Dans les Deux-Sèvres, les habitants de la vallée du Thouet ont appris à se méfier de l’eau qui dort. Parmi eux, François Fouillet, éleveur, vient de pousser un coup de gueule dans la presse locale. La destruction, sans discernement ni consultation préalable, de barrages remet directement en cause son élevage de plein air.
L’histoire est très locale. François Fouillet est éleveur, il élève 60 limousines et 350 brebis. En bordure de pâture, le Thouet, une rivière. Son flux est régulé par la présence de plusieurs barrages, datant pour la plupart de plusieurs siècles. Les « anciens » savaient ce qu’ils faisaient, car ainsi la rivière coule indéfiniment, et d’une manière que l’homme peut contrôler.
Oui, mais voilà. Il se trouve qu’il est désormais (plus que) question de démolir plusieurs de ces barrages, au nom d’une fluidité de l’eau à retrouver. Ce qui aurait pour effet de condamner l’élevage en plein air de François Fouillet. Il a ainsi expliqué, à La Nouvelle République puis à WikiAgri, que le niveau d’eau de la rivière est très variable selon les saisons, il peut y avoir des crues comme une sécheresse. Dans le second cas, les vaches peuvent passer par dessus le cours d’eau diminué et quitter leur enclos. Mais s’il met des barrières, comme on le lui conseille, celles-ci seront d’abord à ses frais, et ensuite elles pourraient être enlevées par les crues d’hiver ou de printemps pratiquement tous les deux ans : il faudrait les refaire continuellement. En d’autres termes, en enlevant la régulation venue des barrages, on lui retire le droit d’exercer sa profession d’éleveur.
Pourtant, s’il existe effectivement des problèmes, des trous qui se forment sur les rives, c’est (selon l’observation de François Fouillet) en raison du travail de sape des ragondins. Or, les concernant, aucun plan de régulation n’est mis sur pied.
En fait, cette affaire concerne de nombreuses personnes (d’ailleurs ils avaient été 7 000 à signer une pétition contre la destruction des barrages dès 2010), tous ceux qui profitent d’une manière ou d’une autre de l’écoulement régulé des rivières. On retrouve parmi eux des pêcheurs, des propriétaires fonciers, des kayakistes, des commerçants vivant du tourisme grâce aux paysages, des randonneurs, et donc des agriculteurs.
Le problème vient d’une enveloppe de 6 millions d’euros, qui a visiblement brûlé les doigts de ceux qui doivent la dépenser. Elle a été accordée conjointement par l’Agence de l’eau, la Région Poitou-Charentes et le Conseil général des Deux-Sèvres à une entité appelée le syndicat mixte de la vallée du Thouet (SMVT), ayant pour objet d’utiliser ces fonds pour respecter une directive européenne réclamant l’entretien des rivières. En revanche, à aucun moment, la directive en question ne précise comment cet entretien doit être effectué, laissant l’initiative à ceux qui connaissent les contextes locaux. Du côté de l’Agence de l’eau, il semble que l’on préconise le fait de favoriser l’écoulement, de façon à éviter les dépôts de sédiments. C’est ainsi que, joint par WikiAgri, Daniel Vion, président de l’association Le Nénuphar thouarsais (il s’agit d’une association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques, AAPPMA pour les intimes, donc de pêcheurs), précise que l’Agence de l’eau « rembourse la démolition des barrages à 80 % et leur réaménagement à 50 %« .
De fait, quand il s’agit d’utiliser l’enveloppe, pour une simple raison budgétaire, la démolition est privilégiée. Mais encore faudrait-il que cela corresponde effectivement aux besoins contextuels, et à l’esprit environnemental initial. Et c’est là que le bât blesse…
Car selon Daniel Vion, « si l’on observe effectivement une pollution de la rivière, ce n’est pas en raison de la sédimentation naturelle, qui est d’ailleurs presque inexistante, on a pu le constater en vidant récemment un bassin. Mais parce qu’il y a des déchets qui y sont directement éjectés. Mais au lieu d’aller voir les entreprises concernées, on préfère s’en prendre à ceux qui font déjà le travail d’entretien des berges. En fait, la solution que je prône, c’est de réparer les fonctionnalités certains barrages pour que l’on puisse effectivement partout choisir le niveau de la rivière. Mais en aucun cas de les démolir. » Or, on l’a vu, réparer est moins bien rémunéré que de détruire…
Concernant son cas, François Fouillet ajoute : « La propriétaire du barrage qui me nuirait en étant démoli est sans cesse harcelée par le syndicat mixte. Elle n’a aucune obligation d’obtempérer, mais on a l’impression qu’il faut à tout prix utiliser l’enveloppe de 6 millions de cette manière là. Alors qu’un nid de ragondin déplace un mètre cube de terre, crée des trous sur les rives, et nuit considérablement à l’entretien des berges. Seulement, pour eux, on n’a aucun budget…«
Pourtant François Fouillet estime qu’il défend l’écologie en s’opposant aux bons conseils du SMVT : « Je pourrais tout aussi bien ne pas m’en faire, arrêter l’élevage, mettre du maïs, laisser tomber les traditions et l’entretien du paysage local. Mais en tant qu’éleveur dans cette zone géographique, j’estime devoir oeuvrer dans le sens d’un environnement préservé. »
En conclusion, faut-il tout autoriser au prétexte d’une enveloppe à consommer ? Et vous, qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à commenter ci-dessous.
En savoir plus : http://www.lanouvellerepublique.fr/Deux-Sevres/Actualite/Environnement/n/Contenus/Articles/2013/12/20/Vallee-du-Thouet-la-grosse-colere-de-l-agriculteur-du-Tallud-1732242 (l’article paru sur La Nouvelle République).
La photo ci-dessous a été prise pour nous par François Fouillet. Elle montre un morceau de berge qui est parti suite à un terrier de ragondins. Selon lui, c’est dans cette direction qu’il faut agir.