus pour comparer les deux pays) mais elle n’est plus que le 6e exportateur mondial derrière l’Allemagne et les Pays-Bas.
Son excédent commercial a fortement baissé ces dernières années. Il n’est plus que de 6,9 milliards d’euros contre plus de 11 milliards en 2011 et 2012. Le faible niveau des prix des produits agricoles exportés explique ce déclin mais pas seulement.
« Depuis 2000, les importations ont été presque doublées en France (+ 87 %) tandis que les exportations, dans le même temps, augmentaient de 55 % », rappelle le sénateur Duplomb.
L’an passé, elles ont atteint 55,5 milliards d’euros tandis que les exportations se sont élevées à 62,3 milliards d’euros. « Tous produits confondus, la contribution des pays tiers à l’excédent commercial s’élève à 95 % », ajoute une étude Agreste. La France accuse un déficit avec l’UE (- 0,2 milliards d’euros) avec les produits transformés et un excédent pour les produits agricoles.
Outre la question de la compétitivité de la production agricole et les produits frauduleux bon marché, pour expliquer le recul de 2 points des parts de marché de la France dans le monde, Laurent Duplomb avance un troisième argument : « Certains choix de spécialisation, portés vers l’alimentation haut de gamme, dont les possibilités de pénétration sur les marchés internationaux sont limitées. Les stratégies de compétitivité consistant à associer qualité et origine géographique sont, en réalité, peu lisibles sur les marchés à l’exportation. »
Autrement dit, nos exportations de produits de gamme ne font pas le poids face aux importations massives de produits de grande consommation que les industriels français renoncent à produire, ou pour lesquels ils ne sont plus compétitifs.
La renommée de la France pour ses produits festifs ne suffit pas pour reconquérir les parts de marché à l’international perdues sur les produits de grande consommation.
L’illustration ci-dessous est issue de Adobe.