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Comment éviter de piéger le gibier en moissonnant ou en fauchant

S’il y aura toujours quelques accidents, au moins existe-t-il d’une part un contexte légal, d’autre part de simples précautions à prendre pour éviter de piéger le gibier avec les engins agricoles. Le point, avec un spécialiste.

Récemment, sur les réseaux sociaux, j’ai vu passer des photos, disons-le écoeurantes, montrant des faons mutilés ou des lièvres déchiquetés. Au passage, quelques raccourcis faciles étaient écrits en commentaires pour montrer du doigt la profession agricole, qui « ne pense qu’à produire sans s’occuper de la nature« . Evidemment, nous savons tous que telle n’est pas la préoccupation des utilisateurs des engins de moisson ou de fauche. Et aussi que, quelle que soient les précautions que l’on prenne, il y aura toujours, malheureusement, des accidents. Un peu comme sur la route, vous pouvez être un excellent conducteur, vous n’êtes jamais à l’abri.

Mais pour réduire le nombre de ces accidents, et donc celui des critiques, encore faut-il être un bon conducteur, d’engins agricoles cette fois. Cet article n’incrimine personne, il vise à informer sur les meilleures pratiques en la matière.

Ancien porte-parole national de CPNT (chasse pêche nature et traditions), président du pôle petit gibiers / énergies renouvelable de la cinquième fédération des chasseurs de France, Yannick Villardier est un spécialiste des questions rurales. Il a également créé un cercle de réflexion appelé l’Agora des ruralités. IIl est donc chasseur, et a des amis agriculteurs… Il a développé récemment sur les réseaux sociaux tout l’arsenal réglementaire qu’il convient de suivre, et je l’ai donc interviewé pour vous en faire profiter. Il convient ainsi de différencier deux zones : les couverts non productifs d’une part (jachères ou autres, qu’il faut bien faucher aussi), et les champs agricoles d’autre part (là, à moissonner). Mais les précautions à prendre sont finalement assez proches dans les deux cas.

Dispositifs réglementaires…

Yannick Villardier nous fait donc part de ses connaissances, selon des informations glanées dans différents ouvrages techniques : « Les couverts non productifs sont des couverts implantés ou spontanés qui ne sont pas cultivés ou qui ne sont pas à vocation de production agricole. Il peut donc s’agir d’un couvert environnemental de type BCAE en bordure de cours d’eau, d’une bande d’herbe dans une parcelle ou en bordure de parcelle ou d’un couvert faunistique et floristique. Ces couverts peuvent être mis en œuvre sur des surfaces en gel volontaire (jachère), sur des terres déclarées en non production et/ou sur des surfaces contractualisées en mesures agro-environnementales. Il est prouvé scientifiquement que de telles réalisations favorisent la reproduction et la survie hivernale du petit gibier tout en améliorant la biodiversité, le paysage, la qualité de l’eau et la lutte contre l’érosion. Par rapport aux dates d’entretien, la période du 15 mars au 31 août est celle de reproduction de la majorité des espèces d’avifaune dans les couverts (couvaison, éclosion, élevage des jeunes) avec un point critique entre le 15 avril et le 15 juillet, mais aussi celle de floraison et de butinage. Il faut donc ne pas prévoir d’entretien pendant cette période mais préférer une intervention précoce début mars ou tardive fin septembre-début octobre.« 

Avec des précisions techniques sur les méthodes de fauche : « Il vaut mieux favoriser le fauchage ou le broyage centrifuge en laissant quelques bandes de refuges, voir de favoriser le broyage ou fauchage tardif plus favorable à de nombreuses espèces de faune et de flore. Technique recommandée, une fauche centrifuge, du milieu de la parcelle à l’extérieur de la parcelle permet de laisser le temps aux animaux de fuir pour ne pas être tués. Si cet entretien « par le centre » n’est pas possible, un entretien par bandes permet de limiter les impacts sur la faune. L’entretien centripète (de l’extérieur de la parcelle vers le centre) emprisonne la faune sauvage qui ne peut pas fuir. La technique d’entretien par broyage ou fauchage en planches et la diminution de la vitesse de broyage ou fauchage dans les trois premiers tours (5km/h) et dans les trois dernières lamées sont favorables à la préservation de la faune.« 

