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Une moisson d’idées pour se différencier à la récolte

Les chantiers de moisson représentent la prestation par excellence des entreprises généralistes de travaux agricoles et se trouvent de ce fait très concurrentiels. Dans ce contexte, une de clés pour continuer à défendre ses parts de marché est de se démarquer. Nous avons repéré quelques pistes pour y arriver. 

La prestation de récolte est une prestation de service soumise à une très forte concurrence sur le terrain. Outre le parc matériel des ETA, il faut compter sur l’offre des Cuma ou des agriculteurs. Suite à une année record en 2022 en termes de revenus céréaliers dans certains secteurs, une forte hausse des livraisons de moissonneuses batteuses a été enregistrée dans de nombreuses concessions du territoire français. Ce niveau accru d’équipement pourrait rendre cette année 2023 encore plus concurrentielle pour les travaux des moissons. Cependant, la très forte hausse des coûts des machines rend de plus en plus difficile l’amortissement de ces matériels par les agriculteurs eux-mêmes. Le marché continue ainsi de gré ou de force à se professionnaliser. Par ailleurs, la demande semble toujours plus exigeante en termes de réactivité et toujours plus pointue techniquement, ainsi qu’en termes d’innovations. Ce contexte contribue à donner du sens à la prestation de moisson au sein des ETA, et notamment pour celles qui sauront se différencier de façon pertinente sur un ou plusieurs aspects de la chaîne de récolte.

La moisson du méteil peut offrir dans certains cas des opportunités pour vendre par la suite des prestations de triage et de nettoyage des récoltes.
La moisson du méteil peut offrir dans certains cas des opportunités pour vendre par la suite des prestations de triage et de nettoyage des récoltes.

Etudier l’option transbordeur

Pour optimiser les coûts de récolte, et espérer proposer des tarifs compétitifs aux agriculteurs, certaines ETA continuent de s’équiper de transbordeurs qui permettent de valoriser à 100% les moissonneuses dans leur tâche de récolte. Les machines sont ainsi amorties de façon optimales pour les heures passées à moissonner en évitant les temps morts du déchargement en bord de champs. Le surcoût du transbordeur semble ainsi être absorbé par les gains réalisés par ailleurs. Le transbordeur peut également être mis en avant auprès des agriculteurs, par les aspects de respect de la structure des sols. Selon les modèles choisis, le transbordeur peut éventuellement être valorisé à d’autres moments de l’année pour des applications en semences ou en engrais. L’organisation des chantiers est alors un peu plus exigeante avec des besoins plus importants pour dégager les céréales vers les silos de l’agriculteur, ou via les camions de la coopérative ou de l’organisme stockeur.

Concilier débits et qualité

La question des débits de chantier est centrale dans l’optimisation des coûts. Un débit accru de 15% réduit le coût du chantier (hors main d’œuvre) de 12.5% selon des simulations réalisées par nos confrères de la revue des Cuma (Entraid). A l’inverse, un débit réduit de 15%, entraînerait un coût accru de 17%. Le nombre d’heure réalisé par la machine sur la saison est également d’une importance forte dans la maîtrise du coût, à condition d’éviter la casse liée à l’usure des machines. L’investissement dans des coupes de cultures d’automne, ou dans la transhumance des matériels, peut s’avérer judicieuse dans ce cadre. 

Du côté des clients, la recherche de débit de chantier par l’ETA est parfois perçue comme négative du point de vue de la qualité du travail. Cependant, ce sont les débits de chantiers qui permettent de valoriser au mieux les fenêtres météorologiques optimales pour gérer la récolte des agriculteurs dans les meilleures conditions. En outre de nombreux dispositifs sont possibles pour concilier la qualité de la récolte et de la gestion des pailles et les débits de chantier. Le dispositif Cemos Dialog chez Claas mesure par exemple les pertes en temps réel dans le service d’assistance au réglage. Les réglages d’une machine peuvent également être transférés directement à d’autres machines par réseau sans fil afin d’économiser du temps. Cela peut s’avérer pratique pour les parcs de machines importants au sein des ETA, en vue de gagner un temps précieux au réglage. En revanche si une erreur a été commise sur les réglages de la machine maître, celle-ci se répercutera sur autant de machines. 

