On connaissait l’histoire d’immatriculations de tracteurs usurpées donnant lieu à des PV en plein Paris. Cette fois, c’est bien plus grave : un vol a été commis en Espagne et un agriculteur ardéchois, pourtant pas sorti de chez lui, est condamné. Dans l’indifférence quasi générale, et avec très peu de soutien.
« C’est peut-être parce que je ne suis qu’un petit agriculteur de l’Ardèche que personne ne se bouge« . Jean-Paul Habauzit, éleveur laitier (une trentaine de bêtes, montbéliardes et abondances) à Issarlès, exprime à la fois colère, crainte et amertume.
Son aventure est peu banale. Elle commence comme un gag, dont on a connu de multiples exemples ces dernières années : la plaque d’immatriculation de son tracteur est usurpée. Sauf que, en l’occurrence, on ne lui demande pas de payer un PV en plein Paris comme c’est arrivé à d’autres… Mais il est accusé de vol de carburant, puis condamné par un tribunal espagnol !
Jean-Paul Habauzit raconte son histoire en détails à WikiAgri : « Le 1er juillet 2013, j’ai reçu une lettre d’Espagne, m’informant que j’étais convoqué au tribunal de Irun (Ndlr : pays Basque espagnol, de l’autre côté de la frontière par rapport à Saint-Jean-de-Luz ou Hendaye), en raison d’un vol de carburant ayant eu lieu dans cette ville le 9 novembre 2012. A ce moment-là, je n’en savais pas plus. J’ai contacté le consulat d’Espagne à Lyon, celui de France à Madrid, ils m’ont conseillé de prendre un avocat en Espagne. Etant donnés les prix pratiqués, je ne l’ai pas fait. Et je ne suis pas rendu non plus à la convocation au tribunal d’Irun le 9 octobre 2013, c’est à 700 kilomètres de chez moi. Mais j’avais tout de même envoyé une lettre au tribunal d’Irun avec une attestation du maire de ma commune, disant que je ne l’avais pas quittée le jour du vol. J’ai également contacté ma gendarmerie entre-temps, et j’ai ainsi pu avoir les coordonnées de la station service qui avait subi le vol de carburant dont on m’accusait. J’ai essayé de la joindre, mais les responsables de la station ont refusé de m’en dire davantage. Ma gendarmerie a elle joint le CCPD de Hendaye, le centre de coopération policière et douanière. Cet organisme a mené son enquête et a su les circonstances du vol dont on m’accuse : une Peugeot 407 immatriculée comme mon tracteur, à savoir BB215BG, n’a pas payé son plein d’essence. J’ai donc envoyé de nouveaux courriers au tribunal d’Irun expliquant que j’avais un tracteur et non une Peugeot 407, et que j’étais donc victime d’une usurpation de plaque d’immatriculation.«
Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Jean-Paul Habauzit reprend : « Le 12 novembre 2013, j’ai reçu par courrier le résultat du jugement. Avec une condamnation à 232 € d’amende. Malgré toutes les informations données prouvant que je ne suis pas impliqué dans ce vol, j’ai donc été condamné ! Evidemment, j’ai refusé de payer. Le 6 février 2014, nouveau courrier du tribunal d’Irun m’enjoignant de payer sous peine de poursuites. Alors je me suis défendu. J’ai porté plainte de mon côté pour usurpation de plaque d’immatriculation. J’ai contacté le Défenseur des Droits. Au mois d’avril, j’ai alerté la presse. J’ai écrit au préfet, qui a alerté le consul d’Espagne à Lyon. J’ai rencontré le député de ma circonscription, qui a alerté le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius… Mais rien n’a bougé !«
La suite est plus récente… Et devient franchement inquiétante : « Ce 24 juillet 2014, j’ai reçu une nouvelle convocation du tribunal d’Irun, pour le 12 août, avec cette fois le risque d’être condamné à 15 jours de prison. Je n’ai toujours pas pris d’avocat, je n’y suis pas allé, j’attends la suite. Mais je suis inquiet…«
Aujourd’hui, Jean-Paul Habauzit fait les comptes. Il a remué ciel et terre, envoyé moult courriers recommandés avec accusés de réception, a pris du temps à la Poste donc et en différents rendez-vous, a eu des frais… Et n’est toujours pas innocenté !
« Il y a quelque chose qui ne va pas dans notre pays, constate-t-il. La plainte que j’ai déposée n’a toujours pas été suivie de la moindre enquête lancée par le procureur de la République. Notre pays se manifeste tous les jours pour défendre des citoyens à l’étranger, mais ne fait rien pour les siens. Laurent Fabius a été alerté, il n’a même pas répondu. Et moi, si ça continue, je vais me faire arrêter un jour chez moi, uniquement pour avoir refusé de payer une amende qui ne m’incombait en rien. Seulement voilà, un petit agriculteur de l’Ardèche, ça n’intéresse personne…«
Il pose des questions plus précises sur le fonctionnement de nos institutions : « Pourquoi le procureur de la République ne donne-t-il aucune suite à ma plainte pour usurpation de plaque ? Pourquoi ne demande-t-il pas une enquête en Espagne ? Les services du défenseur des droits ont accusé réception de ma demande, depuis plus rien. Pourquoi ?«
Il est clair qu’à la base, l’erreur vient d’Irun et de son tribunal. Mais derrière, toute la chaine de nos recours français est à remettre en cause. Vous avez dit inquiétant ? On peut qualifier cette histoire d’insolite, ubuesque, incroyable… Mais aussi de gravissime, quant au fonctionnement de nos institutions.
En savoir plus : http://www.ledauphine.com/ardeche/2014/08/20/un-agriculteur-ardechois-toujours-poursuivi-par-la-justice-espagnole (article paru sur le sujet dans le Dauphiné) ; http://videos.tf1.fr/jt-13h/2014/le-13-heures-du-22-aout-2014-8468166.html (sur TF1, Jean-Pierre Pernaud a ouvert son 13 heures avec un sujet sur la mésaventure de Jean-Paul Habauzit).
Les deux photos ci-dessous nous ont été fournies par Jean-Paul Habauzit et montrent son tracteur, à la plaque d’immatriculation incriminée.
Les deux illustrations ci-dessous sont des copies d’écran du sujet diffusé sur le journal de 13 heures sur TF1 ce vendredi 22 août 2014.
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Avec un tracteur, on peut encore « essayer » de se défendre mais avec une voiture, impossible. Cela devient un véritable fléau, ces vols de plaques. J’espère que votre problème se résoudra sans trop de dommages. Courage. Françoise