Vouloir sécuriser le meilleur des valeurs de l’herbe peut conduire les agriculteurs à se positionner sur la technique du séchage en grange. Les retours sur investissement sont possibles par la qualité de l’herbe et des primes dans le cadre de filières de qualité.
Les qualités de l’herbe sont dépendantes du stade de récolte bien sûr (lien article date de récolte), mais elles se construisent également tout le long de la chaîne de récolte (lien article chaîne de récolte). La technique du séchage en grange, qui donne de la souplesse et de la réactivité sur ces deux paramètres, permet de sécuriser des stocks de foin sec de bonne qualité. Les délais d’exportation de l’herbe après fauche peuvent être raccourcis à 48 h environ ce qui accroît le nombre de fenêtres météorologiques favorables permettant notamment une exploitation des stades les plus jeunes et les plus qualitatifs de l’herbe. La technique du séchage en grange améliore également la productivité des prairies temporaires avec une coupe de plus par an en moyenne. La qualité fromagère des laits est aussi meilleure avec des profils en acides gras plus favorables pour la santé humaine.
Concrètement un séchage en grange nécessite un investissement dans un séchoir avec une cellule de séchage et des cellules de stockage du foin en vrac. La récolte de l’herbe en vrac requiert l’équipement d’une autochargeuse. La source de chaleur de séchage peut être assistée par des récupérateurs de chaleur, sous toiture, sous panneaux photovoltaïques ou sous aire paillée. Certains systèmes fonctionnent presque intégralement avec la récupération de chaleur d’un méthaniseur. Une alternative au séchage en grange classique consiste à sécher le foin en bottes. (voir encadré expert)
Le système du séchage en grange s’appuie le plus souvent sur des prairies de fauches multi espèces avec une part toujours présente de légumineuses sources de protéines pour les animaux et d’azote dans les sols. L’aptitude au séchage est un critère à prendre en compte dans les choix des espèces et des variétés. La fétuque, la luzerne, le trèfle blanc sont des espèces reconnues pour être plus faciles à sécher. A l’inverse des trèfles violets et des ray-grass (surtout les variétés tétraploïdes) peuvent nécessiter un dimensionnement plus important du séchoir ou des temps de séchage aux champs plus long.
Le foin séché en grange peut atteindre des valeurs alimentaires de 0,9 UFL (unité fourragère lait) voire plus contre 0,75 UFL pour un foin classique. Toutefois certains éleveurs préféreront un foin moins acidogène, plus fibreux et avec de meilleurs rendements. Il est conseillé de réaliser des mélanges issus de coupes différentes pour obtenir un bon compromis. Les quantités ingérées de foin en grange sont meilleures (encombrement plus faible que le foin classique) et il est possible d’atteindre des taux d’ingestion de matière sèche proches des systèmes avec maïs ensilage.
Alain Guillet, ancien éleveur qui a expérimenté dès la fin des années 90, le séchage en bottes rondes. Il suit aujourd’hui au niveau technique les systèmes de séchage du constructeur allemand AgriCompact Technologies GmbH qui célèbre son 50e anniversaire en 2020.
« Le séchage en grange de bottes rondes ou cubiques s’impose de plus en plus comme une alternative moins coûteuse au séchage du foin en vrac. Sa mise en œuvre peut donc être amortie avec des volumes de foin moins importants et sur des structures de taille moyenne. Toutefois les spécificités du séchage en bottes peuvent aussi intéresser les exploitations de taille importante. C’est particulièrement vrai lorsque les parcelles à exploiter sont trop éloignées pour une récolte en vrac par exemple. Le séchage en bottes est peu gourmand en énergie, mobilise peu d’investissement et s’intègre généralement bien dans l’organisation existante des entreprises.
En calibrant bien la chaîne verte et l’installation de séchage on peut retrouver une souplesse équivalente voire supérieure à celle du séchage en grange classique. Il est tout à fait possible de sécher des fourrages humides à 35 % de matière sèche seulement. Ceci à un coût énergétique raisonnable avec les technologies de recyclage de la chaleur, de récupération sous toiture ou en couplage avec le réseau de chaleur d’une unité de cogénération de biogaz par exemple. Comme toujours c’est la bonne maîtrise de la chaîne entière de récolte qui va déterminer la valeur ajoutée globale du système. L’adéquation du matériel de pressage au système de séchage a notamment toute son importance. Pour valoriser des coupes précoces ou tardives, la préférence doit aller à des presses capables de botteler à des taux d’humidité importants. Par ailleurs, les systèmes qui offrent des niveaux réglage de la densité (de dur à mou) offrent un autre niveau de souplesse pour adapter la circulation de l’air au sein de la botte. Des presses capables de réaliser des bottes lourdes jusqu’à 430 kg (foin sec) par exemple sont particulièrement adaptées à des systèmes à simple flux où les bottes ne sont pas empilées l’une sur l’autre. Les besoins en main d’œuvre et en manutention en sont d’autant plus limités et la chaîne verte se trouve optimisée ».
Agricompact
Témoignage » Régis Duchampt du Gaec de Stivan (Ain)
“Un séchoir dédié à la luzerne en système laitier conventionnel”
« Cela fait depuis cinq ans que nous travaillons pour valoriser la luzerne, dans un système laitier conventionnel. Depuis treize ans nous avons mis en place un séchage en grange (déshumidificateur par pompe à chaleur électrique) qui est aujourd’hui orienté à presque 100 % pour la luzerne. Ce système nous a permis d’obtenir de très bonnes valeurs (en limitant les pertes de feuilles) ce qui nous a poussé à développer les surfaces à presque 40 ha aujourd’hui contre 10 ha avant la mise en place du séchoir. Nous réalisons en moyenne 5 coupes par an. Aujourd’hui nous distribuons à nos 270 vaches laitières 3kg de matière sèche (MS) de foin de luzerne par jour dans une ration à base de maïs ensilage complétée d’ensilage de luzerne (5k MS), de concentrés et de correcteurs azotés. Ce système nous a permis de gagner fortement en autonomie alimentaire en préservant un bon niveau d’étable avec 9200 l de lait vendu par vache et par an ».
Attention cependant, le séchoir en grange ce n’est pas quelque chose de magique. Même avec un séchoir, il faut une bonne maîtrise de toute la chaîne verte. D’autant plus pour un fourrage fragile comme la luzerne. Récoltée trop humide, elle pourrit avant de sécher. Au Gaec nous visons d’engranger la luzerne entre 55 et 65 % d’humidité avec un préfanage de 48 h. Pour y parvenir, nous fauchons la luzerne à plat assez haute sans conditionneur. Nous fanons soit directement après la fauche, soit le lendemain à la levée de la rosée. Le troisième jour, nous andainons à la rosée si possible pour limiter les pertes de feuilles. La récolte est ensuite réalisée à l’autochargeuse qui offre l’avantage de ne presque pas effeuiller le fourrage. Nous retirons les couteaux pour permettre au fourrage de rester suffisamment aéré. Le séchage en grange nous a aussi permis d’avancer la date de la première coupe et de préserver ainsi un meilleur potentiel de production pour les autres coupes de la saison avec une productivité accrue sur l’année.