Des brins plus longs et des grains pulvérisés
Le shredlage tire sous nom de l’anglais to shred, qui signifie déchirer, déchiqueter. C’est une technique de récolte qui consiste à produire des brins de maïs fourrage plus longset à éclater plus finement les grains.
Le stade de récolte reste inchangé au regard de la technique « conventionnelle », soit 32 à 35 % de matière sèche plante entière, mais la taille des brins est significativement accrue : de 21 à 30 mm pour le shredlage, contre 12 à 18 mm en conventionnel. Ces longueurs sont obtenues par modification du nombre de couteaux et/ou de la vitesse des rouleaux d’alimentation de l’ensileuse.
Quant à l’éclatement intense des grains, il provient d’un différentiel de vitesse plus marqué entre les deux rouleaux de l’éclateur de grain : de 40 à 50 % pour le shredlage, contre 20 à 30 % en « conventionnel ». Couplé à un écartement réduit allant de 1,25 à 1,75 mm selon la teneur en matière sèche du fourrage, les éclateurs écrasent et cisaillent la matière (tiges, feuilles, spathes, rafles et grains). L’objectif est de pulvériser les grains mais également de déchirer les morceaux de tiges dans le sens de la longueur.
En produisant des brins plus longs, les promoteurs de cette technique ambitionnent d’améliorer la rumination des animaux par l’apport de fibres physiquement efficaces issues du maïs, et de supprimer ainsi de la ration les fourrages fibreux classiquement nécessaires (foin et paille). Une reconcentration énergétique des rations est alors visée. L’éclatement intense des grains devrait permettre, quant à lui, d’améliorer la dégradabilité et la digestibilité de l’amidon.
Des premiers résultats d’essais mitigés
Mais, à ce jour, les résultats des essais disponibles ne permettent pas d’affirmer qu’une coupe plus longue des brins d’ensilage de maïs améliore sensiblement la valorisation de la ration et le confort digestif. C’est ce qui ressort d’essais de comparaisons avec le maïs ensilage « conventionnel », conduits notamment aux États-Unis et en Allemagne. Les résultats ont été publiés entre 2012 et 2017 (tableau 1).
Les rations testées comportaient entre 39 et 50 % de maïs fourrage (base MS) et une part significative d’herbe comprise entre 10 et 20 %, sous forme ensilée ou enrubannée. En revanche, les rations différaient fortement par leur part de concentrés ainsi que par leur équilibre chimique (pourcentage d’amidon et de fibres NDF).
Les performances animales exprimées sont proches entre les lots témoins et les lots alimentés avec du maïs en brins longs. Seul un des essais menés en Allemagne (Ettle, 2017) montre une baisse d’ingestion significative avec le maïs en brins longs. Côté production laitière, trois essais laissent entrevoir des tendances à l’augmentation quand les trois autres illustrent la tendance inverse. Les écarts de taux protéique et butyreux sont également très faibles.
Tableau 1 : performances animales obtenues pour différentes rations (base matière sèche) issues d’ensilage de maïs en brins longs en comparaison à du maïs « conventionnel ».
Sources : 1-Ferraretto et Shaver (2012, 2-Vanderwerff et al. (2015), 3-Chase (2015), 4-Beintmann et al. (2016), 5-Ettle (2017).
(*) Différence significative au seuil de 5 %.
Quelques points en suspens
Les constatations faites lors de suivis de fermes ou au cours des essais ne sont pas unanimes sur le risque de tri, et donc de refus par les animaux. La recherche d’une coupe longue pour favoriser la rumination peut s’avérer contre-productive dès lors qu’elle permet à l’animal de trier les particules de la ration selon leur taille. Une homogénéité des tailles de particules de la ration est à rechercher pour éviter ce phénomène.
Le tassement et la qualité de conservation des ensilages sont également des préoccupations qu’il faut garder en tête. L’allongement de la longueur des brins rend plus difficile le tassement du fourrage au silo, bien qu’il ne soit pas le seul facteur responsable. Une compressibilité et une densité inférieure pour le maïs en brins longs ont été rapportées dans plusieurs essais, bien que la tendance ne semble pas systématique. Côté processus fermentaire, rien n’indique à ce jour que la mise en œuvre de cette technique modifie les réactions durant la conservation.
Une piste intéressante : assurer un bon éclatement des grains
Le lancement de cette technique remet le sujet de l’éclatement du grain sur le devant de la scène. Son intérêt est bien connu pour les concentrés distribués « secs » (maïs grain, blé…). Il l’est moins pour le maïs fourrage. Plusieurs essais ont montré que la réduction de la taille des particules de grain augmente la dégradabilité ruminale de l’amidon. Ce paramètre pourrait s’avérer décisif afin de mieux valoriser les maïs récoltés au-delà de 35 % MS et/ou distribués rapidement après la récolte.
Ingestion – digestion : une affaire de compromis
Le shredlage ne doit pas faire oublier que le premier paramètre qui régit la valorisation de la ration et la santé animale est l’équilibre chimique de la ration.
Les grains sont riches en amidon, source d’énergie pour les animaux. Les fibres NDF servent quant à elles à réguler l’ingestion. Plus la ration est fibreuse, meilleure est la qualité de digestion du fourrage, mais moins la vache consomme de matière sèche et d’énergie. Une teneur en amidon comprise entre 22 et 25 % dans la ration des vaches laitières garantit à la fois une bonne ingestion et une bonne digestion en limitant le risque d’acidose. Les recommandations indiquent une teneur minimale en fibres NDF dans la ration des vaches laitières hautes productrices de 32 %, dont au moins 70 % provenant de la part fourrage de la ration.