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Un tracteur qui carbure au méthane

Le T6.180 Methane Power de la SARL Morel Energies roule avec le méthane produit sur place.

Faire le plein du tracteur avec un carburant produit sur la ferme. C’est le pari fou qu’ont osé les associés de la SARL Morel Energies. La station a été installée dans la cour de la ferme au printemps dernier et le tracteur T6.180 Methane Power de New Holland est arrivé en septembre.

Téléchargez gratuitement le Guide Méthanisation : https://wikiagri.fr/lp/guide-methanisation/

Traqueurs solaires et méthaniseurs sont complémentaires sur la SARL Morel Energies.

Les six premiers tracteurs T6.180 au méthane de New Holland sont  en  cours  de  déploiement dans l’hexagone. En septembre dernier, Florent et Nicolas Morel, éleveurs à la Chapelle-Janson en Ille-et-Vilaine, ont reçu le premier exemplaire de cette machine atypique. Plus précisément, c’est la société Morel Energies, qu’ils ont créée en commun autour de leur méthaniseur, qui a reçu un modèle pré-série de ce tracteur de 160 ch. La version définitive arrivera courant 2022.

Pour Florent et Nicolas Morel, la stratégie concernant le volet énergétique de l’exploitation consiste à fonctionner au maximum en autoconsommation.

« Nous essayons d’optimiser l’utilisation  de  l’énergie sur le site. Au printemps dernier nous avons installé une station de bioGNV pour alimenter 5 voitures et le T6 Méthane Power. Avant ça, la première étape avait été d’installer des traqueurs solaires en 2019. L’élec- tricité  produite  est  auto-consommée pour assurer le fonctionnement du méthaniseur et d’une partie des bâtiments d’élevage » rapporte Florent Morel.

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Un tracteur différent, mais pas tant que ça

Nicolas Morel fait le plein de bioGNV au niveau du point de distribution situé à côté du méthaniseur.

En trois mois sur l’exploitation, le T6 Méthane Power a réalisé 170 heures de travail. « Il est utilisé pour le transport de matières premières liées à la méthanisation, comme l’ensilage des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), mais aussi pour le lisier ou le digestat. Il est aussi consacré à divers travaux dans les champs » rapporte  Florent  Morel. Pour ce qui est des différences avec un tracteur de  puissance équivalente au gasoil, l’éleveur n’en voit que très peu. « Il y a des bouteilles de gaz compressé à la place du  réservoir, sinon c’est pareil » relève-t-il. En creusant un peu, quelques points se démarquent quand même. Des aspects positifs d’abord. Le moteur du tracteur au méthane émet moins de bruit, apportant plus de confort de conduite au chauffeur. Autre avantage, le bioGNV ne contient pas d’impureté. Résultat l’huile moteur vieillit  bien mieux. Côté limitation, le T6.180 ne possède que 6h30 d’autonomie. Pour l’instant cela ne gène pas particulièrement les frères Morel. « Avant de partir pour une journée de travail, nous vérifions bien que le plein est fait » précise quand même Nicolas Morel. Ils réfléchissent actuellement à des solutions de ravitaillement mobile. Les bouteilles de gaz compressé sont situées dans le coffre visible à l’avant du tracteur, mais aussi de chaque côté de la cabine. « Il y en a 2 horizontales à droite et 3 ou 4 verticales à gauche » précise l’éleveur.

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Le T6 Methane Power participe au chantier d’ensilage des CIVE.

La boucle est bouclée

Mi-novembre, le tracteur était à l’œuvre sur le chantier d’ensilage des CIVE. L’image est assez symbolique puisque le T6.180 Méthane Power transportait à cette occasion une partie de la matière première à l’origine de son carburant. Chaque année, ce sont 55ha de sorgho, tournesol et niger que Florent et Nicolas Morel implantent après la moisson et qui rejoindront les effluents d’élevage, ainsi que 6% de maïs. Un chiffre  bien  en deçà des 15% de cultures dédiées autorisées par la réglementation. « Cette année, nous avons moissonné le blé 23 juillet. Le pressage a été fait le lendemain et l’apport de digestat le surlendemain. Ensuite le semis des CIVE est fait très rapidement » décrit Nicolas Morel.

Le méthaniseur en lui-même a été mis en service en 2018. Il s’agit d’une installation en injection qui fournit en gaz le réseau de la ville voisine de Fougères. « Pour le  process  de  méthanisation, nous travaillons avec l’entreprise Evalor qui a conçu l’unité. Lorsqu’il y a un changement de matière première pour alimenter le méthaniseur, nous faisons l’analyse au préalable avec leur biologiste » explique Florent Morel. La partie épuration du gaz a, elle, été réalisée par Prodeval.

