Les techniques de semis de précision avec systèmes électroniques embarqués sont mises à profit par certaines ETA pour partager de la valeur avec les agriculteurs en s’appuyant sur l’intérêt agronomique autour de la réussite de l’ensilage. Décryptage avec l’ETA Guillon Barbot et la société Opticultures.
Utiliser les technologies d’électronique embarquée pour apporter plus de professionnalisme, d’agronomie et de zootechnie par le semis en culture de maïs fourrage dans un secteur d’élevage laitier du Grand-Ouest. C’est le pari que font plusieurs entrepreneurs de travaux agricoles de ce secteur. S’inspirant des techniques de pointe de production de maïs grain en France et ailleurs dans le monde – notamment aux États-Unis – ils s’attachent à en appliquer la même rigueur au service non seulement du rendement des cultures d’ensilage, mais également de sa qualité. Ils combinent ainsi l’approche agronomique avec une approche fine de l’alimentation animale. C’est dans cette logique que les dirigeants de l’ETA Guillon-Barbot située à Vitré près de Rennes en Ille-et-Vilaine (35), se sont équipés en 2019 d’un semoir neuf doté des éléments semeurs de « Precision Planting ». Un investissement réalisé en étroite collaboration avec la société de services Opticultures basée dans le Morbihan. Cette société a notamment pour rôle, le déploiement du service de diagnostic des sols « Soyl » et l’édition, entre autres, des cartographies de préconisation de modulation de semis et du conseil agronomique.
« La réflexion autour de cet équipement est née au départ du besoin de disposer d’un semoir monograine supplémentaire pour l’entreprise, retrace Jérôme Guillon de l’ETA Guillon-Barbot. Nous voulions en profiter pour déplafonner nos chantiers de semis de maïs avec herse rotative où les débits restent faibles à environ 1,5 à 2.5 ha/heure. En effet, la date de semis du maïs est à notre sens l’un des principaux leviers pour améliorer le rendement, la santé et la qualité de la culture de maïs. Cela induit un certain temps d’attente avant de pouvoir intervenir. Ensuite, les fenêtres météorologiques sont très courtes ». Ce besoin de gagner en débit tout en préservant la qualité a poussé les entrepreneurs à s’intéresser notamment aux pratiques des maïsiculteurs américains qui n’utilisent pas la herse rotative pour préparer le sol, mais plutôt des outils combinés à dents ou à disques. « En outre, nous avions besoin d’un semoir capable de moduler de façon automatique le contact entre la terre et la graine, explique Jérôme Guillon. Si nous appliquons trop de pression en terre argileuse, il se crée un ciment entre la terre et la graine qui pénalise la levée. En revanche, en terrains sableux, une pression plus importante mérite d’être appliquée pour assurer un contact terre-graine suffisant ». Toutes ces contraintes ont ainsi convergé vers le choix de l’équipement actuel qui assure par exemple de pouvoir travailler avec une pression sur l’élément semeur entre + 300 kg et – 300 kg. L’ETA qui combine le passage du semoir avec des outils à dents et à disques, annonce des débits de chantier de l’ordre de 4-5 ha/h. « La distribution de semence placée à 50 cm du sol est également capable de gérer l’hétérogénéité des poids de graines en respectant scrupuleusement la consigne de distance entre graines. Ceci grâce à une distribution mécanique avec courroie. C’était un autre point clé pour nous », ajoute l’entrepreneur.
Avec ce matériel, les gérants proposent à leurs clients la modulation des doses de semis du maïs en partenariat avec le service Soyl déployé par Opticultures. Une carte de conductivité des sols, couplée avec des observations, des profils de sols et des analyses, permet d’estimer la réserve hydrique des sols. « Nous proposons ainsi de moduler les doses de maïs pour accroître la densité dans les zones à forte réserve en eau et inversement, détaille Vianney Guillas, ingénieur technique d’Opticultures. Les années très humides, les différences de rendement entre zones sont assez peu perceptibles, en revanche les années sèches montrent des différences notables de 10-15% de rendement en plus sur les chantiers ainsi modulés. Tout dépend aussi des variétés de maïs utilisées. Parmi nos clients Precision Planting, nous comptons aujourd’hui beaucoup d’ETA. Il y a des synergies fortes entre le service de cartographie et le semis en prestation de service. En outre, c’est un élément de différenciation important pour une entreprise que de pouvoir proposer la prestation de A à Z en incluant le conseil ». En outre, les ETA semblent avoir aucun mal à déployer cette technologie. « Pour démarrer un chantier de modulation, aujourd’hui les compétences sont déjà présentes dans les ETA avec la démocratisation des techniques de guidage. Il faut parfois simplement vérifier que les licences sont bien en places dans les GPS ». Opticultures propose également aux entrepreneurs de rééquiper leur matériel en remplaçant les composants techniques du semoir actuels par des nouvelles technologies. « La vraie valeur d’un semoir, ce n’est pas qu’il soit neuf, insiste l’ingénieur d’Opticultures. Sa vraie valeur, réside dans la qualité finale du semis et le débit de chantier ».