Des équipements comme le kit ThunderStruck peuvent également être adaptés à la moissonneuse pour mieux gérer les niveaux de pertes. La gestion de la qualité peut également se faire en temps réel et de façon automatisée par des systèmes de contrôle en continu des grains cassés et des impuretés que proposent certains constructeurs.

Le contexte actuel contribue à donner du sens à la prestation de moisson au sein des ETA et notamment pour celles qui sauront se différencier de façon pertinente sur un ou plusieurs aspects de la chaîne de récolte
Le contexte actuel contribue à donner du sens à la prestation de moisson au sein des ETA et notamment pour celles qui sauront se différencier de façon pertinente sur un ou plusieurs aspects de la chaîne de récolte

Adapter sa technique pour gérer les pailles

La gestion des pailles est un paramètre important pour réduire les coûts de chantier. Une hauteur de coupe pas trop basse de 15 cm permettra, en outre, d’espérer préserver la biodiversité au sol. L’argument est aussi bien agronomique qu’économique. La paille récoltée sera alors plus sèche. Par ailleurs, la consommation de la moissonneuse batteuse sera réduite de 10 à 15% avec une coupe plus haute des chaumes. Les chaumes gardés hauts – de 30 à 60 cm permettent notamment de garder une fraîcheur et une humidité au sol qui sera favorable pour l’implantation de couverts. Ces chaumes seront également un abri pour les campagnols qui restent ainsi protégés des renards et des rapaces. Il est alors conseillé de rapidement les rabattre après le semis d’un couvert. Cependant, certains clients préfèreront toujours récolter plus de paille avec une coupe plus basse et des techniques de moisson plus respectueuses de la qualité des pailles. Dans l’organisation des chantiers des clients, c’est un point à garder à l’esprit. On peut privilégier les clients qui veulent une paille de qualité pour des moissons le matin ou en soirée lorsque l’humidité est un peu plus importante et favorable à la qualité. Les clients qui préfèrent les débits de chantiers les plus importants seront servis aux heures les plus sèches. 

Des dispositifs comme le caisson de récupération des menues pailles, couplé à la moissonneuse, représentent un autre moyen de se différencier auprès des agriculteurs pour gérer la problématique de l’enherbement.
Des dispositifs comme le caisson de récupération des menues pailles, couplé à la moissonneuse, représentent un autre moyen de se différencier auprès des agriculteurs pour gérer la problématique de l’enherbement.

Gérer les adventices

La réduction du nombre de solutions techniques de désherbage d’une part, et la dégradation des quatre piliers de la fertilité naturelle des sols d’autre part (fertilité biologique, physique, chimique et hydrique), entraîne une plus grande compétitivité de certains adventices sur les parcelles vis-à-vis des cultures. Les problématiques de graminées résistantes aux herbicides comme les ray-grass et vulpins sont ainsi particulièrement prégnantes partout sur le territoire national. Le moment de la moisson est clé pour gérer ces menues pailles et limiter la constitution du stock de semences d’adventices dans les sols. Des dispositifs d’écimage avec récupérateur peuvent être proposés aux agriculteurs pour récolter ces menues pailles avant la moisson. D’autres dispositifs – comme le caisson de récupération des menues pailles, couplé à la moissonneuse représentent un autre moyen de se différencier auprès des agriculteurs. La problématique de l’enherbement est telle que plusieurs constructeurs proposent également aujourd’hui des dispositifs de destruction intégrée des semences d’adventices contenues dans les menues pailles, comme le seed-control de Case IH. 