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Les bouteilles de gaz sont stockées dans le coffre à l’avant et de chaque côté de la cabine.

Une station de BioGNV sur la ferme

Pour autoconsommer leur méthane, les deux frères ont investi dans une station de bioGNV qui est piquée sur leur installation après l’étape de purification du gaz, mais avant son injection dans le réseau de Fougères. Elle permet de faire le plein du T6 Methane Power, mais aussi des deux utilitaires  Caddy  Volkswagen, des deux Punto et de la Seat Leon de l’entreprise.

« Pour les longs trajets en voiture, nous pouvons faire le plein sur n’importe quelle station GNV » remarque Nicolas Morel. À l’avenir, ils  aimeraient  agrandir  le parc matériel roulant au bioGNV pour rentabiliser l’investissement de la station de bioGNV d’un montant de 55 000 €. « Il pourrait y avoir d’autres tracteurs, un télescopique ou un quad au BioGNV. Nous ne nous fixons pas de limites. À horizon 10 ans, l’objectif est de ne plus acheter de GNR » souligne Florent Morel. Sur ce point New Holland indique que le moteur du T6 Methane Power est le même que pour les tracteurs T7 ou pour les chargeuses. Ces engins pourraient donc être rapidement proposés en BioGNV.

« Pour débuter, le T6 était le meilleur compromis entre puissance, gabarit, autonomie et espace  disponible pour intégrer les bouteilles » retrace Nicolas Morel, responsable produits  tracteurs chez New Holland et homonyme de l’éleveur breton. Il confirme qu’un complément de gamme serait nécessaire chez Morel Energies. « Ils font avec un T6 ce que nous ferions avec un T7 » relève-t-il.

D’autres acteurs pourraient rejoindre le marché à l’avenir. « Nous avions été rencontrer Valtra en Finlande, mais pour le moment nous n’avons plus de nouvelles. Leur tracteur au méthane était prévu pour 2024 » se souvient Bertrand Guerin, vice-président de l’AAMF. Selon lui,  le  développement  technologique n’est pas infranchissable pour proposer ce type d’engin, notamment face à des technologies électriques. Il aimerait que les choses avancent sur le segment de la manutention : « Je lance un appel très clair à notre constructeur national de télescopique sur le sujet ! ».

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500 points de distribution à horizon 2025

Depuis 2 ans, une commission de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) étudie la faisabilité d’un réseau de petites stations de BioGNV à la ferme, adossées à des méthaniseurs. « Nous visons 500 points de distribution à horizon 2025. À terme, l’ambition est de développer un point de distribution chez chaque agriculteur méthaniseur » affirme Bertrand Guerin, vice-président de l’AAMF.

Il existe actuellement 4 modèles de point de distribution. Le premier concerne les installations de co- génération qui doivent épurer le gaz, avant de le compresser et de le stocker. Pour les méthaniseurs en injection, plusieurs scénarios sont possibles. La station peut être installée en amont du point d’injection dans le réseau, une centaine de mètres après ce point ou même à quelques kilomètres du méthaniseur, pour se rapprocher par exemple du village voisin. Dans le premier cas, le bioGNV ne pourra être utilisé qu’en autoconsommation. C’est le cas de l’installation de Morel Energies. Dans les deux autres configurations, l’agriculteur rachète le gaz au fournisseur et le distribue. « Il y a déjà des grands acteurs sur le créneau du bioGNV mais ils ne viennent pas en milieu rural » évoque Bertrand Guerin. Selon lui, les clients potentiels ne manquent pas : car de ramassage scolaire, camion de collecte de lait ou de livraison d’alimentation du bétail, véhicule de la poste etc. Alors que la méthanisation est souvent vue d’un mauvais œil dans les campagnes, l’idée est de transformer les installations en véritable atout pour le milieu rural. « Si demain il y a des cars de ramassage scolaire floqués avec la mention – roule au gaz produit sur nos fermes- on aura tout bon » insiste le vice-président de l’AAMF.

Trois structures, deux exploitants

Seul l’entreprise Morel Energies est commune aux deux frères. Pour les activités agricoles, ils ont chacun leur exploitation. Nicolas Morel a un atelier porcin naisseur/engraisseur de 250 truies, alors que Florent Morel produit du lait avec une centaine de vaches. Les deux exploitations comptent 250 ha de maïs et d’herbe pour l’alimentation des animaux, ainsi que 70 ha de blé pour la commercialisation et derrière lesquels sont implantés les CIVE pour la méthanisation.

 

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Auteur: Thimothée Legrand

 

 

 

 

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