Le 7 mars, l’interprofession du GNIS a signé un nouvel accord relatif au financement de la recherche pour les céréales à paille.
Pratique ancestrale s’il en est, l’utilisation de semences de ferme pour l’implantation de ses céréales à paille relève aujourd’hui de la liberté individuelle de chaque agriculteur. Cependant, dans un contexte où le progrès génétique semble devenir la solution à privilégier pour relever de plus en plus d’enjeux pour l’agriculture de demain (développement des résistances aux maladies et ravageurs dans un contexte de réduction des produits de traitement phytosanitaires, adaptation aux changements climatiques, comme la sécheresse ou les fortes températures, meilleure absorption de l’azote, etc.), il est crucial de conserver un secteur de la création variétale productif et innovant.
Or, sur un secteur où la moitié des surfaces implantées le sont avec de la semence de ferme, il est légitime de s’interroger sur l’impact de cette pratique sur la pérennité de la recherche, puisqu’elle prive les créateurs d’une partie de la rémunération de leurs efforts. Peut-on profiter des avancées de la sélection sans participer au financement de ses travaux ?
À ce titre, la réglementation européenne stipule que l’utilisation de semences de ferme est possible sous réserve d’un versement du droit d’obtenteur à l’obtenteur de la variété.
Et c’est là que l’accord interprofessionnel intervient. Son objectif est simple : il est de percevoir un droit d’obtenteur sur l’ensemble des semences de ferme (cf. encadré ci-contre), ce qui permet, de fait, de légaliser la pratique de la semence de ferme, de rémunérer le travail de recherche déjà effectué et de pérenniser les moyens de l’obtention variétale pour ces espèces.
Si le premier accord a été signé en 2001 (cf. encadré ci-dessous), la situation, ces dernières années, a quelque peu évolué. En effet, en réponse à la volatilité des cours mondiaux du blé et à un contexte économique toujours plus tendu pour les exploitations agricoles françaises, nous avons assisté, au cours des dernières années, à un effritement du taux d’utilisation de la semence certifiée. En effet, en l’espace de 5 ans (2013-2018), le taux d’utilisation de la semence certifiée est passé de 55 % à 45 % ! Or, la baisse du taux d’utilisation engendre une baisse directe de la rémunération des obtenteurs et, avec elle, leur capacité à investir dans des programmes de recherche, en dépit des progrès accomplis ces dernières années.
C’est malheureusement ce qui s’est produit dans le secteur des protéagineux, et ce que beaucoup redoutent déjà de voir se reproduire, sur le blé dur notamment !
C’est donc dans ce nouveau contexte que les acteurs de la filière semences se sont réunis au sein de l’interprofession pour établir ensemble, et à l’unanimité, l’avenir de l’accord de financement de la recherche en céréales à paille.
Cette évolution forte a pour conséquence directe de rééquilibrer la participation au financement de la recherche entre les utilisateurs de semences certifiées et les utilisateurs de semences de ferme. À titre d’exemple, si l’on estime, pour du blé tendre, la contribution ramenée à l’hectare de la semence certifiée, celle-ci passe de 12 € à 10,50 € environ dans ce nouvel accord, quand la contribution de la semence de ferme passe de 5 € à 6,50 € environ. Ainsi, si évidemment la contribution de la semence de ferme reste inférieure à celle de la semence certifiée, la balance s’équilibre davantage, et l’écart de contribution à la recherche passe de 7 € à 4 €/ha.
Sur le plan des utilisateurs, cet accord permet donc bien une plus grande équité entre les agriculteurs bénéficiant tous du progrès génétique et conférera une plus grande légitimité aux utilisateurs de semences de ferme dans leurs attentes d’innovations. Reste à voir, si dans un effet indirect, ce léger regain de compétitivité de la semence certifiée permettra de stabiliser son taux d’utilisation…
Créé en 2001 afin d’accompagner les efforts de recherche des obtenteurs pour le blé tendre, sur la base d’une contribution de 0,50 € par tonne collectée, cet accord triennal a ensuite été reconduit en 2004, 2007 puis 2010, avant de connaître une première évolution en 2013, avec une augmentation de la contribution à 0,70 € par tonne et surtout l’élargissement à toutes les espèces de céréales à paille: blé tendre, blé dur, orge, avoine, triticale, seigle, riz et épeautre. Afin de conserver une grande simplicité d’application et de compréhension, les conditions de l’accord ont été définies à l’identique pour toutes les espèces, générant au passage un effort solidaire entre celles-ci, profitant aux espèces mineures. C’est cette version élargie aux céréales à paille qui a été reconduite en 2016, avant de servir de base à la nouvelle version, conclue en mars de cette année.