Et sur le réglage du matériel utilisé : « Hauteur de barre de coupe supérieure à 20 cm. Une barre de coupe réglée au dessus de 20 cm permet d’épargner les nids, couveuses et autres animaux bloqués d’une manière générale. L’entretien par broyage ou fauchage de nuit est plus destructeur pour la faune que le travail de jour (les animaux sont moins réactifs). Vitesse de travail inférieure à 6 km/h. Limiter la vitesse de travail permet de laisser à la faune le temps de fuir devant la barre de coupe. Utilisation de dispositifs d’effarouchement comme la barre d’envol pour protéger les adultes et les jeunes volants ou bien encore dispositifs bruyants de type chaînes pour faire fuir les mammifères gîtés dans le couvert.« 

… Et quelques trucs en plus

Attention ! Yannick Villardier nous dit qu’il « existe des sanctions financières pour ceux qui ne respectent pas les dates de fauche. Je ne sais plus exactement comment elles se concrétisent, de mémoire il ne s’agit pas d’amendes, mais certaines aides sont amputées en cas de contravention.« 

Mais au-delà des aspects réglementaires, il y a aussi la bonne volonté. « Comme pour tout sujet, il y a ceux qui veulent, et les autres. Quand on veut éviter de broyer le gibier, on trouve des méthodes d’effarouchement. Attacher une barre à l’avant me semble le minimum, il existe également des systèmes à ultrason, ou quantité d’autres moyens d’effrayer les animaux.« 

Dans le cas des bandes enherbées à côté des champs, « l’idéal serait de la faucher ni en hiver quand elles servent de couvert, ni pendant les périodes de reproduction, mais entre les deux« . Ces bandes, poursuit Yannick Villardier, « ont leur intérêt, même si beaucoup d’agriculteurs ne les aiment pas, à moins d’être payés pour, en raison du grignotage de surface qu’elles supposent« .

On peut également citer des techniques très modernes, telles l’utilisation d’un drone effaroucheur par exemple. Certains tracteurs haut de gamme ont même été équipés de caméras thermiques permettant de repérer les animaux vivants de la taille d’un faisan ou d’une perdrix.

Pour les moissons, l’utilisation de « plusieurs moissonneuses pour un champ, si elle se comprend pour l’agriculteur, peut se révéler terrible pour le gibier, pris au piège. Il est vivement conseillé dans ce cas de penser à des méthodes d’effarouchement juste avant d’attaquer la parcelle« .

Pas que les agriculteurs…

Si nous sommes sur WikiAgri, média à destination des agriculteurs, cet article peut aussi être lu par tous les utilisateurs d’engins débroussailleurs, des services techniques des communes ou autres services territoriaux ou d’Etat. Par exemple, faucher les bords d’une rivière ou d’un fleuve, cela réclame de faire attention aux nids qui pourraient s’y trouver. « L’agriculteur est, dans la majorité des cas, un individu sensible à la nature, reprend Yannick Villardier. Parfois mal informé, il peut aussi comme tout le monde être maladroit, mais il y pense. Si on le sensibilise, ça le fera réfléchir. En revanche, quand on voit des équipes de dix techniciens dont huit intérimaires qui s’en moquent franchement, là il y a des risques réels de voir des pratiques honteuses se poursuivre.« 

Pour finir, terminons par une note optimiste, issue de la page Facebook VIP Very Important Paysans (lien en fin d’article) : des agriculteurs du Jura qui ont su sauver deux petits chevreuils en faisant les foins, et qui en témoignent avec des photos. Simplement en étant attentifs. A l’écoute de la nature… Au passage, un dernier truc à savoir appris en lisant les commentaires de ce post : ne jamais toucher les petits, sinon leur mère les abandonne. Trouvez un autre moyen de leur indiquer de bouger !

 

En savoir plus : https://www.facebook.com/Very.Important.Paysans/posts/724875897569262 (le post de la page Facebook de VIP Very Important Paysans qui montre le sauvetage de deux chevreuils).

Ci-dessous : notre interviewé, Yannick Villardier (photo prise à l’occasion du dernier salon de l’Agriculture), puis un lièvre, au bord d’un champ.

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