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Combien vaut ma ferme ?

La valorisation des exploitations agricoles est un exercice complexe. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées, notamment la valeur de rentabilité qui évalue une exploitation en fonction de ses flux de trésorerie futurs. Nous allons voir dans quelle mesure l’étude présentée dans l’article « combien vaut l’argent immobilisé sur les comptes courants des exploitations agricoles » peut-être utile pour cet exercice.

Le coût des outils de production agricole est structurellement très élevé. En Isère, une exploitation laitière moyenne nécessite un actif total de 410 K€ pour fonctionner. Lorsque l’on compare cet investissement total au prélèvement mensuel moyen par UTHF (unité de travailleur humain familial) de 1 230 € (moyenne des prélèvements effectifs sur la période 2006-2010), on comprend pourquoi la valorisation et la préservation du patrimoine est un sujet si important pour les exploitants agricoles. Pour autant, nous ne pouvons pas ignorer la rentabilité de ce patrimoine pour le valoriser. En effet, qui voudrait acheter une entreprise 410 K€ si elle génère une perte annuelle de 40 000 € en régime de croisière ?

La valeur d’une entreprise agricole n’est donc pas seulement l’addition de la valeur de chacun des actifs qui la composent (matériel, troupeau, bâtiments…) mais vient aussi de sa rentabilité. Pour trouver le juste équilibre, il convient alors de combiner au moins deux méthodes. Les plus communes sont la valeur patrimoniale et la valeur de rentabilité.

La valeur patrimoniale est simple de premier abord. Tout d’abord il faut lister l’ensemble des actifs d’une entreprise et les réévaluer de la manière la plus pertinente possible (la valeur comptable n’étant pas cohérente pour estimer la valeur réelle d’un bien). Pour le matériel d’une exploitation agricole, l’idéal est de faire évaluer les actifs par deux professionnels, des concessionnaires pour le matériel de traction par exemple. Dans le cas d’un élevage, l’évaluation du troupeau est encore plus aisée, les prix du marché des bovins étant bien suivis et répertoriés. Le plus difficile se situe souvent au niveau des bâtiments qui peuvent avoir des valeurs d’usage différentes des valeurs de construction ou de reconstruction.

Une fois l’ensemble des actifs réévalués, il convient d’enlever l’ensemble des dettes à cet actif brut pour obtenir l’actif net. Dans les dettes, on retrouve évidemment les dettes fournisseurs, les emprunts, les dettes fiscales et sociales non soldées, mais aussi les comptes courants d’associés (qui sont théoriquement exigibles à moins d’un an donc considérées comme des dettes court terme). Cet actif net est donc la valeur patrimoniale de l’entreprise. Dans le schéma ci-dessous, l’actif net correspond aux capitaux propres une fois que l’ensemble des actifs ont été réévalués.

Pour une exploitation céréalière moyenne iséroise (103 ha de SAU, 84 ha de SCOP et 1.2 UTHF), la valeur patrimoniale se situe aux alentours des 160 000 €.

La valeur de rentabilité quant à elle se base sur les flux de trésorerie. L’idée sous-jacente de la méthode est simple : un actif vaut ce qu’il rapporte. Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, le coût moyen pondéré des capitaux (CMPC) permet d’actualiser des flux futurs d’une entreprise. Il suffit donc de diviser les flux futurs de trésorerie par le CMPC pour obtenir une valeur actuelle nette de mon entreprise. On assume ici que le flux est perpétuel, c’est pour ça qu’on le divise directement par le taux d’actualisation. La formule est donc la suivante :

Le premier travail et probablement le point le plus important de cette méthode est de déterminer un excédent de trésorerie reproductible cohérent. Généralement, on retient l’EBE moyen des 3 à 4 dernières années connues. Ensuite, on enlève les annuités et frais financiers ainsi qu’un montant forfaitaire de rémunération du travail, retenu à 1,5 SMIC net par UTHF par exemple (correspondant au bloc « prélèvements » dans le schéma ci-dessous). Evidemment, il convient d’enlever la part réservée à l’autofinancement des investissements. Généralement, là aussi on peut retenir la moyenne des 3 à 4 dernières années connues.

Dans le schéma, on voit qu’il reste un bloc encadré en orange. C’est ce montant qui sera retenu comme flux de trésorerie reproductible. Il est important de ne pas s’arrêter à la notion de revenu disponible couramment utilisée dans les publications agricoles, car une partie de ce revenu disponible est utilisée pour l’autofinancement, et une partie représente la rémunération du travail. Cette rémunération du travail ne peut pas être considérée comme un élément de la rentabilité de l’investissement. Un exemple pour expliquer cette nécessité : un investisseur achète une exploitation céréalière sans compter l’exploiter par lui-même. Il embauche un chef de culture pour conduire les travaux : la rentabilité de son investissement sera donc calculée après la rémunération du chef de culture. Pour un exploitant agricole, le problème est le même : il doit raisonner la rentabilité de son outil de production une fois que l’ensemble de la main d’œuvre a été rémunérée.

Pour une exploitation céréalière moyenne de l’Isère (même caractéristiques qu’avec la méthode patrimoniale), on obtient le résultat suivant :

Les données du calcul sont les suivantes :

Rémunération forfaitaire à 1,5 SMIC / UTHF,

Endettement moyen de 50 % sur les fermes céréalières iséroises,

donc on a retenu un CMPC de 9%1

< Autofinancement moyen de 7 000 € / an

L’impact du choix du CMPC est ici très important. En effet, si on considérait que l’agriculture ne comportait aucun risque, on pourrait prendre un taux proche du taux des obligations du trésor à 10 ans, soit aux alentours de 2 à 2.5%. Cela nous donnerait une valeur de rentabilité minimale de 480 000 € pour la même exploitation ! Cependant, la méthode du CMPC est justement bâtie pour prendre en compte le risque inhérent à un secteur d’activité. Ignorer ce risque serait une erreur qui pourrait mettre en péril la viabilité d’une exploitation en la valorisant à un prix trop élevé lors d’une transmission par exemple.

Dans un prochain article, nous verrons qu’il peut être intéressant d’utiliser aussi le CMPC afin de maximiser sa capacité de prélèvement sur une exploitation agricole.

 

1 : Pour plus de précision, consulter l’article du 13 décembre 2013 « combien vaut l’argent immobilisé sur les comptes courants des exploitations agricoles » sur wikiagri https://wikiagri.fr/articles/combien-coute-largent-immobilise-sur-les-comptes-courants-des-exploitants-agricoles-/859

1 Commentaire(s)

  1. Bonjour à tous,

    En complément de l’article, je vous invite à lire ou relire l’article « Combien coute l’argent immobilisé sur les comptes courants des exploitations agricoles ? ». Vous pourrez y trouver des tableaux reprenant les CMPC en fonction de l’endettement et des productions.

    Bonne lecture à tous, et n’hésitez pas à poser des questions si vous en avez !

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