Peut-on s’inspirer du fonctionnement de la nature en agriculture, pour avoir de l’eau tout en produisant ? Favoriser le travail des plantes est une piste pour une meilleure infiltration de l’eau de pluie dans les sols agricoles.
Les constats autour des ressources en eau du bassin Adour-Garonne sont préoccupants : érosion des sols agricoles, pénurie d’eau en période estivale, fortes crues, dégradation des lits des rivières, envasement des estuaires, pollution par les nitrates, le phosphore, les pesticides, apparitions d’algues vertes et bleu. En bref, on assiste à la détérioration générale de l’état des eaux et à la perte de l’outil de production « sol ». Pourtant, le « génie du végétal » serait à même de résoudre le problème.
Appuyé par l’Agence de l’eau Adour Garonne, le programme Agr’Eau soutient le développement de toutes les techniques de couverture végétale (herbacée et arborée) permanente des sols pour préserver le « capital sol et eau ». Agr’eau est conçu par et pour les agriculteurs, et s’attaque au débat d’actualité : couvrir les sols pour infiltrer l’eau, la stocker et l’épurer tout en conservant une agriculture durable.
« Sur le territoire, la gestion de l’eau dépend de pratiques agricoles intégrant la bonne gestion du couple sol/plante, explique Aubin Lafon, ingénieur agronome tout juste diplômé de l’ESA (école supérieure d’agriculture) d’Angers et qui travaille pour l’association française d’agroforesterie. D’autant plus lorsque 80% de l’eau qui ruisselle provient des champs. Il s’agit d’infiltrer l’eau, puis de bien la gérer une fois qu’elle est dans les sols agricoles. » C’est la règle des 3 « F » : freiner, filtrer et fixer l’eau.
La plante couvre le sol créant ainsi un amortisseur pour les gouttes de pluie, grâce à ses feuilles, mais aussi à sa litière qu’elle pose au sol et qui garde l’humidité. L’eau se diffuse lentement dans la terre : ainsi, le sol va se gorger progressivement d’eau, en surface puis en profondeur. La litière va aussi servir de nourriture aux organismes du sol, qui vont participer à sa fertilité biologique (équilibre sanitaire, stabilité écologique, brassage et excrétion de « colles »…) et par conséquent à sa fertilité chimique (recyclage, mise à disposition d’éléments minéraux pour les plantes…) et physique (structuration, aération, brassage…). Ainsi, la plante et le sol sont étroitement liés et assurent à eux deux la fertilité du sol qui est, entre autres, capable de gérer efficacement l’infiltration de l’eau mais aussi son stockage grâce à une porosité verticale continue. Aubin Lafon insiste sur ce point essentiel : « Au final, c’est bien la plante qui construit le sol fertile sur lequel elle prolifère ! »
Le programme Agr’eau identifie des fermes du territoire en rupture avec les pilotages traditionnels. Plus de 250 fermes sont déjà identifiées (couverts végétaux, semis direct, agroforesterie), dont certaines ont été enquêtées ; il s’agit maintenant d’aller plus loin. « Lors de mon stage de fin d’études, j’ai récolté des références techniques sur cinq fermes pilotes pour évaluer la durabilité des fermes innovantes et appréhender la gestion globale de l’eau dans les parcelles agricoles. C’est une méthode à l’essai mais les premiers résultats se profilent », précise Aubin Lafon.
Afin de récupérer des références, il a fait appel à la mesure de la qualité des sols sur site. « J’ai utilisé une méthode mise au point en 1998 par l’USDA (United States Departement of Agriculture, administration américaine chargée de l’agriculture). Elle mesure la densité, la porosité, la quantité totale d’eau présente, la fonctionnalité de la porosité, l’activité biologique… » Les tests ont été réalisés le même jour sur un sol nu (sans couverture végétale et travaillé) puis à proximité sur un sol couvert (avec des arbres agroforestiers et/ou des cultures/couverts végétaux et sans être travaillé).
