eta 19 semaine 51 couverture

Viser la rapidité du préfanage pour se différencier à l’ensilage

Il est de plus en plus reconnu que raccourcir le délai entre fauchage et ensi- lage est un facteur clé pour limiter les pertes de valeur alimentaire et garantir l’ensilabilité des fourrages verts. Cela passe par une optimisation des surfaces d’exposition au soleil dès le fauchage.

L’agrandissement des structures d’élevage notamment en bovins laitiers, l’essor des systèmes bio et herbagers, la multiplication du nombre de coupes, le dérèglement climatique. Le contexte plaide déjà depuis plusieurs années pour un accroissement des débits de chantier de récolte de l’herbe et notamment de l’herbe destinée à l’ensilage. Ces besoins en vitesse sont allés de pair avec une plus grande professionnalisation de la chaîne verte. Les ETA ont su profiter de ce contexte pour proposer des « packs herbe » de plus en plus performants et adaptés aux besoins des clients. Aujourd’hui cette tendance semble également plus que jamais confortée par les discours techniques. En effet, plus les chantiers présentent des débits élevés ; plus les opérations de fauchage, d’andainage et de récolte sont organisés de façon fluide – et plus la valeur de l’herbe sera préservée. Par ailleurs des chantiers rapides accroissent les chances d’exploiter les conditions météorologiques optimum à leur maximum. Le défi technique aujourd’hui est semble t-il surtout de raccourcir le délai entre la récolte et l’ensilage en faisant perdre au fourrage un maximum de son eau en un minimum de temps pour une perte de valeur alimentaire minimale.

Les faucheuses à section sont remises au goût du jour et en grande largeur par certains constructeurs comme ici avec lecombiné frontal Seco.
 

De la pédagogie

Cela dit il reste encore beaucoup de pédagogie à faire sur ce point auprès des agriculteurs. C’est en tout cas ce que constate un conseiller de l’organisme de conseil en élevage Elv’up que nous avions rencontré lors de la dernière édition des Prairiales de 2019 au Pin-au-Haras dans l’Orne. « Nous préconisons un préfanage rapide et qui exploite le potentiel des conditions météorologiques pour pouvoir ensiler le plus rapidement possible. Un délai de 48 heures maximum entre la fauche et l’ensilage devrait être l’objectif de tout agriculteur. Beaucoup nous disent que c’est irréaliste. La réalité c’est surtout que ce n’est pas encore entré dans les mœurs. Nous avons des éleveurs qui ont très bien compris tout ce qu’ils ont à y gagner. Ils se sont organisés et ont mis les moyens en conséquence ». Lors du préfanage, l’herbe fauchée perd de l’eau, mais elle perd également de précieux points de sucre. Ces pertes peuvent dépasser trois points pour des durées supérieurs à 72h. Cette baisse des taux de sucre entraîne également une baisse du potentiel de production d’acide lactique et donc une baisse de l’ensilabilité (capacité d’un fourrage à fermenter et à se stabiliser notamment par une baisse de pH). De même, la protéolyse qui a cours lors du préfanage entraîne une hausse des concentrations en azote soluble dans le fourrage qui peut être préjudiciable. « L’excès de protéines solubles sera absorbé et détoxifié dans le foie et excrété en urée. Il sera difficile de l’équilibrer à l’auge », explique la Chambre d’agriculture de Haute Garonne. En amont des chantiers, les ETA peuvent aussi avoir intérêt à sensibiliser leurs clients sur la fertilisation azotée des prairies. Celle-ci mérite en effet d’être ajustée finement en vue de maintenir un bon équilibre entre taux de sucres et taux de protéines dans l’herbe. Un taux de protéine trop élevé s’oppose en effet à l’ensilabilité car les protéines tamponnent le pH du fourrage. 

Les combinés de fauche peuvent présenter une alternative intéressante aux coupes à plat permettant de dégager le passage des roues du tracteur en maintenant une surface d’exposition au soleil importante.
 
Le préfanage sur une large surface de la parcelle doit également permettre de ne plus avoir recours aux opérations de fanage.
 

Utiliser les surfaces pour le séchage

Quelle que soit la technologie de fauche employée, les outils devraient d’être adaptés et modulés en  faveur d’un préfanage rapide. Si l’on ne veille qu’à la qualité du préfanage, l’idéal est de réaliser une fauche à plat pour permettre au fourrage de sécher sur la pleine surface de la parcelle. Les faucheuses à sections permettent de viser cet objectif. Ces matériels plutôt rares et anciens sont toutefois remis au goût du jour et en versions à grande largeur par certains constructeurs.

Les combinés de fauche les plus larges du marché comme la Novacat S12 promettent des débits de chantier jusqu’à 14 ha/h.
 

