L’ETA Richert officie en tant qu’entrepreneur de travaux agricoles depuis plus de 30 ans à Wickersheim en Alsace. Installée dans un bassin d’élevage au Nord de l’Alsace, ils détiennent une forte activité liée à l’ensilage d’herbe et de maïs. D’ailleurs, 50% de leur chiffre d’affaires est lié à ces travaux. Ils réalisent aussi des prestations en semis et récolte de céréales, tournesol, soja et colza. Ces dernières années, ils investissent de nouvelles activités autour des fourrages et s’adaptent à la technicité toujours plus élevée des clients. La météo leur demande une organisation de plus en plus pointue. Témoignage de l’un des gérants.
Cédric Richert est aux commandes de la SARL Richert et Fils depuis 2009 avec son frère Eric, et son père Bernard. Les deux frères sont entrés dans l’entreprise familiale en créant une SARL à cette date. Bernard a géré seul l’ETA pendant près de 30 ans. Il travaillait aussi en parallèle en tant que mécanicien pour une concession agricole.
Avant d’entrer au capital, les deux frères étaient salariés de l’ETA, tout en travaillant eux aussi dans la mécanique au sein d’entreprises locales. « J’étais mécanicien chez un concessionnaire agricole. Eric travaillait et travaille toujours chez KUHN, à Saverne ». Le siège du constructeur d’équipements agricoles est, en effet, localisé à moins de 20 km de Wickersheim. Eric mène ainsi 3 activités professionnelles de front : l’ETA, l’exploitation familiale et son travail de chef de ligne chez KUHN. « Il prend des congés lorsqu’il y a des pics d’activités importants. Son employeur est très compréhensif ! » selon Cédric Richert. Les autres membres de la famille sont aussi engagés dans l’ETA en tant que salariés. Marie-Jeanne, la femme de Bernard, ainsi que Cathia, l’épouse de Cédric et Maryline, l’épouse d’Eric, gèrent l’ensemble des tâches administratives et l’intendance, ainsi que la voiture-pilote qui précède les gros convois. Cédric Richert gère les plannings, même s’il avoue une certaine complexité lors des périodes de gros chantiers. Dans ce cas, sa femme lui prête aussi main forte.
L’ETA embauche des saisonniers lors des pics de travaux. « En saison, on embauche jusqu’à 18 personnes, dont 8 pour l’ensilage d’herbe ». Six personnes sur les 18 travaillent à temps plein sur les machines en tant que chauffeurs. L’entrepreneur peut aussi compter sur 2 ou 3 personnes disponibles facilement pour les travaux d’entretien et de maintenance. « La plupart des salariés sont des jeunes agriculteurs. Leurs parents sont encore sur la ferme familiale, ce qui leur permet de se dégager du temps pour cette activité secondaire ». Pour l’embauche, Cédric Richert se dit « exigeant », notamment en ce qui concerne la capacité de ses chauffeurs à réaliser un travail de qualité. Avec l’expérience, il arrive à repérer facilement les personnes motivées.
Les profils des exploitations avec lesquels travaille l’ETA Richert sont typés élevage. L’entreprise est basée dans un bassin de production laitière. Elle travaille en Alsace, mais aussi un peu en Lorraine, dans la région voisine, où les exploitations sont bien plus grandes. S’il devait faire une cartographie des structures de ses clients, les exploitations auraient entre 50 et 100 ha d’herbe. La plus grosse, située en Moselle, dans le département voisin, compte 150-200 ha. « Il nous est déjà arrivé d’ensiler 70-80 ha d’herbe en une seule coupe chez un de nos plus gros clients, ce qui est beaucoup, surtout en Alsace ! » concède Cédric Richert. Mais il travaille aussi avec de plus petites exploitations. L’une d’entre elles ensile 15 ha de coupe en une fois seulement. « On travaille aussi avec quelques exploitations biologiques. D’autres font également de l’engraissement, mais c’est plus rare ». L’ETA ensile de l’herbe, des couverts végétaux, mais aussi de la luzerne : une culture difficile à récolter pour l’entrepreneur. « Il faut qu’elle soit bien pré-fanée ». Si elle est ensilée trop verte, Cédric Richert observe souvent un résultat médiocre, de la « bouillie » selon ses propres dires. Mais il admet que parfois, l’exploitant agricole n’a pas le choix, et doit ensiler. Les fenêtres météorologiques peuvent être courtes dans le secteur. « La culture apporte de la protéine pour faire du lait, et en plus, elle a beaucoup d’avantages dans la parcelle ». C’est en effet une interculture intéressante pour « nettoyer » les parcelles des mauvaises herbes. Ce qui en fait un avantage indéniable en agriculture biologique.
