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Un maraicher suspend sa production à cause d’un désherbant qui pollue son puits

Depuis le mois de juillet dernier un maraîcher de Valence d’Agen, en Tarn-et-Garonne, vit un enfer. Il a suspendu toute sa production, car son puits d’arrosage est pollué. L’homme a porté plainte, mais l’enquête piétine.

C’est une bien douloureuse affaire à laquelle est confronté Jean-Marc Géniès. L’été dernier, il a interrompu toute sa production légumière. Car ce maraîcher de Valence d’Agen, dans le Tarn-et-Garonne, s’est aperçu que son puits d’arrosage était pollué.

« Un taux de pollution inédit pour nous »

Alors il a appliqué le principe de précaution. « De moi-même, j’ai tout arrêté parce que j’étais inquiet ! Peu à peu, mes céleris rave sont devenus jaunes, les betteraves étaient très rugueuses au lieu d’être lisses et les tomates avaient des tâches marron. Les choux, eux, ne poussaient carrément plus. De toute façon, plus j’arrosais et plus tout disparaissait ! »

Alors l’homme dont l’exploitation est située à quelques encablures de la centrale nucléaire de Golfech, interroge ses fournisseurs d’engrais et de plants. Histoire de savoir si une bactérie n’a pas été détectée ou si la salinité de son sol n’est pas trop élevée. Il fait même intervenir un huissier qui constate l’état de sa terre et de sa production. Et puis, avec ses propres deniers encore, il fait réaliser un prélèvement dans son puits par le laboratoire LPL Pyrénées-Landes. Une structure située à Pau (Pyrénées-Atlantiques) spécialisée dans le contrôle de la qualité de l’eau.

C’est alors que le pot-aux-roses est découvert. Puisque la limite de potabilité de l’eau du puits est dépassée de 65 % à cause d’un taux très élevé de métolachlore, un désherbant. Ce que confirme Michel Zugarramundi, du laboratoire LPL. « C’était en effet très important. A notre niveau, c’est même un taux que nous n’avions jamais vu. Mais comme d’autres produits, celui-là, on le trouve souvent dans l’eau des rivières. Il peut s’infiltrer dans le sol et ruisseler un peu partout. »

« J’ai appelé au secours, personne n’est venu »

De fait deux plaintes sont déposées, auprès du procureur de la République de Montauban, par l’association France Nature Environnement et par Jean-Marc Géniès lui-même. Lequel répète à l’envi avoir frappé à toutes les portes des institutions et autorités, pour être aidé, en vain.

« J’ai appelé au secours, mais personne n’est venu. Donc j’ai bien été obligé de tout faire moi-même pendant des mois ! En même temps, je continue de payer mes charges et les cotisations de mes trois salariés. »

En parallèle d’un prélèvement effectué tout récemment par la police de l’eau à la DDT (direction départementale des territoires) Jean-Marc Géniès, qui estime être victime d’un acte de malveillance, évoquant une jalousie sur le marché entre producteurs et revendeurs, a lui aussi fait réaliser, au début du mois de mars, une deuxième analyse. Laquelle a révélé que le taux de potabilité est même supérieur désormais de 100 % à la normale. Une vraie surprise, si l’on sait que le puits avait été protégé entre-temps par un cadenas.

Le procureur ne confirme pas la malveillance

« Nous, on se demande si des personnes ou des animaux boivent cette eau, si la nappe n’est pas polluée elle aussi et si nous ne sommes pas face à un problème sanitaire ! » s’interroge Christian de Bortoli, membre du comité de soutien qui s’est créé voilà moins d’un mois.

Un comité qui s’est transformé en association avec l’espoir d’avoir accès au dossier judiciaire. Ses membres informent les visiteurs et chalands du marché des producteurs de Valence d’Agen et ont déjà recueilli 200 signatures de la population. Car c’est là en effet que Jean-Marc Géniès vendait chaque semaine la totalité de sa production.

Pendant ce temps, le parquet de Montauban admet que l’enquête n’avance pas. La vice-procureure Véronique Benlafquih ne dit pas autre chose. « Dans cette affaire, on peut vraiment tout imaginer, les hypothèses sont multiples. Les investigations vont encore continuer pour se clôturer sans doute assez rapidement. L’enquête a été faite avec sérieux et en engageant de gros moyens, y compris financiers. A ce stade, nous ne savons pas qui est à l’origine de cette pollution, comment et pourquoi. Mais rien ne permet d’étayer la thèse d’une malveillance. »

« Quand je vois ces serres vides, j’en suis malade… »

Et la vice-procureure de se montrer pessimiste quant à la résolution de cette énigme. Si le métolachlore est interdit dans l’Union européenne depuis 1991, elle souligne que la molécule retrouvée dans le puits est, elle, autorisée.

Très affecté par cette histoire, Jean-Marc Géniès, qui a trouvé un poste de salarié chez un ami pépiniériste, s’apprête à se séparer de son matériel agricole. Mais il ignore si, un jour, il pourra redevenir maraîcher sur son exploitation. « Pour l’instant, quand je vois ces serres vides, j’en suis malade… »
 

Ci-dessous, Jean-Marc Géniès : « J’ai appelé au secours, mais personne n’est venu ! »

Sur le marché de Valence d’Agen, un comité de soutien s’est créé.

1 Commentaire(s)

  1. Sans remettre en cause le fond de cette triste affaire, j’aimerais comprendre ce qui m’apparaît incohérent dans cet article:

    • Il est d’abord trouvé du métolachlore , puis d’après le Procureur « Si le métolachlore est interdit dans l’Union européenne depuis 1991, elle souligne que la molécule retrouvée dans le puits est, elle, autorisée. » Je suppose donc qu’il s’agit de S-métolachlore?
    •  » je continue de payer mes charges et les cotisations de mes trois salariés. » Et les salaires des trois salariés?

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