AgriFaune, le partenariat de la biodiversité qui allie agriculteurs et chasseurs au service de la faune sauvage, vient de fêter ses 10 ans. Une nouvelle convention cadre a été signée pour 5 nouvelles années.
Photos en fin d’article
D’un côté les partenaires agricoles (l’APCA et la FNSEA), de l’autre ceux de la chasse (l’ONCFS et la FNC). En s’associant à travers AgriFaune, ils visent à préserver la faune sauvage dans les exploitations agricoles. Selon Gilbert Limandas, président de la Chambre d’agriculture de l’Ain (lui-même est polyculteur éleveur dans les Dombes, terre de biodiversité s’il en est) et en charge du dossier AgriFaune pour l’APCA, « près de 70 départements sont impliqués dans AgriFaune et autant de Chambres d’agriculture et de Fédérations de chasse y participent activement« . 70 départements, cela signifie que 200 techniciens et ingénieurs sont concernés, et que 400 agriculteurs ont intégré le réseau.
Quatre groupes techniques nationaux AgriFaune (GTNA) ont été créés : bords de champs, intercultures, machinisme, et viticulture. A ces thèmes, il faudra ajouter comme axes de travaux pour la période 2016-2021 la gestion des herbages, et l’organisation du parcellaire avec l’installation d’aménagements innovants.
La nouvelle convention a été signée ce jeudi 26 mai 2016 à Bonneval (sud de l’Eure-et-Loir), avec les dignes représentants des organisations citées plus haut, puisque les signataires sont Jean-Pierre Poly (directeur général de l’ONCFS, office national de la chasse et de la faune sauvage), Xavier Beulin (président de la FNSEA), Guy Vasseur (président de l’APCA), et Jacky Desbrosse (président de la fédération départementale des chasseurs de la Marne, en charge de AgriFaune pour la fédération nationale).
Parmi les discours de chacun, on retiendra l’appel de Guy Vasseur pour « un partenariat plus développé encore entre agriculteurs et chasseurs pour la ruralité et la vie en milieu rural » (WikiAgri reviendra sur ce sujet précis prochainement). Ou encore celui de Xavier Beulin pour que le « temps agricole (soit) respecté dans la prise de décision sur des interdictions de phytosanitaires : les agriculteurs n’y sont pas opposés mais ils doivent avoir le temps d’avoir à leur disposition des solutions alternatives » (ceci dit, donc, dans un contexte « AgriFaune », c’est-à-dire dans l’esprit de la recherche de solutions préservant la biodiversité). Ou enfin la statistique donnée par Jean-Pierre Poly qui explique tout l’intérêt de ce partenariat, davantage aujourd’hui qu’hier : « Il y a 30 ans, un agriculteur sur deux était chasseur, aujourd’hui c’est un sur cinq…«
Parmi les applications pratiques, sur le terrain, d’AgriFaune, on note déjà les actions sur les bords des champs. A Bonneval, sur l’exploitation d’Emmanuel Dufer, chasseur et agriculteur céréalier membre du réseau AgriFaune depuis 2010 (en plus des céréales cultivées et toutes irriguées, il préserve 2,5 hectares de jachère destinée à la faune sauvage), des essais ont été menés dans ce sens. Ainsi, une petite bande a été laissée sans labour ni traitement entre chemin et champ, avec observation fine des résultats.
Caroline Le Bris, de l’association Hommes & Territoires, explique les tenants et les aboutissants : « Au niveau de la flore, 168 espèces différentes ont été trouvées en bordure de champ lors d’un précédent essai effectué dans le Loiret. Parmi elles, seules 19 % ont été retrouvées ensuite dans le champ, ce qui signifie que, contrairement aux idées reçues, toutes les espèces de bord de champ ne sont pas invasives. Cette flore constitue un refuge pour les insectes, notamment pour les pollinisateurs utiles à l’agriculture. Il ressort de nos essais qu’il est judicieux de décaler le broyage de juin à septembre, y compris en laissant les plantes aller à graines. Car c’est a priori ce qui bloque les agriculteurs, la crainte de voir les plantes de bord de champ envahir celui-ci. Or nos tests démontrent que le rendement n’est pas affecté… Attention toutefois aux plantes invasives, vulpin, ray grass, ou autres adventices… Si elles sont observées sur le bord du champ, alors là, il faut agir différemment. Nous recommandons dans ce cas le broyage puis le semis d’espèces florales vivaces, qui empêcheront les adventices de se développer tout en donnant aux bords de champ une allure florale agréable à l’oeil.«
Pour savoir exactement quoi faire, il est important d’établir un diagnostic. C’est là qu’interviennent les conseillers, notamment des chambres d’agriculture.
