Emmanuelle et François Belloir ont rejoint l’entreprise début 2021. © TL
La création d’un outil industriel de tri du grain bio dans son secteur à donner la possibilité à l’ETA Agri-Travaux 53 de diversifier ses activités. À l’image de la culture du tournesol, l’entreprise s’est peu à peu équipée pour répondre aux besoins spécifiques en matériel de l’agriculture biologique.
Lors de sa création en 1991, l’ETA Agri-Travaux 53 n’avait pas une vocation particulière pour le tournesol et certainement pas en bio. Depuis le début des années 2000, Jacques Belloir, qui dirigeait alors seul l’entreprise mayennaise, s’était tourné vers la récolte de la luzerne afin d’alimenter l’usine Deshyouest dans le département voisin de l’Ille-et-Vilaine. C’est une initiative locale dans le courant des années 2010 qui va donner une nouvelle dynamique à l’ETA. « Vincent Seyeux, un agriculteur du secteur qui avait pour ambition de monter une usine de triage de grain bio, est venu nous voir car il cherchait un prestataire pour cultiver des parcelles à façon dans le cadre de son projet » se souvient François Belloir, qui, avec sa sœur Emmanuelle, a rejoint son père à la tête de l’entreprise début 2021. Ce nouveau partenariat, débuté en 2016 avec l’entreprise de triage de grain, dénommée Agro-Logic, a permis à l’ETA de se diversifier dans des cultures moins courantes : quinoa, sarrasin, lentille, pois-chiche, courge à graine et bien sûr tournesol, font maintenant parties des compétences d’Agri-Travaux 53. « Cette année, nous avons implanté 120 ha de tournesol, et nous en avons récolté 60 ha. L’année précédente, nous n’avons eu aucune demande. C’est une culture qui fluctue selon les années » remarque Emmanuelle Belloir.
Une relation particulière
Si l’ETA réalise le travail à façon de plusieurs dizaines d’hectares de tournesol bio pour approvisionner Agro-Logic, c’est bien l’entreprise de tri de graine qui élabore l’itinéraire technique de la culture. En conséquence, Jacques, François et Emmanuelle n’ont qu’un interlocuteur pour l’ensemble des interventions sur les surfaces concernées. Il s’agit de l’agronome d’Agro-Logic, Alain Candelle. « Pour nous, c’est beaucoup plus simple d’échanger avec une seule personne pour réaliser les plannings plutôt qu’avec l’ensemble des propriétaires fonciers tout au long de la campagne » avoue François Belloir.
C’est donc Alain Candelle qui transmet à l’ETA les interventions nécessaires pour la culture du tournesol bio, suite à ses visites dans les champs. « Nous savons que nous pouvons nous appuyer sur l’équipement d’Agri-Travaux 53. C’est un vrai confort » souligne l’agronome.
Pour le tournesol bio, il détaille son approche. « Si la parcelle est couverte avec un engrais vert, il faut le broyer début mars et laisser le mulch agir trois semaines sur le sol. Ensuite, si le sol est sec, un passage d’outil à dent sur 20 à 25 cm permet de le laisser respirer. Par contre, s’il est humide, je préconise d’ouvrir progressivement le sol à partir des couches supérieures vers le bas » détaille-t-il. Pour répondre à ces deux situations, l’ETA peut s’appuyer sur un déchaumeur à dent Carré et un Craker alpego. « Nous avons aussi un rouleau à disque Franquet qui fait du bon travail. Il permet de mieux niveler le sol qu’un décompacteur » relève François Belloir. Côté labour, Alain Candelle explique ne pas toujours demander cette prestation à Agri-Travaux 53 avant un tournesol. « Cela dépend de l’état de salissement de la parcelle. Mais qu’elle soit labourée ou non, il faut ensuite affiner le sol avec des passages successifs de travail du sol » précise-t-il. Une méthode qui permet de réaliser des faux-semis nécessaires en bio pour maîtriser l’enherbement de la parcelle.
Un semoir 7 rangs
Pour l’implantation des tournesols, Agri-Travaux 53 utilise un semoir Monosem en 7 rangs équipé avec un écartement de 60 cm. « C’est un semoir que nous dédions uniquement au tournesol et nous en avons un autre pour le maïs. Les semis s’étendent entre le 15 avril et le 20 mai. C’est une période où nous n’aurions pas le temps de re-régler l’écartement pour chaque culture si nous n’avions qu’un seul semoir » justifie François Belloir. De la même manière, l’ETA compte 20 tracteurs dans son parc matériel, dont trois équipés en roues étroites pour les semis. « La plupart du temps, cela représente un parc trop important, mais au pic d’activité au printemps, il nous en faudrait presque un de plus » constate Emmanuelle Belloir.
