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Ecophyto2, pas de solutions à la hauteur des ambitions affichées

La mise en œuvre du programme Ecophyto 2 dans les exploitations impose une refonte totale des systèmes de production à laquelle les agriculteurs ne sont pas tous préparés. Les solutions alternatives disponibles pour compenser la baisse de 50 % de l’utilisation de produits phytosanitaires font défaut.

Le 8 novembre dernier, l’Apca a organisé un séminaire intitulé « Ecophyto 2 : de l’expérimentation à la pratique » axé sur la mise en œuvre du second programme de baisse de 50 % de l’emploi de produits phytosanitaires d’ici 2025, lancé cette année.

Introduit par Dominique Potier, député (PS) de Meurthe-et-Moselle et agriculteur, cet après-midi d’échanges et d’analyses, entre agriculteurs et représentants de l’Inra, de Fne (France nature environnement) et de la coopération agricole, a été animé par Didier Marteau, président de la commission agronomie-environnement de l’Apca.

« Malgré ses résultats décevants, Ecophyto 1 a engagé irréversiblement la profession agricole vers la réduction de la consommation de produits phytosanitaires. Et avec Ecophyto 2, on est passé à la vitesse supérieure », a déclaré Guy Vasseur, président alors de l’Apca.

Pour réduire l’emploi de produits phytosanitaires, il n’existe pas de solution miracle qui concilie performance économique et performance environnementale.

Les résultats présentés et connus sont souvent l’oeuvre d’initiatives personnelles ou de recherches appliquées très discrètes.

Un changement de conduite des systèmes

Des témoignages entendus durant le séminaire, il ressort que les agriculteurs qui, se sont lancés, comme Emmanuel Drique de l’Eure, dans la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires, se sentent marginalisés par leurs collègues. Et lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, ils sont seuls à en assumer la responsabilité.

Par ailleurs, les programmes de réduction de l’emploi de produits phytosanitaires modifient la conduite des exploitations et par conséquent, le travail quotidien des agriculteurs. Ils imposent une augmentation du temps de travail et du nombre de passages dans les parcelles, ce à quoi les exploitants agricoles ne sont pas toujours préparés. Mais surtout, l’absence de références et de résultats fiables et transposables, rebute de nombreux agriculteurs à revoir leurs pratiques culturales.

« C’est pourquoi il faut trouver des indicateurs pertinents pour apprécier les impacts d’une réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires, a expliqué Christian Durlin, administrateur de la Fnsea. L’Ift n’est pas un critère satisfaisant, pas plus que ne l’est le volume de produit épandu puisque ce dernier n’est pas en lien avec la dangerosité des substances employées. »

Ne se priver d’aucune piste de recherche

La mise en œuvre du programme Ecophyto 2 exige la mobilisation des services des Chambres d’agriculture et, des organismes de recherche appliquée et fondamentale. L’Apca et les chambres d’agriculture comptent sur le transfert des connaissances acquises dans les 3 000 fermes laboratoires et dans les 30 000 exploitations pilotes, pour vulgariser les nouvelles pratiques agricoles qui ont apporté satisfaction. Mais les agriculteurs doivent rester maîtres et acteurs de cette transition et, avoir la possibilité de faire part de leurs expériences.

Aucune piste de recherche et de solution ne peut être exclue: l’agronomie, la connaissance du vivant, le biocontrôle, etc.

« Ecophyto 2 appliqué en agriculture conventionnelle empruntera des techniques utilisées en agriculture biologique, ce qui conduira à réduire l’écart entre les deux modes de production », a ajouté Christian Durlin.

« Le recours aux biotechnologies accélère la recherche variétale. C’est un facteur de réussite prometteur du programme Ecophyto 2 en sélectionnant des variétés résistantes au stress hydrique et aux maladies par exemple », défend Sébastien Windsor, président de la Chambre d’agriculture de l’Eure. En fait, la réussite de d’Ecphyto 2 reposera aussi sur des solutions aujourd’hui insoupçonnables, qui font appel au Data numérique, aux Gps, etc.

« C’est pourquoi, il faut donner à la recherche les moyens de répondre à la demande publique », défend Guy Vasseur. « En revanche, légiférer et taxer des produits phytosanitaires ne remédiera pas à l’absence d’alternatives à leur emploi. Le législateur doit donner du temps aux agriculteurs », ajoute le président de la chambre d’agriculture de l’Eure. « Il faut une génération pour changer les pratiques culturales », renchérit Didier Marteau.

Le préalable au succès d’Ecophyto 2 est le partage des objectifs de ce programme par tous les agriculteurs en invoquant, par exemple, des enjeux de santé. Mais ce programme exige aussi l’adhésion des consommateurs et, de l’ensemble des acteurs aval et amont du secteur agricole. Les critères de transformation et de commercialisation des produits agricoles doivent être revus. Même tachetés, les fruits et les légumes devront être vendables ! 

Témoignage

Emmanuel Drique, agriculteur dans l’Eure, était un des intervenants du séminaire organisé par l’Apca sur la mise en œuvre du programme Ecophyto 2. Sur son exploitation, le moindre recours aux produits de protection des plantes résulte de la démarche, entreprise il y a quinze ans, qui l’a conduit à revoir l’ensemble de la conduite de son système de production. Il a opté pour le non travail du sol, pour une rotation des cultures allongée et pour des mélanges de variétés des céréales.

Pour changer son système, il s’est imposé une seule règle: si il était prêt à perdre quelques quintaux de rendement, il n’était pas question de sacrifier l’excédent brut d’exploitation de son entreprise.

Comparés à ses voisins, ses marges sont quasiment identiques. Ses cultures sont moins sensibles aux maladies et aux prédateurs. Cette année, son système a bien résisté à la chute des rendements. Mais aucun travail sérieux n’aurait pu être conduit sans le soutien de Bertand Omon, conseiller de la chambre d’agriculture de l’Eure.

Le programme Ecophyto 2

Le programme Ecophyto 2 est issu d’un travail législatif conduit par Dominique Potier, député de Meuthe-et-Moselle et agriculteur.

L’objectif de réduction de 50 % du recours aux produits phytopharmaceutiques en France en dix ans est réaffirmé, avec une trajectoire en deux temps. D’abord, à l’horizon 2020, une réduction de 25% est visée, par la généralisation et l’optimisation des techniques actuellement disponibles.

Selon le ministère de l’Agriculture, la réduction de 50 % à l’horizon 2025 reposera sur des mutations profondes des systèmes de production et des filières soutenues par des déterminants politiques de moyen et long terme et par les avancées de la science et de la technique.

La transition entre ces deux périodes, dans cinq ans, sera l’occasion d’une nouvelle révision du plan, conformément aux exigences de la directive 2009/128.

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