Ainsi, au cours de la saison 2014, cinq parcelles pilotes du bassin ont été suivies tous les mois (mai, juin et juillet). En 2015, Agr’eau envisage d’étendre la méthode à un nombre conséquent de fermes pilotes afin d’une part de disposer de résultats fiables et d’autre part de caractériser les régions étudiées. Il s’agit d’identifier toute l’année les grandes différences dans la qualité des sols et la dynamique de l’eau entre les sols nus et les sols couverts, aussi bien en agriculture conventionnelle que biologique.
Aubin Lafon établit ainsi les constats suivants : un sol nu met fréquemment plus de temps qu’un sol couvert à infiltrer l’eau ; un sol nu est capable d’infiltrer l’eau plus rapidement qu’un sol couvert uniquement juste après le passage d’outils et en l’absence de fortes pluies ; un sol nu est quasiment imperméable quelques jours après les précipitations, contrairement à un sol couvert ; la capacité du sol à infiltrer de l’eau proche des lignes d’arbres est similaire à celle entre les lignes d’arbres agroforestières, et est toujours plus élevée que sur un sol nu.
Les outils mécaniques qui, dans cette étude rendent les sols nus, détruisent les agrégats et la structure du sol. Le sol nu est donc soumis aux tassements, aux croutes de battance (déperdition), à l’érosion et aux pertes de connexion entre les pores : il n’a donc pas d’autres solutions que d’être travaillé. Toutefois, immédiatement après un travail du sol, une amélioration de l’infiltration se produit mais elle reste temporaire car le sol a perdu sa stabilité structurale. En revanche, un sol couvert a plus d’activité biologique, une meilleure stabilité structurale et une surface rugueuse (grâce aux turricules de vers de terre, aux résidus et mottes qui freinent les écoulements d’eau) qui améliorent à long terme ses capacités à infiltrer l’eau des précipitations quelles que soit les quantités de pluie les jours précédents. Il est donc potentiellement plus apte à stocker de l’eau. Ceci reste à confirmer sur un plus grand nombre de cas en 2015.
Les fermes pilotes du projet Agr’eau sont à l’avant-garde d’une autre agriculture : celle productrice de la triple performance économique, environnementale et sociale, qui gagne la bataille sur l’eau et répond aux exigences de la société. Leur bon sens paysan repose sur une intensification de la production dans le temps (succession culture principale et couverts végétaux pendant l’interculture), dans l’espace (strate herbacée et arborée), une diversification et une recherche d’autonomie pour rendre les fermes plus résilientes et moins vulnérables. Observations et conseils, « apprendre » ou « laisser »… dans tous les cas il faut continuer les mesures pour évaluer et progresser.
Je paille mon jardin avec du bois de taille d’arbre déchiqueté le long de routes, de chemin dont les personnes en charge ne savent que faire disponible gratuitement à notre decheterie
Je ne comprend pas pourquoi il a été conseillé à un agriculteur de drainer une terre ou depuis 15 ans était cultivé du mais fourager dans de la terre argileuse tassée et battu sans nappe phréatique sous jacente, il y a d’autres méthodes, le coût du drainage étant très couteux???
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Bonjour Opaline,
Etant moi-même ingénieur agronome en retraite cette étude m’intéresse vraiment beaucoup. Elle mérite d’être approfondie.
Je pense aussi qu’elle pourrait être utile aux jardiniers qui laissent parfois/souvent leurs terres nues.
Au jardin le paillage est une solution utile. Est-ce que le paillage ne peut pas devenir, parfois, une solution en agriculture. En Bretagne quelques agriculteurs donnent leur fumier en échange de compost. Ce compost pourrait peut-être s’utiliser, parfois, sous forme de paillage.
J’aimerai voir des transferts d’idées et de technologies entre jardiniers et agriculteurs. Je viens de mettre un lien vers ton article sur un blog jardin : http://au-potager-bio.com/limiter-les-mauvaises-herbes/
Et si toi et Aubin, réfléchissiez à cette question
Merci d’avance
Maxime