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Ces semences agricoles que l’on veut priver de recherche

Ce mardi 4 février, dans le cadre d’une loi à l’intitulé parodique, les semences repassent devant les députés. Le point sur la législation en cours, les lois votées, les décrets adoptés… Tout ce qu’il faut savoir sur les semences.

Après la loi d’ « avenir » sur l’agriculture (comme s’il était possible de voter une loi pour le passé), voici le projet de loi « tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon« , ce « tendant à » faisant très tendancieux… Mais passons sur l’intitulé, parlons du contenu. Dans cette « lutte contre la contrefaçon », on retrouve un amendement concernant les semences.

Cet amendement, tel qu’il est présenté par la Confédération paysanne sur son site (qui l’a imposé après avoir réussi le « fait d’armes » d’occuper les locaux du Gnis avec pas moins d’une centaine d’agriculteurs, mais j’aurai l’occasion de revenir bientôt sur ces modes d’action commando totalement disproportionnés), consiste à faire en sorte que les semences de ferme ne soient « pas concernées par la loi sur les contrefaçons« . De quoi s’agit-il en réalité ? Ce que demande la Confédération, c’est donc une libre circulation des semences aux frontières, donc d’autoriser l’entrée en France de n’importe quelles semences, qu’elles répondent ou non à nos critères internes. C’est évidemment inacceptable, la porte ouverte à tous les abus.

Mais se cache-t-il derrière cette demande aussi excessive que sa formulation était extravagante ?

En vérité, un bras de fer sur une autre loi, votée en décembre 2011, mais dont tous les décrets d’application n’ont pas encore été signés. Cette loi régissait le monde des semences, et introduisait même la possibilité d’un financement de la recherche, sur le modèle d’un accord interprofessionnel « blé tendre » conclu entre 2000 et 2011. Ainsi, ceux qui achètent des semences ont une partie mineure qui est prélevée pour financer cette recherche, tandis que ceux qui décident de faire ce que l’on appelle des « semences de ferme », c’est-à-dire de réutiliser leurs propres semences l’année qui suit leur achat, doivent aussi acquitter une quote-part pour cette recherche, moins importante. Une clause permet même de se faire rembourser ce tout léger prélèvement « recherche » (il n’est question que de 70 centimes d’euro à la tonne) si l’on démontre qu’on n’utilise pas de nouvelles variétés. C’est rare, car les agriculteurs sont friands de nouveautés, mais ça peut arriver, par exemple dans le cas d’un producteur céréalier qui transformerait derrière sa farine et qui voudrait donc préserver une qualité constante pour cela.

Le vrai sujet, le financement de la recherche pour les semences

C’est ce paiement pour la recherche que conteste la Confédération paysanne. Elle y est totalement opposée, ou alors en appelle à l’Etat providence pour ce financement… Etat dont on sait qu’il ne peut pas ou ne veut pas payer à la fois grassement de très larges subventions aux associations écolos et en même temps la recherche en agriculture, qu’il a déjà oubliée dans la loi d’avenir citée plus haut, même si le fait de lever de nouvelles taxes pour les premières ne le gêne pas.

L’entrée ou non de semences non certifiées à l’intérieur de nos frontières n’est donc que le préambule au combat qui se trame sur la rédaction des décrets d’application de la loi de décembre 2011. En soi, faire entrer des semences non certifiées est obligatoirement une ineptie, par rapport à quantité de problèmes qui pourraient se poser (maladies, trafics, mauvaises surprises dans les champs à la récolte, éventuelle perte de crédibilité à l’export et donc pertes de marchés…). Mais en plaçant le curseur à ce niveau, la Conf’ veut vérifier si elle peut être entendue grâce à ses coups de force. Et donc si elle peut obtenir ensuite la non signature du décret autorisant un financement professionnel de la recherche.

Pourtant, il est un fait avéré et vérifié que les agriculteurs aiment utiliser les nouvelles semences. Et qu’il faut donc de la recherche pour les créer. Et donc une solution rationnelle pour financer cette recherche.

A voir désormais qui va l’emporter, entre la raison ou une centaine de lourdauds qui veulent faire passer leurs conceptions avant l’intérêt général…

 

3 Commentaire(s)

  1. J’ai pas compris grand chose, la conf n’est pas gentille, c’est possible…Il ne faut pas faire entrer n’importe quoi sur le territoire, bien sur…Maintenant, concernant les semenciers, quelques petites interrogations quand aux tournures que prend la recherche. Pourquoi aller vers des hybrides, maïs, tournesol, obligatoire colza bientôt, céréales ils en rêvent….Pourquoi n’avoir pas travaillé les variétés résistantes aux maladies, stress…Peut être que la maison fabrique aussi des phytos….
    Une chose que j’ai quand même compris, c’est l’intérêt général, ou seulement 1ere classe…..

  2. En complément de l’article, j’avais envie de parler un peu plus du droit des obtentions végétales qui finalement est celui qui fait en ce moment le plus l’objet de débat lors des discussions sur la loi / contrefaçon. C’est un droit de propriété intellectuelle qui comporte un droit de reproduction large et facile.
    Il faut quand même resituer les choses : une simple copie d’un article de journal donne lieu au versement d’une redevance, et il faudrait que la copie et l’exploitation d’une variété végétale ne donnent lieu à aucun versement à son créateur alors que le résultat de cette exploitation contribue à la performance économique de son utilisateur !
    Toutes les variétés ne sont pas protégées. Quand l’agriculteur fait le choix d’une variété protégée (une nouveauté créée il y a moins de 25 ans, ou 30 ans pour les pommes de terre), il paraît logique d’imaginer une juste rétribution du sélectionneur.

    La résistance aux maladies, aux ravageurs ? des critères qui sont depuis longtemps intégrés dans les programmes de sélection.

  3. Pour comprendre l’histoire de la sélection végétale, un petit bouquin très bien écrit: Semences : une histoire politique, de Christophe Bonneuil, Frédéric Thomas et Olivier Petitjean

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