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35 000 tonnes de sacs bioplastiques ne désengorgeront pas les marchés des céréales

Les baisses concomitantes des prix des céréales et des hydrocarbures ne modifient pas profondément les grands équilibres des filières de transformation des grains en biomatériaux ou en bioéthanol. Leur essor reste attaché à une volonté politique comme, par exemple, mettre fin à la distribution de sacs plastiques à usage unique. C’est même une question de survie !  

Pour les sacs de caisse à usage unique, il sera interdit, à partir du 1er juillet 2016, d’en fournir à la clientèle, qu’ils soient en plastiques fossiles ou en bioplastiques.

En revanche, il reste environ 35 000 tonnes par an de sacs plastiques à usage unique, notamment pour les fruits et légumes, qui seront retirés du marché à partir du 1er janvier 2017 et qui pourront être remplacés par des sacs en papier ou en bioplastique. Cette décision émane d’un décret d’application de la loi de transition énergétique votée en 2015, dont la publication au journal officiel est imminente.

« Une opportunité pour développer l’industrie française du bioplastique, issue de la transformation d’amidon de blé, de maïs et de pommes de terre féculières, en relocalisant des productions très largement importées », explique Gildas Cotten, responsable nouveaux débouchés à l’Agpm. Mais au regard des 72 millions de tonnes de céréales récoltées cette année en France, cette filière industrielle reste un débouché de niche mais emblématique pour la bioéconomie. Elle n’absorbera pas plus de 35 000 tonnes, voire dans quelques années, 50 000 tonnes de céréales par an ou leur équivalent en fécules de pommes de terre.

En fait, nous pourrions nous attendre à ce que l’offre abondante et bon marché de céréales booste les productions de bioéthanol, de biomatériaux ou la valorisation de coproduits dérivés de ces transformations (paille, cellulose etc.). Mais les prix des céréales ne sont pas les seuls à avoir baissé ces dernier mois et à rester à des niveaux en dessous de leur seuil de rentabilité.

Le bioéthanol reste la transformation majeure

C’est l’ensemble des marchés des matières premières qui ont fortement reculé. Y compris les hydrocarbures, ce qui n’incite pas particulièrement au développement de la production de biocarburants, même si leurs coûts de production sont aussi amenés à baisser. De plus, les prix des produits biosourcés n’intègrent que difficilement les externalités qu’ils apportent pour la sécurité énergétique, la production de matières riches en protéines, les emplois locaux etc.

En Europe comme dans le reste du monde, l’essor de ces filières industrielles reste ainsi attaché à des décisions politiques volontaristes et plus rarement à des opportunités économiques à saisir. En France, le sort de la filière bioéthanol est lié à la législation en vigueur, par leur taux d’incorporation et, à la fiscalité appliquée au gré des majorités gouvernementales et de l’opinion publique.

« Cette année, les réajustements fiscaux en faveur, d’une part de l’essence aux dépens du diésel, et d’autre part du sans plomb 95 en particulier par rapport à l’E10, rendent ce dernier plus attractif commercialement avec une différence de taxe intérieure sur la consommation qui sera réduite à 10 centimes par litre au 1er janvier 2017, assure Gildas Cotten. Par ailleurs, le carburant E10 aura gagné en compétitivité avec le sans plomb 95, avec un écart de prix à la pompe d’environ 5 centimes d’euros par litre. » 

Mais dans le même temps, l’arrêt de la défiscalisation du bioéthanol en France presse la filière française à être compétitive puisque ce carburant français est désormais en concurrence directe avec les biocarburants importés des pays tiers.   

Or avec un taux d’incorporation d’éthanol de 5,8 % actuellement en valeur énergétique réelle, le plafond de 7 % à atteindre à l’horizon de 2020 pour les biocarburants de première génération peut aussi bien reposer sur des importations de biocarburant que sur le redéploiement des quantités d’agrocarburants actuellement excédentaires et exportées vers les pays tiers.

Les quantités en jeu portent sur environ 2 millions d’hectolitres, soit 500 000 tonnes de céréales. Autrement dit, des quantités limitées mais en même temps suffisantes pour créer un appel d’air sur le marché européen en assurant un nouveau débouché à près d’un demi million de tonnes de céréales.

La généralisation du carburant E20 d’ici 2020, la vulgarisation des carburants à haute teneur en éthanol E85 et le développement de L’ED 95, qui associe un additif et 95 % de bioéthanol dans un moteur diesel adapté, seraient des mesures appropriées pour accroître les débouchés des céréales sur le marché intérieur dans des proportions plus importantes.

Les biomatériaux

Dans l’immédiat, les agriculteurs cherchent naturellement à donner une valeur marchande à l’ensemble des coproduits de leurs récoltes. L’utilisation de paille est traditionnellement orientée vers une valorisation agronomique ou vers l’élevage. D’autres opportunités apparaissent, pour construire des murs ou pour isoler des bâtiments, un exemple parmi d’autres.

Mais les biomatériaux vivent le même écueil de compétitivité que les biocarburants. Seule une législation imposant, là encore, des seuils d’utilisation précis,  ou la prise en compte d’externalités en plus que le prix, pourraient dépasser ces considérations économiques.

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