Selon Elv’up, la hauteur de coupe devrait être de 7cm minimum pour assurer une bonne aération du fourrage. Cette hauteur de fauche améliore également la propreté du fourrage (moins de contaminations de spores buty- riques) et sa valeur alimentaire sachant que les parties basses ont des valeurs plus faibles. Faucher encore plus haut pourrait accroître encore la qualité. Cependant le manque à gagner peut aussi devenir important sachant qu’un centimètre de hauteur de coupe représente entre 170 et 230 kg de matière sèche par hectare pour des graminées ou 60 kg/ha pour des légumineuses. La fauche à plat sur 100 % de la surface présente cependant deux inconvénients à savoir qu’une partie du fourrage passera nécessairement sous les roues du tracteur au cours de l’an- dainage ou même au cours du fauchage pour les coupes avant. Par ailleurs à moins d’utiliser des systèmes non conventionnels (à tapis) l’opération d’andainage sur toute la surface de coupe est également une source supplémentaire d’introduction de terre ou de corps étrangers dans le fourrage. Elle peut également être agressive pour le fourrage et pour la culture prairiale selon la technologie mise en œuvre.

Des combinés de fauche

L’utilisation de combinés de fauche est présentée par Arvalis comme un bon compromis avec des débits de chantiers élevés. Pour maximiser la surface d’exposi- tion du fourrage au soleil il suffit souvent de désactiver les tapis pour que les andains ne soient plus constitués. Par ailleurs le groupe avant libère le passage des roues du tracteur en regroupant l’herbe au centre. Ces solutions permettent selon Arvalis de trouver un bon compromis avec un préfanage possible sur 70 à 85 % de la surface fauchée. Les débits de chantier des combinés de fauche peuvent atteindre jusqu’à 14 ha/h avec les solutions les plus larges du marché (12m chez Novacat par exemple). Des faucheuses traînées et dépourvues de conditionneur offrent également de beaux compromis entre coût et rapidité avec des débits de 6 à 7 ha /h pour une largeur de 5m environ. Dans les ETA, la balance semble l’avoir emporté depuis le début des années 2010 en faveur de combinés de fauche à trois groupes et 9m de large.

L’andainage devrait être réalisé au plus près de l’opération d’ensilage selon les préconisations d’Elv’up.
 

Pour une qualité de fourrage optimale, le condition- nement est souvent à proscrire dans le cadre de la préparation de l’herbe destinée à l’ensilage. Le condi- tionneur serait à réserver pour les fenaisons. Lorsqu’un conditionneur est présent sur la faucheuse, il est ainsi conseillé de le débrayer ou d’en desserrer le mécanisme au maximum. Elv’up préconise suite au préfanage de réaliser la mise en andain au plus proche du passage de l’ensileuse ou de l’autochargeuse. L’andainage des fourrages riches en légumineuses sera réalisé idéalement en profitant de la rosée pour préserver l’intégrité du feuillage.

Ensilage coupe directe

L’ensilage par coupe directe est une technique porteuse pour une productivité encore plus élevée. La récolte est alors limitée à un seul passage voire à deux pour des chantiers en coupe semi-directe. Par ailleurs dans certaines situations comme les récoltes précoces en sortie d’hiver ou tardives à l’automne, le préfanage n’est pas possible ce qui justifie encore plus une intervention en coupe directe.

L’ensilage en coupe directe supprime l’opération de préfanage et permet de gagner de nombreux passages lorsque sa mise en oeuvre est possible.
 

L’inconvénient est de récolter humide avec un risque de production de jus à l’ensilage. Des entrepreneurs pré- conisent aux agriculteurs de disposer cet ensilage en sandwich au-dessus d’un ensilage d’herbe de printemps, lorsque le risque d’échauffement n’est pas à craindre ou alors sur un lit de paille. Les ensilages de légumineuses ont l’avantage également d’être réalisés à des taux de matière sèche importants. Ils peuvent constituer dans certains cas d’excellentes « litières » à silos humides. La technique de coupe directe est également souvent mise en œuvre pour les récoltes volumineuses de méteils ou de céréales immatures. Les chevaux de l’ensileuse peuvent être alors être sollicités de façon satisfaisante.

Les conservateurs en prestation
Qui dit ensilage d’herbe dit réflexion nécessaire autour des conservateurs. En effet contrairement à l’ensilage de maïs, l’absence d’amidon dans l’herbe empêche la formation naturelle d’acides acétiques et propioniques ayant des propriétés antifongiques. Les conservateurs de silos sont même souvent jugés obligatoires pour les ensilages de légumineuses à forte porosité et pauvres en sucre. De nombreuses ETA sont force de proposition sur ce point pour diriger les agriculteurs et appliquer le conservateur directement au cours de la prestation d’ensilage. Certaines se sont même rapprochées des fabricants. Cela dit la mise en oeuvre d’un conservateur ne rattrapera jamais une organisation de chantier défectueuse et une conduite des travaux approximative. Voici encore un argument de plus à faire valoir pour les ETA. Et a contrario ce n’est pas parce qu’un chantier est réussi qu’il n’y a pas besoin de mettre en oeuvre des conservateurs.
 
Texte : Alexis Dufumier

 

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