| Déclencheur | Etape
| Le stade optimal de la culture approche | Le client appelle Cédric Richert pour réserver une place dans le planning de l’entrepreneur.
| La météo est bonne, le stade de culture est optimal | L’entrepreneur appelle le client un ou deux jours avant pour lui dire quel jour il peut venir pour ensiler. Il lui donne le top départ pour la fauche (si pas de coupe directe).
| Il note la mission sur son planning papier.
| Il avertit son chauffeur, qui prépare la machine (conservateur, bec, coupe directe…). Généralement Cédric Richert prévoit un planning moins complet sur la dernière ensileuse pour parer aux éventuels imprévus le jour même (corps étrangers, cailloux,…).
| Le jour avant ou le jour même | Le client appelle l’entrepreneur pour lui dire quand il souhaite commencer l’ensilage.
| Le jour de l’ensilage | Le chantier commence généralement tôt (6h).
| Midi : le repas est préparé par la femme de Cédric Richert ou les clients proposent un panier repas (sandwich).
| Le chantier fini, le chauffeur fait parfois le plein chez les clients.
| Le chauffeur donne une fiche d’intervention papier qui récapitule les éléments de la journée au client.
| Le repas du soir est parfois pris avec les clients, parfois le chauffeur rentre tout de suite.
| Une fois rentré à Wickersheim, le chauffeur prépare la machine pour le lendemain (2 heures de préparation).
| Les semaines qui suivent | Auparavant la facturation était faite une fois dans l’année chez les clients. Cédric Richert change son organisation petit à petit pour facturer au fil de l’eau. Cela permet une meilleure visibilité des charges pour le client et une entrée d’argent plus fréquente pour lui aussi.
Avec les différentes règlementations sur les couvertures hivernales, la diversification des cultures demandée par la PAC et l’accroissement de la demande en couvert végétaux pour la méthanisation, l’ETA Richert doit répondre à plus de demandes pour de l’ensilage. La météo capricieuse peut aussi parfois offrir des chantiers à des dates peu conventionnelles, en ce qui concerne l’ensilage d’herbe. « On a commencé l’ensilage d’herbe en février cette année, tellement il y avait de matière l’année dernière. On a récolté 50 ha pour un méthaniseur ». D’habitude, Cédric Richert ne sort pas les ensileuses avant la mi-avril dans les bonnes années.
Dans ce cas, ce sont généralement des éleveurs laitiers qui demandent des prestations. Ils souhaitent récolter tôt pour avoir une herbe de qualité. « Ils préfèrent la qualité au volume. Ils voient l’impact sur la production de lait ». Malgré tout, il admet que cela ne l’arrange pas toujours. « Plus le fourrage est jeune, et plus il a du mal à passer dans l’ensileuse ». La plante est très sucrée. Elle colle donc « partout ». L’entrepreneur doit alors apporter un soin particulier au lavage de ses équipements, à l’aide d’un jet à haute pression. « Il nous est déjà arrivé d’arrêter d’ensiler au bout de 10 ha pour aller laver le bec chez le client pendant une heure, avec le Karcher ! ». Cela augmente irrémédiablement le temps passé chez les clients. L’ajout d’eau dans le bec peut aussi poser des problèmes. « Comme nous avons beaucoup d’exploitations biologiques dans le coin, elles nous demandent parfois d’ajouter un conservateur lors de la coupe, directement sur le bec, à l’aide d’une pompe. C’est incompatible avec le lavage ». Pour résoudre le problème, il a investi dans un kit qui envoie des jets d’eau par le bas au niveau du canal d’alimentation. « Nous l’avions repéré, il y a deux ans chez un concurrent. Le concessionnaire a pu nous le fournir pour que nous le testions ».
Chaque machine est équipée d’un pick-up et d’un bec à maïs. L’ETA dispose aussi d’une coupe directe depuis 6 ans et d’un kit de lavage à disposer sur le pick-up, en cas d’ensilage très précoce.
Un chauffeur conduit la même machine toute la saison, ce qui lui permet de connaître l’équipement sur le bout des doigts, au bout de quelques jours.
Pour l’ensilage d’herbe, les machines les moins puissantes sont généralement utilisées. « Les 3 plus petites passent partout. Pas besoin de rouler avec une 800 cv, si le débit est pareil qu’avec une 400 cv ». Des exceptions sont faites pour certains clients qui le souhaitent et si le chantier est important. Si le client détient des parcelles en pente, l’ETA dispose aussi d’une 4 roues motrices.