Agro-Logic demande un semis assez dense à 65 000 graines/ha. Alain Candelle explique que cela permet de compenser les pertes engendrées par le désherbage mécanique tout au long de la culture. La première des interventions prend place juste avant la levée des tournesols. « Il faut réaliser un passage de herse étrille de manière très précise quand les tout premiers cotylédons pointent, en laissant le maximum de temps aux adventices pour germer. Si les tournesols sont sortis, c’est trop tard, la culture va être abîmée » précise l’agronome. Pour répondre à ces prestations minutées, Agri-Travaux 53 s’est équipé d’une herse étrille de 12 m de marque Grégoire Agri qui lui assure un débit de chantier important. « En raison d’un timing serré, ce sont des prestations un peu compliquées à réaliser. Mais nous nous adaptons et nous nous débrouillons toujours pour trouver le matériel et le conducteur de tracteur lorsque c’est nécessaire » assure le jeune dirigeant de l’entreprise mayennaise.
Le binage, indispensable en bio, mais aussi demandé par les clients conventionnels, est réalisé avec une bineuse Monosem également en 7 rangs. « C’est un outil que nous avons acheté d’occasion et sur lequel nous avons adapté le système de guidage par caméra Préci-cam du constructeur Carré » indique l’entrepreneur. Lorsque les conditions le permettent, Alain Candelle demande deux passages de binage sur le tournesol. Une configuration qui a pu être réalisée cette année. « Le premier passage lorsque la culture est encore peu développée doit se faire à vitesse réduite avec des disques cache-plant. À l’inverse, le second passage à quatre feuilles doit être plus rapide, car il permet de projeter de la terre au pied du tournesol » détaille-t-il.
Investir spécifiquement pour la récolte
Pour compléter son offre en tournesol, l’ETA Agri-Travaux 53 s’est équipée d’une barre de coupe spécifique Aktürk avec broyeur. « C’est un équipement qui limite un peu le débit de chantier, mais derrière les parcelles sont vraiment très propres » se félicite François Belloir. Il explique que le choix s’est porté sur un matériel spécifique tournesol plutôt que sur des becs cueilleurs classiques qui auraient ensuite étaient modifiés pour correspondre aux tournesols. « Nous savons que si demain l’engouement pour le tournesol retombe dans notre secteur, nous pouvons facilement revendre le matériel. Ça aurait été plus compliqué avec un outil modifié » analyse l’entrepreneur.
François Belloir, Emmanuelle Belloir, sa fille et toute l’équipe Agri-Travaux 53 © TL
Une ETA qui a grandi avec la luzerne
Pendant longtemps, l’ETA Agri-Travaux 53 a réalisé plus de 50% de son chiffre d’affaires avec la récolte de luzerne à destination de l’usine Déshyouest. « Nous en faisons toujours aujourd’hui, mais c’est une part moins importante de notre chiffre d’affaires » lance Emmanuelle Belloir. L’entreprise se cantonne maintenant à la fauche et à l’andainage. Elle n’ensile plus la luzerne. « Nous étions montés jusqu’à 8 ensileuses contre 4 aujourd’hui. C’est une activité qui a permis à l’entreprise de grandir pour en arriver là où nous en sommes avec la troisième génération » relève François Belloir.
L’ETA Agri-Travaux 53 en chiffre
– 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires
– 3 gérants : Jacques, François et Emmanuelle Belloir
– 8 conducteurs d’engins à l’année + 7 saisonniers en pic d’activité
– 20 tracteurs, en majorité de marque Fendt
– 8 moissonneuses-batteuses et 4 ensileuses
Du grain bio et sans-gluten
Si le quinoa est la culture qui a servi d’étincelle à la création de l’entreprise Agri-Logic, la gamme s’est depuis enrichie de lentilles, pois chiches, graines de courges, chia, tournesol, colza, cameline ou encore houblon rapporte un article dans la presse régionale. Autant de cultures biologiques qui permettent aux 70 agriculteurs avec qui travaillent l’entreprise de diversifier leur rotation. Agro-Logic décortique, tri, sèche et ensache ces différentes cultures. Elles proposent ainsi une gamme bio et sans gluten à ses clients.
Timothée Legrand