La commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN) a présenté l’état du revenu agricole en 2013. Philippe Pinta, trésorier de la FNSEA, pousse un coup de gueule devant la variabilité des chiffres présentés.
Le revenu agricole est globalement en baisse. Selon Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture, « à 29 400 euros en moyenne par actif non salarié, il serait inférieur de 15 % à la moyenne des trois dernières années, mais resterait toutefois légèrement supérieur au niveau observé dans la première moitié des années 2000« .
En soi, ce n’est pas fameux, mais le problème est ailleurs. Dans la disparité des chiffres présentés, et les écarts « que l’on n’a jamais vu avant » entre les chiffres présentés en juillet et ceux de décembre.
Philippe Pinta, trésorier de la FNSEA, explique ainsi à WikiAgri que d’habitude, « entre les chiffres de juillet et ceux de décembre, on observe de légères évolutions, mais jamais de cet ordre. Là, j’ai observé trois lignes budgétaires invraisemblables, pour le revenu des éleveurs porcins, celui des éleveurs bovins (qui aurait ainsi été sous-estimé de 30 % en juillet), et celui des céréaliers (qui lui aurait été surestimé de 30 % en juillet). De tels écarts n’ont jamais existé. Où est la crédibilité des chiffres ?«
Un coup de gueule d’autant plus fort que « jamais le revenu par filière ne peut évoluer de la sorte en quelques mois, la variabilité des prix agricoles ne peut l’expliquer« . Le problème, c’est qu’entre les deux estimations du revenu agricole, il y a eu les arbitrages sur la déclinaison française de la Pac. « On ne pourra pas empêcher de jaser dans les campagnes« , poursuit Philippe Pinta. Car il apparaitrait ainsi que le rééquilibrage ajouté avec la mesure des 52 premiers hectares ne se justifierait pas de la même façon.
Les chiffres réels ont-ils été sciemment cachés en juillet pour mieux crédibiliser la démarche gouvernementale ? Philippe Pinta ne va pas jusque là, il ne veut pas accuser, mais il veut comprendre.
C’est dans cette logique que le communiqué de presse de la FNSEA explique que le premier syndicat de France des agriculteurs ne peut pas commenter les chiffres qui viennent d’être annoncés : « Ce ne sont pas les résultats de 2013 que nous voulons commenter mais ceux de 2012 ! Comment se fait-il qu’il faille attendre le mois de décembre 2013 pour se rendre compte enfin que des chiffres publiés il y a un an sont faux, archi-faux ? Aurait-on changé le mode de calcul sans nous en informer ? Aujourd’hui le doute est là et la FNSEA s’interroge. Ce qui est sûr, c’est qu’il est très regrettable que les acteurs du monde agricole, y compris les pouvoirs publics, aient eu des chiffres erronés sous les yeux pendant un an, en pleine réforme de la PAC. Des résultats tellement « hors champ » ne peuvent que contribuer à la division des agriculteurs. La FNSEA pense que tout cela jette le doute sur la sincérité des comptes publics et sur le rôle de la Commission des comptes de l’agriculture.«
Orama (l’union des céréaliers, AGPB, AGPM et FOP), dont Philippe Pinta est président, a également rédigé un communiqué : « D’après les chiffres présentés ce jour, le revenu moyen 2013 des producteurs de céréales et d’oléoprotéagineux s’élève à 24 200 € avant cotisations sociales de l’exploitant et impôt. Force est de constater qu’il est inférieur aux 29 400 € de revenu moyen de l’ensemble des exploitations françaises, et comparable à celui des éleveurs de bovins. Il est très inférieur, en outre, aux prétendus 72 800 € de 2012 résultant de la première estimation de la CCAN, sans cesse mis en avant par le ministère de l’Agriculture pour justifier la redistribution des aides de la Pac au détriment des producteurs de grains. Il est d’ailleurs surprenant que cette estimation initiale ait été de 28 % supérieure aux 56 700 € auxquels la CCAN aboutit aujourd’hui, un écart sans précédent à ce niveau d’expertise. Il est aussi insupportable que pareille rectification n’apparaisse que postérieurement aux principaux arbitrages effectués pour la Pac, qui se sont donc appuyés sur des chiffres totalement erronés. »
Du côté de la FDSEA de l’Ile de France (qui avait bloqué Paris récemment en montrant une forme d’indépendance par rapport à la maison-mère), le ton est donné dès le titre du communiqué : « Tromperie délibérée du ministère ou mensonge d’Etat ? » Communiqué dans lequel on peut lire entre autres : « Aujourd’hui, le ministère de l’Agriculture a publié les données chiffrées du revenu agricole prévisionnel pour 2013, mais surtout, celles corrigées de l’année 2012. La FDSEA Ile-de-France s’interroge sur les raisons du gouvernement en place, qui ont attendu une année pour apporter ces corrections. Ce n’est plus de la prévision, mais de la manipulation dogmatique. La FDSEA Ile-de-France juge ce comportement totalement insupportable dans une République qui se veut démocratique. Ainsi, comment apporter du crédit à un ministre de l’Agriculture qui appuie sa politique de la décroissance sur la désinformation ? Damien Greffin, président de la FDSEA Ile-de-France condamne vivement de tels agissements, qui selon lui « témoignent d’une malhonnêteté idéologique qui doit être dénoncée et combattue. » » Avant de conclure en demandant (à nouveau) le départ du ministre de l’Agriculture.
Que ce soit à mots couverts ou franchement ouvertement, le ministère de l’Agriculture est accusé d’avoir manipulé les chiffres. D’avoir caché la vérité alors que des discussions étaient engagées sur la partie décidée au niveau des nations des aides Pac. A l’arrivée, on peut être pour ou contre ce rééquilibrage, mais le procédé utilisé pour le justifier mérite pour le moins des éclaircissements. Soit il s’agit d’un acte volontaire et il faudra expliquer en quoi on peut utiliser de telles méthodes en démocratie. Soit la malveillance est accidentelle, mais alors la seule explication du « bug informatique » donnée il y a peu pour justifier des erreurs dans les annonces sur le chômage sera considérée comme trop courte.
Les chiffres ne mentent pas dit-on. Quoique.
En savoir plus : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/primeur307.pdf (les chiffres officiels du revenu agricole publiés ce 12 décembre 2013).
Ci-dessous : Philippe Pinta (sur l’écran).
Ci-dessous : extrait du document d’Agreste qui parle de « révisions, parfois importantes… »
sinon le résumé de la semaine sur La feuille à RemDumDum, [http://paper.li/RemDumDum/1339363670]
De tels écarts, de telles erreurs dans une estimation parue en juillet, 6 mois après la fin de l’année, c’est scandaleux. Cela doit remettre en cause, outre la sincérité des auteurs, la vigilance ou l’irresponsabilité des membres cette commission…
Parmi les membres de la CCAN, il y a des représentants des professionnels de l’agriculture. Qui sont ils? Que font ils? Ont ils réagi lors de la publication de juillet? Qu’ont ils dit?
L’APCA ne fait elle pas, de son côté, des statistiques? Et les CER?
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pour ce débat, quelques infos échangé sur nos comptes tweeter …
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