Bien évidemment, au sein de l’ETA Guillon-Barbot, le semis de précision profite de la distribution électrique des éléments semeurs pour intégrer également la technologie de coupure de rangs afin d’éviter les doubles passages. « Avec notre méthode de semis, nous constatons des levées plus homogènes, un très bon enracinement et un diamètre des troncs également supérieur de quelques millimètres en moyenne, se félicite Jérôme Guillon. Nous atteignons des taux de levée de 98%, à comparer à un taux de levée de 90-95% en semis classique. Cela participe aux économies de semences pour l’agriculteur et au gain de rendement avec moins de manques et de doubles sur les rangs. Pour nos clients, le surcoût de la prestation est largement couvert par les économies de semences et/ou les gains de rendements ». « Le semis a une incidence absolument majeure sur la qualité et le rendement car il joue sur les levées, l’enracinement, les doubles et les manques, le port des plantes, leur nutrition… Un manque de graine, c’est 80% de perte en production tandis qu’un double, représente 50% de perte, complète Vianney Guillas. Aujourd’hui, nous sommes persuadés qu’il y a un grand intérêt à apporter beaucoup plus de technicité dans la culture du maïs fourrages et de l’intérêt à y mettre au moins autant d’intelligence en matière agronomique que pour un maïs grain destiné à la vente ». Il y a tout un travail de pédagogie à réaliser auprès des éleveurs en vue d’effectuer un travail sur la qualité de leurs parcelles de maïs et ne pas simplement se focaliser sur la quantité de matières sèches à l’hectare. « Aujourd’hui, nous pouvons également mesurer lors de la récolte non seulement les rendements, mais également les valeurs alimentaires du maïs aux différents points de la parcelle grâce à des capteurs sur l’ensileuse, ajoute l’ingénieur. Cela nous permet de refaire des liens avec le sol et de piloter la fertilisation et les pratiques pour optimiser et corriger la nutrition de la plante. On peut retrouver du potentiel et de la qualité exactement là où il y a des carences et ne pas surinvestir dans les autres zones ».
Jérôme Guillon confirme tout l’intérêt en élevage : « le rendement du maïs fourrage a tendance aussi à diluer et à dégrader les valeurs comme la MAT (matière azotée totale). Pour schématiser, on s’assure d’avoir beaucoup à manger, mais c’est un aliment qui encombre la panse des vaches. La production de lait plafonne, car le volume de la panse est limitant avec un fourrage encombrant. Voilà tout l’intérêt de mieux piloter les maïs, notamment pour améliorer ceux à forts potentiels de rendement. Cela se fait par le semis et par le pilotage de la fertilisation. Il y a tout un accompagnement à mettre en place à côté de cela avec des couverts végétaux par exemple ou l’analyse des reliquats. Cette vision n’est encore pas trop démocratisée chez les éleveurs. Pourtant, il y a beaucoup à y gagner. J’ai un client qui avait besoin de 18 ha de maïs ensilage pour son troupeau lors de la reprise de sa ferme. Aujourd’hui, ce client a réduit ses besoins à 11 ha d’ensilage pour le même troupeau. Il se dégage des hectares pour du maïs épi et du maïs ammoniaqué avec quelques hectares pour la vente en grain les bonnes années. Tout ceci grâce à une meilleure attention à ses sols, à la nutrition des cultures, à la qualité de semis et de la récolte. Ses parcelles sont également beaucoup plus résistantes à la sécheresse comme nous avons pu voir en 2022. L’avenir est de porter une plus grande attention à la nutrition végétale, aux sols et à la qualité, c’est une certitude ! ».
Le dispositif du semis de précision offre ainsi une belle porte d’entrée pour les agriculteurs vers une meilleure connaissance de leurs sols qui dépasse largement la seule culture du maïs. « Les analyses réalisées dans le dispositif sont valables pour plusieurs années, confirme Vianney Guillas. Cela intéresse des clientèles d’agriculteurs très diverses, notamment des jeunes qui veulent démarrer d’entrée leur carrière sur de bonnes bases par exemple. En outre, le potentiel de l’agriculture de précision se développe au-delà de la pratique du semis. Avec une meilleure connaissance des sols, certains réalisent déjà la modulation des applications d’antilimaces. Ceci n’est qu’un début. De multiples applications sont encore attendues pour les années à venir ».