Pour traiter ces bords de champs, il existe des matériels spécifiques. Les machines jouent leur rôle à plein. Ainsi, Sem’Obord permet de travailler « en douceur » le sol du bord de champ et de semer simultanément (de la jachère fleurie, comme vu plus haut, pour empêcher la croissance des adventices). Par ailleurs, pour éloigner le gibier avant un travail, il existe désormais une demi-douzaine de constructeurs de barres d’effarouchement, celle présentée en photo ci-dessous venant de Jourdant (de l’Indre).
Pour que l’effarouchement soit efficace, le tracteur ou autre moissonneuse qui en est munie ne doit pas dépasser les 10 km/h, pour laisser le temps au gibier de partir, et aussi au chauffeur de vérifier qu’une mère ne reste pas sur place avec ses petits.
Une remarque : les passage de nuit sont peu recommandés lorsqu’il s’agit de préserver le gibier… Alors qu’ils le sont, nous dit-on, quand il s’agit de préserver les abeilles… Parfois, c’est dur de vouloir bien faire !
Les agriculteurs sont naturellement des acteurs de la biodiversité, et du monde rural. Pour autant, ce « naturellement » ne va pas de soi pour tout le monde, et les émissions télévisées notamment montrent régulièrement des critiques quant aux pratiques agricoles, il est notamment de bon ton d’opposer conventionnel et pratiques considérées comme étant plus proches de la nature. Alors qu’il est tout-à-fait possible d’être en conventionnel et attentif au contexte de la nature dans lequel, c’est le cas pour la majorité d’entre vous. Ensuite, ceux qui veulent aller plus loin en étant pionniers dans leur domaine, tant mieux. Mais obliger tout le monde à passer ce genre de pas révèle davantage de réticences que d’envie.
D’où l’intérêt de mettre en avant les actions menées par tous pour la biodiversité. A ce titre, AgriFaune, avec ses différents chantiers, est très important tant sur le fond de l’action, que pour la stratégie de communication. Oui, il est possible d’être respectueux de la nature tout en ayant une activité agricole qui revendique aussi ses aspects économiques… Ce n’est pas un hasard si les chambres d’Agriculture et le syndicat majoritaire se sont emparés du sujet, ni si leurs deux présidents se sont personnellement déplacés pour saluer cette initiative. Car derrière, c’est du lourd : la preuve, la démonstration par l’action que le monde agricole, dans son ensemble, sait travailler en respectant l’environnement.
Parallèlement, les chasseurs sont totalement associés à la démarche. Eux aussi doivent composer avec une image souvent écornée, montrant le tueur d’animaux sauvages plutôt que le régulateur naturel du milieu rural. Chez eux aussi, il existe quelques excès parfois, mais qui ne reflètent en rien la réalité d’une activité, composante essentielle de la vie rurale.
Qu’agriculteurs et chasseurs se retrouvent ainsi associés pour cette opération peut augurer d’autres actions, dont le monde rural dans son ensemble est demandeur. Car il existe bien d’autres sujets où la ruralité est méprisée, et pour lesquels ces deux réseaux forts ont la capacité d’apporter une réponse commune…
En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/comment-eviter-de-pieger-le-gibier-en-moissonnant-ou-en-fauchant/1125 (précédent article de WikiAgri : comment éviter de piéger le gibier en moissonnant ou en fauchant) ; http://www.agrifaune.fr (au moment où cet article paraît, le site internet AgriFaune n’existe pas encore, mais est en cours de finalisation et sera bientôt actif).
Ci-dessous, du côté de Bonneval, dans le sud de l’Eure-et-Loir, gibiers et champs sont deux composantes essentielles du paysage.
La signature de la convention AgriFaune 2016-2021. De gauche à droite : Jean-Pierre Poly (directeur général de l’ONCFS, office national de la chasse et de la faune sauvage), Xavier Beulin (président de la FNSEA), Guy Vasseur (président de l’APCA), et Jacky Desbrosse (président de la fédération départementale des chasseurs de la Marne, en charge de AgriFaune pour la fédération nationale).
Emmanuel Dufer, agriculteur, et chasseur, à Bonneval.
Caroline Le Bris de l’association Hommes & Territoires, a travaillé sur les bords de champs.
Machinisme, Sem’Obord travaille le bord de champ, tout en étant muni d’un semoir pour immédiatement occuper le terrain avant les adventices.
Ci-dessous, barre d’effarouchement de chez Jourdant.
Ci-dessous, recueil d’insectes de différentes espèces dans les bords de champs, lors des essais menés et présentés lors de la visite terrain en marge de la signature d’AgriFaune.
Ci-dessous, pour l’anecdote, un aparté qui pèse lourd dans l’agriculture française : Xavier Beulin, Pascal Ferey, Gilbert Limandas, et Guy Vasseur.
Ci-dessous vidéo réalisée par les chambres d’agriculture avec le responsable d’Agrifaune, Gilbert Limandas.