L’entreprise Picavet Paille Fourrage, installée dans l’Aube depuis 2010, n’est pas la seule occupation d’Anthony Picavet, qui gère aussi deux fermes. Grâce à la synergie entre ces activités mais, aussi au débit de chantier énorme de l’en- treprise en pressage de paille, son emploi du temps ne connaît pas de vide!
Après le rush des moissons, seul le balai des plateaux de paille et les coups de piston des presses résonnent en ce dimanche de début août. Alors que je croise la route de deux chargements, deux presses entament une parcelle. La première est associée à un groupeur capable d’empiler jusqu’à quatre balles. La seconde, une Krone 8 noueurs, est attelée à un Fendt 1050 Vario qui, pour ne pas écraser l’andain, présente une voie élargie. La carrure de l’ensemble impressionne autant que son débit de chantier. Je ne ralentis pas le chantier et décide de revenir plus tard. Et c’est en ce début de printemps que je retrouve Anthony Picavet accompagné de son père, Philippe. Nous sommes à la veille d’un week-end. Le dernier camion affrété pour la Suisse vient de quitter le bâtiment de stockage, un édifice de 5 000 m2 encore bien garni en cette fin mars, mais structuré pour accueillir jusqu’à dix camions par jour. « Nous produisons entre 11 000 et 13 500 tonnes de balles rectangulaires par an, essentiellement pour l ’export, vers la Suisse, l’Allemagne, la Belgique et les Pays Bas », confie Anthony. « Ces clients sont, disons-le, des partenaires réguliers et f idèles. Ils nous permettent de maintenir notre production stable d’une année sur l ’autre. C’est pourquoi notre stock part progressivement et de façon étalée entre deux récoltes. » Rajoutons de 2 000 à 5 000 tonnes de commerce qu’il achète et revend. « C’est très variable d’une année sur l ’autre. Mais ça nous permet d’accroître notre rentabilité et faire tourner nos machines plus longtemps. »
Alors qu’il termine ses études en 2010, Anthony, âgé de 22 ans, décide de reprendre l’activité paille de son grand-père, établie en 1983. « Il y a eu une coupure dans les générations. J’ai pris directement la suite de mon grand- père à sa retraite », commente-t-il. De son côté, Philippe s’avoue bien occupé. « Je n’avais pas trouvé opportun de m’installer sur cette activité pour seulement dix ans, alors que mon f ils terminait ses études. Je dois déjà gérer, en plus de l ’exploitation et de l ’élevage principal à Ossey- les-Trois-Maisons (Aube), avec 170 vaches allaitantes (500 têtes avec les veaux) et une seconde exploitation, celle de ma femme située à Chaource, à 60 km plus au sud. » Celle-ci est surtout orientée élevage, avec une cinquan- taine d’hectares d’herbe. « Entre la ferme et les terres les plus éloignées, on a tout juste 100 kilomètres » souligne Philippe. « Il nous arrive de faire les deux extrêmes dans la journée, même si c’est rare. » S’est greffé, en 1995, un atelier pommes de terre de consommation, géré en partie par l’entreprise qui plante et récolte. De quoi occuper père et fils sans relâche. « Avec la paille, mon téléphone peut sonner 24 heures/24 », indique Anthony.
L’entreprise Picavet Paille Fourrage est attenante à l’ex- ploitation familiale, ce qui autorise de belles synergies matérielles, mais également en termes d’activité. « L’été, nous ne gérons pas notre moisson afin de nous consacrer pleinement à la paille. Nous employons alors neuf saisonniers et nos clients s’occupent du transport », commente Anthony. « Nous n’en avons plus qu’un camion aujourd’hui, contre trois auparavant. Notre seul salarié à plein temps se charge de rapatrier la paille jusqu’à Ossey, car ici nous avons un pont-bascule, une aire de chargement pour camions bâchés et un service de facturation. Et plutôt que de partir une journée pour livrer seulement 20 tonnes de paille, notre chauffeur ramène 60 tonnes de paille chaque jour. Le coût de mon chauffeur et de mon matériel de transport est donc divisé par trois. »
« J’ai trois presses, toutes au format de 120 x 90 cm. La première, une Krone HDP I avec barre de coupe Xcut, est compacte et polyvalente. Elle nous permet d’intervenir dans les petites parcelles mais surtout, c’est la seule qui nous permet de descendre dans les coteaux du Pays d’Othe » sourient les Picavet, qui ont six poulaillers à fournir. Quant à la Big Pack HDP II, elle entamera sa quatrième campagne en 2019. « C’est grâce à elle que nous avons vraiment gagné en débit. D’ailleurs, nous remplaçons cette année la Fendt 1290 SXD “classique” par la nouvelle Fendt Squadra. Nous aurons ainsi deux machines à très haut débit, capables de faire 100 ballots par heure, et une machine plus à l’aise dans les fortes pentes. »
« Nous avons choisi la 8 noueurs pour gagner en débit », explique Anthony, lorsqu’est évoquée la densité théorique de sa HDP II. « Si vous prenez un 400 chevaux, vous roulerez à 7-8 km/h et ferez 60 balles à l’ heure. Là c’est sûr, vous ferez des “parpaings” de 500 kg, le serrage et la densité étant liés à la vitesse d’avancement. La HDP II est parfaitement capable de serrer ainsi, mais ce n’est pas notre but, et c’est d’ailleurs pour ça que nous avions saisi l’opportunité de l’atteler à un Fendt 1050. Avec 517 chevaux, nous avancions plus vite à une moyenne de 450 kg. C’ était notre objectif. Et on sait tous que l’ été c’est la course. Une fois la moisson terminée, entre les épandages de compost, les semis de couverts et la réglementation qui l’accompagne et de plus en plus, les vacances, nous ne pouvons plus laisser la paille dix jours aux champs. »
« Aujourd’hui, il est difficile de compresser nos prix, d’autant plus le prix de la paille fluctue en fonction des volumes et de la qualité, qui dépend principalement de la météo. Les marges de manœuvre sont assez limitées, constate Anthony. Entre l’aug- mentation du prix de la paille que nous achetons à l’agriculteur, le coût des assurances, les entretiens full-service des machines, le carburant ou ne serait-ce un simple contrôle d’extincteur (nous en avons systématiquement un par machine), tout cela mis bout à bout représente un investissement conséquent. »
Enfin, s’il travaille principalement à 20 km autour d’Ossey-les-Trois-Maisons, Anthony Picavet mise également sur la précocité des cultures pour étaler sa période de travail et limiter les risques d’immobilisation en cas d’intempéries. « On commence la récolte par la vallée de la Seine, plus précoce et on termine en Brie. »