Comment protéger ses récoltes tout au long du stockage

Près de la moitié des agriculteurs stockent, tout ou partie, de leurs récoltes. Pour qu’elles soient pleinement valorisées, aucun insecte ne doit s’y attaquer.

Même en ayant rentré son grain dans une cellule propre et désinsectisée, en ayant abaissé la température pour freiner leur reproduction, il demeure toujours un risque de voir ses récoltes attaquées par des insectes en cours de stockage.

« Un lot infesté perd de sa valeur et risque d’être refusé par les acheteurs, prévient Marine Cabacos, ingénieur au pôle stockage des grains d’Arvalis, car un lot doit être sain, loyal et marchand, c’est-à-dire sans insecte vivant. »

Lorsqu’ils sont effectués à la récolte, les traitements insecticides ont une certaine rémanence, de quelques semaines à plusieurs mois, qui est insuffisante pour toute la durée du stockage.

Or, c’est au printemps, quand la température redevient favorable à la reproduction des insectes, que les risques de prolifération augmentent. La première précaution est d’avoir évacué les lots à risques avant et de renforcer la surveillance. Seul le piégeage permet d’évaluer la pression et d’identifier les insectes présents. Deux types de pièges, en pomme d’arrosoir ou à tube perforé, existent, avec la limite qu’ils sont installés en surface, donc dans un volume limité.

Détecter les insectes au plus tôt permettra d’agir rapidement, quand l’infestation est encore minime et maîtrisable.

Malgré ces précautions, 1 agriculteur sur 5 est amené à traiter durant le stockage, par nébulisation. Pour se débarrasser des insectes, le nombre de molécules autorisées sur grain a bien diminué ces dernières années. Restent la deltaméthrine, le pyrimiphos méthyl, les pyrèthres naturels, la cyperméthrine. La LMR du chlorpyriphos-méthyl a été tellement abaissée qu’il n’est plus utilisable sur blé ou maïs. La deltaméthrine est souvent utilisée mais a une efficacité moindre que celle du chlorpyriphos-méthyl.

Trouver des alternatives

En cas de traitement, il faudra veiller à respecter les doses homologuées, pour ne pas dépasser les LMR qui varient selon le type de graines, et à n’appliquer qu’une seule pleine dose par campagne. Pour répondre aux filières de plus en plus nombreuses à exiger le « zéro résidu », « le stockage est une étape clé », souligne Marine Cabacos. Des alternatives sont testées comme le biocontrôle (lire l’encadré) ou des actions physiques. Le plus simple à mettre en œuvre est le nettoyage du grain qui a un effet épurateur sur les insectes à formes libres.

La désinsectisation peut se faire par traitement thermique, par la chaleur, avec des températures supérieures à 55°C dans des séchoirs. Il faut des températures négatives pour tuer les insectes. « Le froid n’est pas une méthode curative mais ça évite la reproduction des insectes, ce qui est déjà une bonne chose », analyse Marine Cabacos.

Deux catégories d’insectes

Insectes primaires, à formes cachées (charançon, capucin, bruche) : les dégâts sont principalement causés par leurs larves qui se développent à l’intérieur des grains.

Insectes à formes libres (silvain, tribolium) : larves et nymphes sont visibles et, comme les adultes, se nourrissent de brisures, de poussières de grain.

E nsavoir plus sur les ravageurs des cultures.

Des alternatives en biocontrôle

Contre les insectes du grain, des alternatives en biocontrôle voient le jour.

Silicosec, seul produit homologué à base de terre de diatomées, est utilisable pour traiter les locaux comme les grains, a montré son efficacité. « L’absence de silice cristalline dans notre terre de diatomées permet son innocuité pour l’applicateur, souligne Bertrand Boucher, de la société Kreglinger. Silicosec agit de façon mécanique sur les insectes, en abrasant leur carapace. » Autorisée en mélange dans le grain jusqu’à 2 kg par tonne, ce produit peut être utilisé « en préventif à demi-dose ou en curatif si l’automne est doux ou au printemps, explique Bertrand Boucher. Après le nettoyage des silos et une application de Silicosec en traitement des locaux, on peut protéger le grain en le “coffrant” avec couche de grains traités au Silicosec au fond et une au-dessus ». Reste le problème de son coût. « Un insecticide revient à 1 € la tonne de blé, la terre de diatomées à 8 € », chiffre Marine Cabacos.

Il existe aussi des produits à base de bicarbonate de soude et silice (PROCrops). Arvalis teste une méthode de lutte biologique avec des micro-guêpes qui parasitent les larves. « Pour traiter les locaux, elles ont l’avantage d’aller dans des endroits inaccessibles aux humains », témoigne Marine Cabacos. Le Spinosad, un insecticide issu d’une fermentation bactérienne, est en cours d’homologation.

C.J.

Article Précédent
Article Suivant