Proposer des chantiers décomposés

Des écarts de maturité pour le colza d’une part ou de certaines légumineuses, de même que des problèmes d’adventices encore vertes dans les récoltes de parcelles notamment en Bio, incitent parfois les agriculteurs à vouloir décomposer leurs chantiers de moisson. La décomposition des chantiers avec fauchage-andainage avant moisson répond parfois également à une logique d’optimisation du travail pour valoriser pleinement « les chevaux » de la moissonneuse dans un contexte de récolte faible en biomasse. Les ETA se différencient sur ce terrain en étant aujourd’hui de plus en plus nombreuses à proposer la décomposition des chantiers de récolte via des pickups spéciaux. La technique peut également être utilisée par certains agriculteurs pour permettre de gagner une dizaine de jours sur la moisson, et ainsi de valoriser une culture estivale en dérobée par exemple. La gestion des adventices peut également être meilleure avec les chantiers décomposés, de même que le triage de la récolte.

Le battage avec des chenilles 

L’adoption de chenilles sur les moissonneuses est une autre possibilité pour se démarquer sur le terrain des moissons. Le dispositif qui représente une promesse de mieux respecter les sols. En outre, c’est une sécurité dans les secteurs les plus humides pour pouvoir intervenir notamment à l’automne pour les moissons de maïs grain. Ces genres de machines sont parfois appelées à la rescousse pour des missions de sauvetage selon les besoins en dehors du rayon d’action local des ETA. L’investissement est cependant conséquent, et pose la question du retour sur investissement et du partage des risques sur le territoire. 

Le dispositif de chenilles représente une promesse de mieux respecter les sols. En outre, c’est une sécurité dans les secteurs les plus humides pour pouvoir intervenir, notamment à l’automne pour les moissons de maïs grain.
Le dispositif de chenilles représente une promesse de mieux respecter les sols. En outre, c’est une sécurité dans les secteurs les plus humides pour pouvoir intervenir, notamment à l’automne pour les moissons de maïs grain.

Battre des méteils

Certaines cultures non conventionnelles, comme les méteils grains, sont particulièrement compliqués à récolter. Les constructeurs ne prévoient généralement pas de préréglages ni de recommandations pour récolter ces mélanges, dont les tailles de graines sont très différentes. Ces mélanges associent souvent des plantes tuteur comme la féverole ou les céréales à paille avec des légumineuses comme le pois, la vesce etc… Outre le décalage de calibre des grains, s’ajoute une problématique de décalage des maturités, des taux d’humidité et des structures de port végétal. Les réglages sont alors l’expression d’un compromis qui vise à limiter au maximum les pertes tout en assurant une propreté correcte de la récolte. Ce compromis s’obtient souvent en ayant un meilleur niveau de tolérance sur les grains cassés, notamment de féverole. D’autant plus que ces mélanges de méteil grain incluent souvent des quantités importantes de céréales qu’il est plus difficile de séparer. En outre, la nappe à récolter est souvent très emmêlée du fait de la présence de plantes aux ports très différents et à la compétition de chacune pour accéder à la lumière. Pour gérer cette nappe et éviter les bourrages, une solution est d’équiper la barre de coupe de scies de type scies à colza. La moisson du méteil peut offrir dans certains cas des opportunités pour vendre par la suite des prestations de triage et de nettoyage des récoltes. Le méteil est une culture qui semble particulièrement attirer la faune sauvage et le gibier. Pour préserver au maximum cette faune, il est d’autant plus conseillé d’adopter les bonnes pratiques en la matière.

Des types de cultures non conventionnelles comme des méteils grains sont particulièrement compliqués à récolter. Les constructeurs ne prévoient généralement pas de préréglages ni de recommandations pour récolter ces mélanges, dont les tailles de graines sont très différentes.
Des types de cultures non conventionnelles comme des méteils grains sont particulièrement compliqués à récolter. Les constructeurs ne prévoient généralement pas de préréglages ni de recommandations pour récolter ces mélanges, dont les tailles de graines sont très différentes.

Alexis Dufumier

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