Les exploitants agricoles souhaitent aussi plus de débits de chantier. Pour augmenter leur vitesse de travail, certains suppriment l’étape de fauche traditionnelle avec tracteur plus faucheuse. La coupe directe est ainsi entrée dans les mœurs pour la méthanisation. Cédric et Eric Richert ont investi, il y a 7 ans. « Le fourrage est vert : ce sont essentiellement les méthaniseurs et les exploitants qui font des couverts végétaux qui me demandent cette prestation, pas les laitiers » selon l’entrepreneur. L’étape de pré-fanage y est essentielle pour la qualité des fourrages. L’entrepreneur de travaux agricoles note néanmoins que la qualité de coupe est bien meilleure avec la coupe directe qu’avec le pick-up, car « l’herbe entre en longueur dans l’ensileuse ».
« Avec 500 heures/rotor sur 6 machines, on est à 3000 ou 4000 ha d’ensilage en moyenne sur l’année ». Dans le secteur, les agriculteurs font 2 ou 3 coupes sur une année, en fonction des secteurs et des terrains. Mais 2021 a fait exception à la règle. L’année a été extrêmement humide, les températures douces, et l’herbe a bien poussé. « Certains ont fait 4 voire 5 coupes, tellement il y avait du matériel sur les parcelles ! ». Mais l’entrepreneur concède une année difficile techniquement, puisque l’herbe était mouillée et la terre était très présente dans les récoltes. Pour éviter ce phénomène, il fait parfois appel à un collègue qui dispose d’un andaineur à tapis. « Nous n’avons pas investi, car nous n’avons pas assez de clients et la demande reste faible. Mais si nous n’avions pas trouvé cette solution, nous aurions perdu des clients au profit d’un concurrent ». La demande est présente chez certains exploitants agricoles depuis 4-5 ans. Il s’agit de ceux qui implantent du ray gras avant maïs. « Cela leur permet de récolter deux cultures sur l’année, mais les sols sont forcément moins stables, car labourés, donc plus sujets à exporter de la terre ».
Les clients de l’ETA Richert sont localisés à plus ou moins 30 km du siège de l’entreprise. Géographiquement parlant, les ensileuses se déplacent jusqu’au Sud et au Nord de Strasbourg, et jusqu’au département voisin, la Lorraine. « On allait à presque 2 heures de route chez nos clients les plus lointains avant, mais on a réduit les trajets ces dernières années ». Une résolution qui se veut aussi économique, vu l’augmentation importante des charges liées au carburant. « On avait l’habitude de laisser les machines chez les clients de toute façon, lorsque c’était loin de notre siège, mais cette année, en plus, on a changé nos habitudes en termes de ravitaillement, même pour les clients les plus proches ». Pour éviter les problèmes de pénuries, mais aussi pour ne pas augmenter son coût horaire et le montant de ses factures pour couvrir ces frais, il a rechargé directement ses réservoirs de GNR chez certains agriculteurs. « Nous ne le faisions qu’en Lorraine, car c’était plus loin de notre siège et bien ancré dans les mœurs. En 2022, nous avons échangé avec nos clients pour voir ce qu’ils en pensaient. Beaucoup ont opté pour cette solution, qui arrangeait les deux côtés ».
La facturation est gérée par Cédric Richert et sa femme Cathia. Généralement, à la fin d’un chantier, le chauffeur donne une fiche d’intervention au client. L’entrepreneur se base sur celle-ci étant donné que sont notées les indications sur le nombre d’hectares et le nombre d’heures/rotor travaillées. Il appelle néanmoins son client pour connaître le nombre d’hectares plus précisément.
La facturation se fait au nombre d’heures/rotor. « Un indicateur plus précis » pour l’entrepreneur. En fonction du volume de fourrage sur les parcelles, l’ensileuse avance en effet plus ou moins vite : « entre 2 et 5 ha à l’heure ». La première coupe prend toujours plus de temps pour cette raison également.
Pour plus de précisions et pour gagner du temps, il pense à passer prochainement sur un outil informatique, type Karnott. « Le chauffeur pourra sélectionner le type de matériel, le type de travail, le client et même, lui faire signer un rapport sur le portable en fin de journée, grâce à une application mobile ». Quant à Cédric Richert, il obtiendra automatiquement ces informations sur son PC pour procéder plus facilement à la facturation.