En Ille-et-Vilaine, un projet de parc à thème autour du roi Arthur et de ses légendes provoque la colère du monde paysan, car il se ferait sur des terres agricoles. Ou comment les paysans entrent en guerre contre Arthur.
Le roi Arthur, Merlin l’enchanteur, la fée Morgane… Les légendes arthuriennes font partie de notre imaginaire collectif. A Guipry-Messac, commune rurale d’Ille-et -Vilaine, à défaut d’avoir trouvé le Graal, Arthur déclenche bien des polémiques. Aurélien Loro et sa société Enez Aval, entend créer Avalonys, un parc d’attractions autour de ces légendes. Ce parc à thème, qui se veut à la pointe des nouvelles technologies, nécessiterait une emprise de 80 hectares. Plutôt que de le créer à proximité de la forêt de Brocéliande, où sont censées avoir eu lieu les légendes arthuriennes, c’est à Guipry-Messac, entre Rennes et Nantes, à une cinquantaine de kilomètres, que le promoteur a jeté son dévolu. Pourquoi ? Parce que depuis une trentaine d’années, Butagaz y possède les 80 hectares nécessaires. La société avait pour projet d’y implanter un centre de stockage de gaz. Le projet n’a jamais vu le jour et ces terres sont travaillées par 9 exploitations voisines, grâce à une convention de mise à disposition. La précarité du bail et l’unicité du propriétaire ont fait l’opportunité de la localisation.
Si le projet de parc a reçu un accueil favorable de certains élus de Vallons de la communauté de communes Haute Vilaine Communauté, dont dépend Guipry-Messac, il a suscité une levée de bouclier d’une partie de la population et du monde agricole. Tous les syndicats (Agrobio 35, Confédération paysanne, Coordination rurale et FDSEA/JA), épaulés par La Puce, une association locale, font front commun pour dénoncer ce nouvel accaparement de terres agricoles en Ille-et-Vilaine, département où le foncier agricole est déjà plus que ponctionné, entre une démographie en hausse et des grands aménagements (autoroute des estuaires, LGV Paris-Brest). Un projet qui passe d’autant plus mal que Vallons de Haute Bretagne communauté a signé la charte régionale « pour une utilisation économe du foncier ». « Ces terres sont à usage agricole et doivent rester à l’agriculture », martèle Jean-Yves Riault, élu FDSEA. Dans une lettre commune en août 2017, tous les syndicats ont dénoncé ce projet, son emprise sur le foncier, l’absence de concertation avec les exploitants. Une motion en ce sens adopté à l’unanimité par les élus de la chambre d’agriculture, lors de la session de novembre 2017.
En parallèle de cette mobilisation syndicale, les agriculteurs sont prêts à racheter le terrain. « On s’est porté acquéreurs, explique Sébastien Vétil, éleveur de vaches allaitantes et de chèvres angora et porte-parole des 9 exploitations. Butagaz est d’accord pour vendre à la Safer, qui se chargerait de réattribuer les terres ». Mais la communauté de communes se dit prête à passer par une déclaration d’utilité publique pour contourner la Safer. « Nous faisons falloir notre antériorité dans la valorisation de ces terres, défend Sébastien Vétil. Les consommateurs veulent une alimentation de proximité, de qualité et en même temps, on bitume des hectares. Pour avoir des produits locaux, il faut laisser leurs terres aux paysans. » Avec son bon sens paysan, il suggère de « reconvertir des espaces déjà urbanisés. Les immenses parkings de stockage de Citroën par exemple. Ils sont vides, aux portes de Rennes, avec une desserte routière existante ! »
A l’avantage des agriculteurs, le projet Avalonys pêche en terme de crédibilité. « Il y a beaucoup d’ambition mais le projet est toujours au stade embryonnaire depuis 4 ans », reconnaissent certains élus locaux. « Il n’y a pas d’élément sérieux qui garantisse la faisabilité », prévient Jean-Yves Riault. La société Enez Aval n’a aucune réalisation à son actif. Pourtant, elle annonce une ouverture en 2022 et un objectif de 500.000 visiteurs/an (en comparaison, le Puy-du-Fou ou le Futuroscope, parcs implantés depuis plus de 20 ans, atteignent les 2 millions de visiteurs annuels) et 50 emplois permanents. La création du parc nécessiterait un budget de 100 millions d’euro. « Le besoin d’infrastructures routières n’est pas inclus dans le budget. Le conseil départemental s’est opposé à leur financement », prévient l’association La Puce.
Ce dossier prend une dimension nationale avec la crainte d’une nouvelle ZAD. Celle de Notre-Dame-des-Landes ne se trouve qu’à une quarantaine de kilomètres. Des zadistes sont déjà venus en repérage. « Avalonys, comme Europacity, vaste projet commercial aussi sur des terres agricoles, sont dans le viseur de la mouvance zadiste, prévient Sébastien Vétil. Nous n’avons aucune envie de voir s’installer des zadistes sur nos exploitations. Nous voulons empêcher le projet mais par la concertation. » Suite à leur mobilisation le 14 mars pour empêcher le conseil communautaire de voter une avance remboursable de 50 000 €, les agriculteurs vont être reçus.
« Déjà si au prochain conseil communautaire, les élus refusent d’avancer de l’argent publique, ça serait un signal fort », espère Sébastien Vétil. Sans argent, le projet pourrait s’éteindre de lui-même.
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