Alors que l’Union européenne et les Etats-Unis ont privilégié les aides découplées pour soutenir leur agriculture, de très nombreux pays privilégient le soutien par les prix…quand ils ne les taxent pas. Les prix des produits payés aux agriculteurs de ces pays sont alors supérieurs ou inférieurs aux prix du marché. Ce qui n’empêche pas les gouvernements de ces mêmes pays de verser des aides couplées ou découplées.
Une partie du dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) intitulé « Politiques agricoles : suivi et évaluation » dresse un inventaire des politiques agricoles conduites par 54 pays. Il s’agit des pays membres de l’OCDE et de onze pays émergents.
La majorité des fonds publics (332 milliards d’euros – Mds d’€ – sur 406 Mds d’€) dédiés à leur agriculture est allouée pour payer, plus chers que le marché, certains produits agricoles afin d’accroître le pouvoir d’achat des paysans.
Mais certaines matières premières agricoles sont aussi taxées (220 Mds d’€) pour permettre à une large partie de la population d’y avoir accès à des prix inférieurs à ceux en vigueur sur les marchés.
Le riz en tête au sein de l’OCDE
Parmi les pays de l’OCDE, le riz est le produit le plus soutenu par les prix. Le prix auquel est payée la céréale est supérieur de 45 % à celui du marché. Autrement dit, le taux de soutien des prix du marché (SPM) est de +45 %. Parmi les pays membres de l’OCDE, le Japon préserve sa production de riz en fixant des prix de la céréale totalement déconnectés du marché mondial.
Le sucre (SPM égal +25 %) et l’huile de tournesol (+16,5%) sont les deux autres produits en tête.
Pays émergents
Le SPM d’un produit est parfois positif dans un pays et négatif dans un autre. Le blé est un cas d’école: au sein de l’OCDE, le SPM est de +0,8% en moyenne et de – 4,8 % parmi les onze pays émergents (la céréale est payée aux paysans à un prix inférieur à celui du marché).
En fait, la politique de soutien par les prix des pays émergents est très disparate. Le produit le plus soutenu par les prix est le maïs (+19,7 %) suivi du sucre (+15,4 %). Mais les pays émergents taxent fortement le lait (- 29,5 %) et les céréales à paille (de – 5 % pour le blé à – 30 % pour l’avoine). Autrement dit, les prix payés aux producteurs sont inférieurs aux prix du marché.
L’Argentine, l’Inde et le Vietnam taxent la plupart de leurs produits à la production pour alimenter le budget national.
Comparaison entre les 54 pays
Le sucre est le produit phare des 54 pays étudiés dans le rapport de l’OCDE (taux de soutien moyen de +24 %) et le lait est le produit le plus taxé (- 11 %).
L’ensemble des céréales à paille sont taxées (jusqu’à -4 % pour l’avoine) mais la production de maïs est fortement soutenue (+ 19 %). Ce n’est pas par hasard si cette céréale surplombe les autres productions de grains : jusqu’à 1,20 milliard de tonnes seront récoltées au cours la campagne actuelle 2023-2024 contre 784 Mt pour le blé.
L’OCDE dénonce l’ensemble des politiques agricoles assises qui soutiennent la production agricole par des aides directes ou indirectes la production. « Lorsqu’elles représentent la plus grande part du soutien global aux producteurs, elles encouragent la production, l’utilisation d’intrants, l’allocation de terres aux cultures soutenues et l’entrée de terres dans le secteur agricole, affirment les auteurs du dernier rapport ‘’Politiques agricoles : suivi et évaluation’’. Tout cela peut réduire la capacité de l’agriculture à s’adapter au changement climatique ».
Une transition pour tendre vers un modèle libéral
Pour l’organisation, seules des politiques agricoles libérales rendront l’agriculture mondiale moins émettrice de gaz à effet de serre. L’Organisation encourage l’essor des payements pour services éco-systémiques totalement découplés de la production agricole ou l’allocation d’aides à l’investissement pour rendre l’agriculture plus sobre en énergies fossiles.
Actuellement, les pays de l’OCDE versent 234 milliards d’euros (Mds d’€) par an sous forme de soutiens aux producteurs à titre individuel (aides directes, indirectes, subventions, soutien par les prix). Ces soutiens ont représenté 15,2 % des recettes agricoles brutes en 2020-22 (environ 1550 Mds d’€).
Dans l’ensemble, le soutien net par les prix est nul car les pays qui pratiquent cette politique consacrent autant de crédits (75 Mds d’€ environ) que ceux qui taxent une partie des prix des produits mis en vente.
Parmi les pays émergents, tous soutiens confondus (aides directes et indirectes), le soutien net aux producteurs des s’est élevé près de 200 Mds d’€. Il équivaut à 7,1 % des recettes agricoles brutes (3 150 Mds d’€ environ), contre 3,9 % en 2000-02.
Les 273 Mds d’€ dépensés pour augmenter les prix payés aux paysans (maïs, sucre) sont en partie compensés par les 235 Mds d’€ de taxes collectées sur d’autres matières premières.
L’ensemble des 54 pays étudiés par l’OCDE dépensent 350 Mds d’€ environ pour soutenir les prix payés aux producteurs et collectent 230 Mds de taxes environ.
Au cours de la période 2020-22, le soutien global net aux producteurs des 54 pays a représenté 9,8 % des recettes agricoles brutes en moyenne (4 900 milliards d’euros). Mais il est quasiment nul en Ukraine, il est égal à 16,5 % en Union européenne et il atteint encore 51 % en Norvège.