Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert était bien dans l’Hérault ce jeudi. En revanche, il a choisi de mettre la visite qu’il devait effectuer dans l’Aude ce vendredi entre parenthèses. Au grand dam des acteurs sur le terrain.
Le ministre de l’Agriculture ne viendra pas dans l’Aude. Du moins pas pour l’instant. Annoncée en tout début de semaine, la visite qu’il devait effectuer dans le département est en effet reportée à une date ultèrieure que les services de presse du ministère et de la préfecture de Carcassonne ne sont pas en mesure de préciser. Pourtant, le même Stéphane Travert était bien dans l’Hérault voisin ce jeudi, pour assister aux assises de la pêche et des produits de la mer. Le tout comme l’atteste la copie d’écran enregistrée sur le site du ministère. Si bien que dans l’Aude, élus et agriculteurs de La Piège, qui entendaient bien évoquer avec le membre du gouvernement la très discutée question des zones défavorisées, c’est une déception mêlée d’irritation qui l’emporte.
A l’image de Loïc Albert, éleveur et porte-parole du collectif de défense « Pour que Vive La Piège ». « Psychologiquement c’est difficile pour nous. On nous dit que le ministre vient chez nous et finalement il ne vient plus, que nos communes vont rentrer à nouveau sur la carte et puis que ce n’est plus vrai. On se moque de nous. On joue avec nos nerfs, on a l’impression de se faire balader, alors que nous attendons des réponses ! » insiste Loïc Albert.
Car à l’instar des élus, les agriculteurs de ce secteur de l’extrême ouest audois, situé aux confins de l’Ariège, tiennent à savoir pourquoi leurs 24 communes n’apparaissent plus sur la future carte des zones défavorisées qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain et ils entendent bien qu’elles soient prises en compte de nouveau par ce zonage. Car cela signifie le versement de l’ICHN (indemnité compensatrice de handicap naturel). Une aide européenne qui représente souvent la moitié du revenu annuel d’une exploitation agricole.
Brice Asensio, le maire de Cazalrenoux avait d’ailleurs invité Stéphane Travert dans sa commune à venir participer à une table ronde sur ce sujet précis. « On nous dit qu’il reporte sa visite pour une bonne raison, mais on a quand même l’impression d’être la dernière roue du carrosse » rage Brice Asensio. « Mais on va lui réécrire pour lui dire qu’il ne se débarassera pas de nous comme cela. Il doit nous apporter tous les éléments, toutes les preuves qui ont amené La Piège a être déclassée et pourquoi. On ne baissera pas les bras, on veut le voir chez nous, sur le terrain !«
Et puisque cette visite avortée est officiellement simplement reportée, l’édile indique qu’il va inviter le préfet, Alain Thirion dans La Piège. De manière à préparer la venue de Stéphane Travert, avec la proposition d’un parcours et garantir au représentant de l’Etat que la sécurité sera certaine.
En outre, il souligne qu’il va écrire à la Commission européenne pour lui demander d’exiger de la France qu’elle justifie ses choix en matière de zonage. « Parce qu’il y a un élément qui est très important et auquel nous tenons beaucoup, c’est l’égalité des territoires« , plaide encore Brice Asensio. Ainsi le maire de Cazalrenoux fait allusion au message envoyé sur Twitter par Eric Andrieu, le député européen socialiste de Narbonne :
Un message que nous reproduisons ici et dans lequel il reprend la dernière lettre que lui a adressé le commissaire européen en charge de l’agriculture. Phil Hogan explique notamment que la commission n’établit absolument pas le zonage. C’est au gouvernement français que revient cette mission. Or celui-ci n’a toujours pas transmis ses propositions à la commission, précise encore Phil Hogan. Bref « Stéphane Travert doit arrêter de se défausser sur l’Europe et prendre ses responsabilités« , écrit Eric Andrieu.
« Donc quand on décide de tuer l’agriculture sur un territoire donné, on se doit de l’assumer« , renchérit Brice Asensio. Lequel n’admet toujours pas que les plaines fertiles de Castelnaudary soient nouvellement considérées comme zone défavorisée, mais pas La Piège. « Il faut savoir que chez nous, c’est dur pour les gens de se voir confrontés à cette réalité là. Il n’en peuvent plus d’être maltraités comme cela. Tous les jours j’en parle avec les uns et les autres de mes administrés et je vois bien qu’il y a de la détresse ! Parce que obtenir l’ICHN c’est une façon d’acter toute la dureté de travailler sur nos collines et nos terres qui sont pauvres.«
En savoir plus : https://wikiagri.fr/tags/zones_defavorisees_ (tous nos précédents articles sur le même sujet).
Ci-dessous, copie d’écran du site du ministère de l’Agriculture à la page de l’agenda du ministre, montrant qu’une visite dans l’Aude était belle et bien prévue.