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Une ETA gérée comme une grande ferme

Florian Lottin a repris l’entreprise familiale de travaux agricole depuis le premier juillet 2021. Aujourd’hui, elle compte trois salariés et se déploie dans un rayon d’action de 10 km.

L’entreprise de travaux agricoles Lottin, basée à Villedieu-les-Bailleul, dans l’Orne, s’est spécialisée dans les travaux de A à Z. Ce positionnement lui permet de rationaliser les travaux comme pour une unique exploitation agricole. Entre-autres projets, son gérant, Florian Lottin, déploie une expertise en agronomie, comme la modulation par multianalyses de sols. Rencontre. 

C’est le 1er juillet 2021 que Florian Lottin a repris la totalité des parts de l’entreprise de travaux agricoles Lottin dirigée jusque-là par son père Eric. Cette transmission s’est faite dans la continuité, après plus de dix ans d’installation de Florian en tant qu’agriculteur dans le même secteur géographique, avec une gestion déjà commune des collaborateurs au sein d’un groupement d’employeurs qui compte trois salariés. Le père de Florian est d’ailleurs toujours impliqué dans l’entreprise en tant que salarié au sein du groupement. 
Dans un secteur dominé par les grandes cultures du Sud de la plaine de Caen, l’ETA s’est développée dans les travaux de culture et de récolte pour des espèces aussi diversifiées que le blé, l’orge, le colza, le maïs, ainsi que le lin textile, la pomme de terre et la luzerne. La particularité forte de la société est de s’être résolument spécialisée dans le pilotage de « fermes à façons » pour une superficie totale d’environ 800 ha. Ce mode de fonctionnement est d’ailleurs presque inscrit dans les gènes de l’entreprise qui est née en 2005 de cette opportunité pour Eric, lui-même agriculteur, de pouvoir répondre à une demande de gestion complète de travaux. Seules quelques prestations sont assurées, au cas par cas, en dehors d’une gestion de A à Z. L’agriculteur propose ainsi des prestations complètes et clés en main d’épandage phytosanitaire ainsi que l’andainage à tapis notamment.
 
Une bonne visibilité
Aujourd’hui, Florian gère ainsi l’entreprise comme il le ferait pour une seule et même grande ferme, en combinant les avantages de l’organisation des chantiers avec un centre de décision unique et les économies d’échelle permises par la mutualisation des moyens au sein d’une même entreprise. « Cela fonctionne sur la confiance avec les clients qui acceptent de nous déléguer une grande partie du pouvoir de décision, relate Florian. Nous achetons les intrants, nous décidons des interventions, nous organisons les chantiers, nous assurons le suivi administratif et réglementaire pour les produits phytosanitaires et les apports d’engrais… Dans certains cas, nous allons même jusqu’à assurer l’entretien paysager autour des bâtiments. La seule chose que nous ne faisons pas, c’est la commercialisation des céréales ».
L’entreprise rayonne ainsi dans un périmètre assez court de 10 km seulement autour de l’ETA. Certaines parcelles contiguës, mais qui appartiennent à des fermes différentes, sont désormais gérées comme une seule et même parcelle en respectant cependant bien le bornage à la récolte. 
Ce système apporte une forte visibilité pour le jeune entrepreneur sur la charge de travail future, ce qui est très sécurisant pour les investissements et les achats d’intrants notamment. Cela n’empêche pas Florian de subir de plein fouet l’effet de l’inflation qu’il estime à plus de 100 000 € sur l’année, rien que pour les achats de fuel. « Nous vivons aussi une période très tendue sur les disponibilités en pièces mécaniques de rechange chez les concessionnaires, avec une vraie peur de la panne », souligne-t-il également.
 
Convivialité
L’équipe est composée de trois salariés, complétée selon les besoins par des saisonniers au moment des récoltes. « Nous sommes une petite entreprise. Je souhaite vraiment garder un esprit très familial entre nous, et que nous puissions tous travailler dans une bonne ambiance », souligne Florian Lottin. Avec une équipe restreinte, chacun doit pouvoir être très polyvalent pour pouvoir remplacer l’autre lorsqu’il y en a besoin. Cela n’empêche pas cependant qu’une répartition des tâches se fasse par affinité et de fait chacun prend naturellement plus de responsabilités sur certains postes. Cette convivialité au sein de l’entreprise, Florian l’entretient aussi auprès de plusieurs de ses collègues entrepreneurs du secteur avec lesquels ils s’entraident régulièrement.
 
Moduler pour pallier l’hétérogénéité
Le fait de gérer les différentes fermes à façon comme une seule grande ferme, pose la question de l’hétérogénéité des parcelles avec des historiques très différents. Ce constat a poussé Florian à investir dans une démarche de modulation des pratiques en fonction de l’hétérogénéité des sols via l’outil d’aide à la décision – Be Api – basé sur des analyses de sols multiples au sein de chaque parcelle (plus une analyse par hectare). « Pour y parvenir, je me suis appuyé sur tout le savoir-faire développé très tôt par mon père, explique-t-il. Cela fait vingt ans que nous sommes équipés pour l’agriculture de précision et nous avons toujours eu un goût prononcé pour les nouvelles technologies ». Aujourd’hui, l’entreprise développe ce système sur une partie seulement des surfaces travaillées, et Florian essaye de sensibiliser ses clients pour déployer plus largement cette approche. D’un point de vue plus général, Florian Lottin se pose des questions sur le rôle que les ETA sont amenées à jouer en matière de conseil phytosanitaire depuis que la séparation de la vente et du conseil est effective. « Nous aurons peut-être de plus en plus un rôle pour apporter du conseil aux agriculteurs sur cet aspect-là », songe-t-il.  
 
A NOTER : 
Une diversification dans la luzerne
En 2018, Florian crée la société FM Luzerne, afin de récolter et de sécher à basse température de la luzerne conditionnée en balles carrées. « Dans notre secteur, nous avons une forte concentration de haras. Nous leur vendions déjà un peu de paille, ce qui m’avait permis de repérer qu’ils faisaient venir de la luzerne parfois d’assez loin, et notamment du Centre de la France. C’est comme cela que l’idée m’est venue de développer cette activité », retrace Florian Lottin. Aujourd’hui, il en récolte environ 250 ha. La moitié de cette récolte est vendue dans le secteur équin et l’autre moitié pour les éleveurs laitiers dans un quart Nord-Ouest de la France. « Cette production valorise très bien les sols superficiels de la région et elle s’intègre bien dans les exigences de la nouvelle PAC, se félicite-t-il. Cependant, la commercialisation de la luzerne est une niche qui n’est pas extensible à l’infini ».
 

Alexis Dufumier

 

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