Les fortes pluviométries observées en fin d’automne et début d’hiver font craindre des carences en soufre sur de nombreuses parcelles de blé. Une vigilance sur la fertilisation soufrée est d’actualité, même si le blé est considéré comme une espèce dont les besoins sont modérés.
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Pour produire 80 q/ha, le blé mobilise de l’ordre de 60 kg/ha de SO3 alors que le colza absorbe plus de 150 kg pour 40 q/ha. L’absorption devient significative au début de la montaison. En cas de non satisfaction, le nombre d’épis au mètre carré est la composante principalement affectée.
Le soufre est présent dans le sol principalement sous forme organique ; il subit une évolution très comparable à l’azote. La minéralisation de la matière organique et des résidus de récolte aboutit à la forme sulfate, seule forme absorbée par voie racinaire. Cette forme sulfate est sensible au lessivage.
Les risques de carence se rencontrent dans les sols où la minéralisation est faible : sols calcaires ou acides, avec un faible taux de matière organique et dans les sols superficiels, filtrants, où le lessivage peut être important. L’excès d’eau et un état structural dégradé ont également un effet négatif.
Les fortes pluies de fin d’automne et début de l’hiver sont le premier facteur de risque cette année. Par ailleurs, toutes les parcelles qui souffrent d’hydromorphie sont particulièrement exposées. Enfin, les cultures qui ont bénéficiées de semis en bonnes conditions en octobre et de températures douces ont pu développer un nombre de talles important. Cette forte croissance des plantes peut les exposer au risque de carence, s’il y a manque de disponibilité dans le sol.
Selon la figure 1, il apparaît deux zones de pluviométrie entre le 1er octobre et le 1er mars, dans une gamme de pluviométrie plus élevée que les années passées :
• Une zone à très forte pluviométrie (au-dessus de 500 mm) et risque de carence élevé quels que soient les types de sols et le passé des parcelles. Il s’agit des plaines à proximité des premiers contreforts du Bugey et des Alpes, la Plaine de Lyon, les vallées alpines, une grande partie de l’Isère et la totalité de la Drôme et de l’Ardèche.
• Une zone à forte pluviométrie (entre 300 et 500 mm) comprenant les régions Val de Saône, Bresse, Dombes, Plaine de Bièvre, bordure vallée du Rhône dans l’Isère, où les risques de carence sont importants.
A la différence de ce qui est observé habituellement, les hauteurs de pluies cumulées depuis le 1er octobre sont si importantes que toutes les zones de cultures du blé sont concernées par des risques de carences.
Figure 1 : pluviométrie de l’hiver 2014-2015 pour différentes stations météo en Rhône-Alpes
Source : Météo France
Sur la base d’essais sur la fertilisation soufrée, ARVALIS – Institut du végétal propose un raisonnement à la parcelle grâce à une grille de préconisation d’apport de soufre (figure 2) basée sur quatre critères :
– le type de sol,
– le passé d’apports organiques,
– la pluviométrie entre le 1er octobre et le 1er mars (figure 1)
– les précédents, en distinguant ceux qui ont reçu une quantité de soufre minéral importante comme le colza.
Figure 2 : grille de préconisation pour la fertilisation soufrée du blé tendre
L’apport de soufre doit être réalisé entre la mi-tallage et le stade épi 1 cm, pour que la culture en dispose dès le début de la montaison, stade où la déficience peut apparaître. Une intervention plus précoce expose le soufre sulfate apporté, au risque de lessivage en cas de pluie importante entre le passage et le stade épi 1 cm, surtout en sols superficiels.
L’effet du soufre sur la qualité boulangère a été étudié par ARVALIS – Institut du végétal. A la récolte sur des échantillons issus des trois modalités comparées (pas d’apport de soufre, apport de 40 kg/ha SO3 au stade épi 1 cm, apport de 40 kg/ha SO3 au stade 1 ou 2 nœuds), des analyses et tests ont été réalisés : teneur en protéines, force boulangère (W), rapport P/L (ténacité/extensibilité), test de panification française.
Quand l’apport du soufre est nécessaire pour le rendement, l’extensibilité de la pâte (diminution du rapport P/L, ténacité/extensibilité) peut augmenter. Cela correspond à une augmentation de la part des protéines riches en soufre (gliadines et gluténines de faible poids moléculaire). Mais cet effet n’est pas systématique.
Dans les cas les plus graves, la force boulangère (w) peut augmenter un peu.
La teneur en protéines et la note de panification ne sont pas modifiées par l’apport de soufre.
Cet effet sur le P/L peut être un avantage ou un inconvénient selon le niveau d’extensibilité – trop élevé ou trop bas – de la variété et donc l’effet recherché.
Au final, quand l’apport de soufre ne se justifie pas pour le rendement, il n’y a pas d’effet du soufre sur la qualité.
Quand l’apport de soufre se justifie du fait d’une alimentation insuffisante, le rendement s’en trouve amélioré et de façon non systématique certains paramètres de la qualité peuvent être modifiés en particulier le P/L.
L’apport de soufre doit donc être réalisé avec la préoccupation prioritaire d’assurer à la plante une alimentation non limitante garantissant le rendement.
L’apport de soufre sur le critère qualité, seul, ne se justifie pas.
Figure 3 : teneur en soufre SO3 de quelques engrais