Nous avons tous regardé d’un œil distrait les comptes rendus amusés des JT à l’égard du premier steak synthétique, issu de la culture de cellules souches auxquelles on a demandé de faire du muscle. Science spectacle, malbouffe voire « Frankenfood »… Il est évident que le monde n’est pas prêt pour que l’idée dépasse la paillasse de chercheurs en mal de financements pour effectuer des recherches plus sérieuses. Et pourtant…
Etant journaliste, mais aussi (et surtout) producteur de spiruline à mes heures perdues, je suis habitué à produire de la protéine au rythme de la division cellulaire. Un rythme exponentiel qui prend tout son sens dans le « produire plus », le défi démographique et la préservation de l’environnement. Faut-il donc balayer cette bizarrerie qu’est la viande qui pousse toute seule (ou presque!) ? Pour l’heure, à n’en point douter. Mais tout comme la sélection variétale et la protection des cultures ont permis d’augmenter les taux de protéines, la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire sur la planète, n’y a-t-il pas dans le fait de sélectionner le type de cellule à cultiver plutôt que l’organisme entier les germes de la prochaine révolution alimentaire ?
Certes la notion de terroir en prend un sacré coup. Celle de paysannerie est définitivement balayée au rayon des anachronismes, mais cette barbaque in vitro n’apparait-elle pas comme la suite logique de la révolution verte ? Il restera forcément une place pour le marché de niche que représenterait l’élevage de quadrupèdes vivants mangeant de vrais végétaux entre deux meuglements. La coexistence entre différents labels a montré que la segmentation entre modes de production était possible et profitable à tous. Toute la question est de savoir quelle segmentation et de chercher à éviter un nivellement par le bas au nom du défi alimentaire.
Avec un peu de recul, cette annonce « marketing » de chercheurs travaillant sur les cellules souche semble tellement logique, dans le sens de l’histoire, qu’il serait dangereux de ne pas réfléchir à la manière dont les agriculteurs peuvent s’approprier le changement au lieu de le balayer avec un sourire condescendant : les céréaliers dépendent des éleveurs, et les éleveurs seront, un jour face à la viande de synthèse. Sans parler d’annonces « marketing » à venir touchant directement aux productions végétales… L’industrie se prépare aux nano-technologies, à quoi l’agriculture doit-elle se préparer ?
Bref, comment voyez-vous le métier de vos petits enfants ?