La sécurité alimentaire constitue depuis cinquante-cinq ans le cœur de la souveraineté européenne. Mais tandis que les grandes puissances – Brésil, Inde, Chine et États-Unis, investissent dans leur indépendance alimentaire et par conséquent dans leur politique agricole, l’agriculture européenne est à la croisée des chemins et avec elle, l’Union européenne.
Affaiblie par une décennie de crises et de stagnation des revenus, l’agriculture européenne doit faire face au contrecoup budgétaire du Brexit et de l’émergence de nouvelles priorités politiques (sécurité, migration et défense), aux impacts économiques de son intégration dans le marché mondial et de l’agenda commercial de l’Union et enfin à la pression de l’intégration des enjeux environnementaux, climatiques et sociaux. La tendance au repli sur soi, incarnée tant par le référendum britannique de 2016 que par les récentes élections italiennes, a en outre ébranlé jusqu’au cœur de la Commission européenne, lasse d’être le bouc-émissaire commode des insuffisances ou de la lâcheté de leurs choix politiques nationaux et européens.
Dans ce contexte, c’est une Commission européenne aux abois, qui proposera le 1er juin prochain une réforme de la Politique Agricole Commune, visant à répondre à ces enjeux : nouveau système de mise en œuvre avec la mise en place de vingt-sept plans stratégiques nationaux donnant la part belle à la subsidiarité, nouvelle architecture verte et redistribution des paiements directs sont les principales mesures annoncées. Plus de vingt-cinq ans après la réforme MacSharry, ne fallait-il pas rentrer dans une refonte plus globale ? Cet ajustement technique et financier du cadre actuel ne comportent-t-il pas des risques tout en échouant à proposer une ambition pour l’agriculture européenne ?
Face à un Conseil des Ministres atone, miné par les divisions de ses membres, le Parlement européen, à l’instar de son action dans le cadre de la réforme de 2013 ou encore du règlement Omnibus en 2017, semble être la seule institution européenne encore capable de porter une véritable vision du futur de l’agriculture européenne. Nous avons cet égard la responsabilité historique de revenir aux fondements de la construction européenne agricole, qui s’incarne dans le nom même de cette politique : Politique. Agricole. Commune.
Politique
Le débat sur l’avenir de la PAC ne peut pas faire l’économie d’une réflexion politique sur l’avenir souhaité pour ce secteur.
La Commission européenne entend proposer aux États membres de programmer une série d’outils pour répondre à des objectifs mesurés par des indicateurs fixés au niveau européen. Ces plans agricoles négociés entre administrations nationales et européennes, sans l’intervention de représentants élus, dans un cadre flexible et malléable sans direction ou ambition politique, risquent cependant d’incarner la déconnection d’une politique délégitimée vis à vis de la réalité des agricultures européennes. D’arbitrages technocratiques en arbitrage technocratiques, les agriculteurs subissent une politique délégitimée.
Le Parlement européen ne peut accepter une telle perspective. Je considère essentiel de réaffirmer la primauté du politique sur la bureaucratie en substituant une Politique Agricole Commune, vecteur d’une vision ambitieuse de l’agriculture européenne et instrument de défense du modèle agricole européen, à cette tentation technocratique. Cette politique devra se traduire par un ensemble cohérent de mesures politiques européennes impulsant une direction politique et un cadre robuste dans lesquels les diverses agricultures européennes pourront s’épanouir et se développer dans leurs réalités et spécifiés propres.
Agricole
Le débat sur l’avenir de la PAC ne peut passer sous silence que cette politique est avant tout une politique d’économie agricole et de sécurité alimentaire.
Au nom de la légitimation des paiements directs, la Commission européenne entend achever de verdir la politique agricole commune tout en lui attribuant des objectifs sociétaux. En plus de créer des surcoûts non-compensés, la multiplication d’objectifs politiques parfois contradictoires comporte le risque de la complexification des mécanismes de la PAC, menant à terme à l’altération de son essence.
Si l’intégration progressive des enjeux environnementaux, climatiques et sociaux devra être soutenue dans son principe, le Parlement européen devra également veiller à ce que la finalité agricole de la PAC en réintroduisant des outils économiques pour soutenir la durabilité économique des exploitations, des filières et des territoires. Mais également en mariant de manière plus réaliste les exigences environnementales et économiques en accompagnant les agriculteurs qui engagent une transition de leurs pratiques et de leurs modèles de production.
Commune
Le débat sur l’avenir de la PAC ne peut nier que son caractère commun est une exigence et de plus en plus un combat, tant la PAC est un élément fondamental du marché unique.
Afin de mettre les États membres fassent à leur responsabilité, la Commission européenne entend leur déléguer la conception de stratégies nationales agricoles, qu’elle évaluera et approuvera. Cette proposition est la porte ouverte à la conception de vingt-sept copies différentes menant de facto à des inégalités de traitement entre les agriculteurs et à des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur.
Le Parlement européen ne peut accepter une telle régression de la politique agricole commune, mettant à mal sa valeur ajoutée européenne et qui mènerait à terme à sa disparition. Je considère essentiel de maintenir un socle commun de règles, de standards, d’outils, d’allocations financières communes ainsi qu’une politique de marché, tout en aménageant une marge de manœuvre raisonnable et réaliste aux États membres dans le respect des règles du marché intérieur.
Au-delà de préserver la nature même de la politique agricole commune dans ses trois aspects consubstantiels, le Parlement européen devra porter une ambition politique pour l’agriculture européenne.
S’il échoue, il sera difficile d’éviter le statu quo dans lequel le métier d’agriculteur sera de moins en moins attrayant pour les jeunes générations. Alors que la dépendance aux importations en produits alimentaires augmentera, l’environnement se dégradera à mesure que les zones rurales seront désertées, et les agriculteurs auront davantage de difficultés à investir dans la production agricole pour répondre aux défis du changement climatique.
Les négociateurs du Parlement européen sont prévenus, nous serons d’ailleurs jugés sur pièce lors des élections de mai 2019.
Michel Dantin
Député européen
membre de la commission Agriculture du Parlement européen
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