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Financement de l’agriculture : innover pour installer et investir

Francky Duchateau, Responsable Entreprises durables et Territoires pour le think tank Agr’Idées

 
En 2020, le ministère de l’Agriculture recensait 390 000 exploitations agricoles. Pour remplacer les dizaines de milliers d’exploitants agricoles de plus de 60 ans qui cesseront leur activité d’ici 10-15 ans, jusqu’à 20 000 agriculteurs devront s’installer chaque année. Or, on en dénombre actuellement que 14 000. 
Pour rendre l’agriculture attractive auprès des porteurs de projets, les banques, les assurances et l’ensemble des partenaires institutionnels engagés dans ce défi générationnel offrent une panoplie de dispositifs et de services. Le législateur est aussi mis à contribution. Le public visé, très bien formé, est bien plus exigeant que leurs aînés pour réussir et dégager un revenu décent. 

Reprise et financement d’exploitation 

Décapitaliser pour rendre une ferme moins chère à l’achat n’est pas la stratégie à suivre, selon Francky Duchateau du think tank Agr’Idées. Un candidat à l’installation sera davantage attiré par une exploitation rentable et aux normes. Les partenaires financiers de tels projets seront plus faciles à convaincre. 
« Quels que soient la politique d’installation et les dispositifs associés pour financer les projets des agriculteurs (DJA, exonérations fiscales et sociales, prêts différés et dotations diverses des collectivités territoriales), les exploitations à reprendre doivent être transmissibles, viables et rapidement rentables », analyse Francky Duchateau du think tank Agr’Idées. 
Or de nombreux agriculteurs sur le départ ont tendance à décapitaliser leur exploitation avec le risque qu’elle ne soit plus viable lors de sa cession. Certes le prix de leur ferme serait moins onéreux, mais le repreneur pourrait ne pas être attiré par un outil de production qui ne lui permettrait pas de dégager un EBE et un revenu suffisant pour rembourser ses prêts et avoir un revenu. 
Pour un banquier, une exploitation qui n’est pas viable représente un risque. Il pourrait refuser d’accorder des prêts à un candidat à l’installation qui convoite un tel outil de production. 
« Aussi, il est dans l’intérêt d’un agriculteur, sur le départ, de rendre son exploitation rentable, en phase avec les aspirations des potentiels repreneurs, soutien Francky Duchateau. Leurs projets seront complètement inscrits dans la transition agro-écologique de l’agriculture française ». 
Par exemple, l’agriculteur rendrait son exploitation plus attractive en la convertissant à l’agriculture biologique quelques années avant son départ à la retraite. 
 Le cédant peut aussi doter les toits de ses bâtiments de panneaux photovoltaïques pour ajouter une nouvelle source de revenu à son exploitation. A moins qu’il n’adopte les pratiques culturales nécessaires pour certifier son exploitation HVE avant de la céder. Cette « plus-value » apportée permettra ainsi au repreneur de bénéficier du niveau supérieur des aides éco-schèmes dès son installation. 
A contrario, un repreneur sera vigilant sur les pratiques agricoles du cédant. Cela lui donnerait une idée des mesures de transition à mettre en œuvre lorsqu’il sera installé. 
 

La question foncière

Pour ne pas lier un repreneur avec des partenaires qu’il n’a pas choisis, le cédant pourrait être amené à vendre les parts sociales de coopératives qu’il détient. Le problème peut aussi se poser sur les participations détenues dans une Cuma.   
Lorsqu’un agriculteur projette de céder son entreprise, la reprise des terres fait partie de la réflexion à conduire. En France, le foncier n’est pas cher mais c’est un placement qui n’est pas rentable. 
Parfois, des structures (Terre de liens, Feve, des sociétés de portage etc. – cf. pages CCCC pour en savoir plus) achètent des terres pour les louer à des agriculteurs dans l’incapacité de les acheter lorsqu’ils reprennent une exploitation. Mais lorsque des coopératives se portent candidates pour acheter des terres, se pose alors le problème de l’intégration de l’agriculture. Toutefois, aucune piste ne doit être négligée. 
« L’expérience montre que les règles de financement (taux des prêts subventionnés, durées d’emprunts, montants des capitaux empruntés) conditionnent en partie les prix de cession, explique Franky Duchateau de Agr’Idées. Une baisse des taux d’intérêts des prêts fait mécaniquement monter les prix de vente des fermes ». 
Mais la réflexion à conduire sera différente s’il s’agit d’une cession d’exploitation entre des membres d’une même famille, ou s’il s’agit d’une cession à un tiers. Dans ce dernier cas de figure, la reprise et le financement se compliquent. Une surenchère s’établit. Le cédant cèdera sa ferme à un prix plus élevé. 
 
Enfin, pour reprendre une exploitation, il y a ce qui est finançable par une banque et ce qui ne l’est pas. Dans certaines régions, le prix de vente d’une ferme est majoré par des arrières-fumures. Leur rachat échappe à toute logique fiscale et les fonds mobilisés pour les payer sont autant de capitaux qui ne sont pas disponibles pour investir. 
Les très grosses exploitations constituées au fil d’une carrière d’agriculteur de plus de 40 ans sont parfois trop importantes pour être reprises en l’état. Elles ne correspondent pas toujours aux aspirations des candidats à l’installation, plutôt portés sur des exploitations de taille très moyenne. Surtout si ces derniers veulent se lancer dans la vente en directe. 
 

Etre en phase avec les aspirations des repreneurs

Aussi, ces grosses exploitations, parfois établies sur plusieurs sites, pourraient être démantelées en deux ou trois structures pour davantage répondre aux aspirations des repreneurs mais aussi pour représenter un risque financier moins important pour les banquiers. 
« La voie sociétaire pourrait aussi faciliter les transmissions de grosses exploitations et par conséquent, leurs financements, soutient Franky Duchateau. Les cédants pourraient constituer une société quelques années avant de se retirer. Cette société serait alors un tremplin à la transmission. Comme celle-ci se ferait par étape, le porteur de projet n’aurait pas ainsi à financer la totalité de la ferme. Son projet serait alors finançable ».  
Si le cédant est déjà membre d’une société, l’alternative est d’ouvrir le capital de cette société au porteur de projet quelques années avant le départ effectif de l’associé qu’il est susceptible de remplacer. Pour le banquier, ce montage représenterait, là encore, peu de risques puisque le repreneur se substituera à terme au cédant. Du reste, cette concentration des exploitations en un nombre réduit de partenaires n’implique pas forcément une installation. 
 
Auteur: Frédéric Hénin
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