Pour profiter des orages de la fin août et lutter contre la grosse altise, Alexandre Fricaud a systématisé le semis de colza au 15 août. Avec quatre ans de recul, il ne regrette pas son choix. Il relève maintenant le défi d’implanter son colza en semis direct.
Dans le nord de la Loire-Atlantique, sur la commune de Saint-Vincent des Landes, Alexandre Fricaud cultive 30 ha de colza. Face à l’épineuse question de la date de semis de cette culture, le jeune agriculteur a tranché : « depuis 4 ans, je sème systématiquement mon colza autour du 15 août quelles que soient les conditions. L’objectif est de profiter des orages que nous avons généralement vers le 20 août » explique-t-il. Une approche que confirme Bénédicte Bazantay, référente colza à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. « Statistiquement, il y a toujours des pluies autour du 20 août. Cette année, ceux qui ont raté ce tour d’eau n’ont pas eu de précipitations après et certaines parcelles ont dû être retournées » relève-t-elle.
Pour l’instant, cette méthode a toujours porté ses fruits chez Alexandre Fricaud. Le ligérien observe généralement des colzas en pesée entrée d’hiver entre 3 kg et 3,5 kg/m² et n’a jamais dû retourner de parcelle pour cause de mauvaise levée de la culture. « J’ai des rendements moyens autour de 35q/ha depuis que j’implante la culture mi-août » ajoute-t-il. L’exploitant précise qu’il roule le colza après le semis. Ce passage permet d’une part d’optimiser le contact graine/sol dans un contexte souvent très sec, mais également de faciliter la récolte. « J’apporte du digestat de méthanisation industrielle avec une composition 7/2/2 sur mon colza. C’est appréciable au démarrage, mais ensuite, il est très poussant. Je le régule souvent à l’automne » précise-t-il. Malgré le régulateur, certaines années le colza verse avant la récolte. En roulant la parcelle, Alexandre Fricaud se facilite le battage qu’il réalise lui-même.
Au-delà des orages de la fin du mois d’août, les semis précoces sont également encouragés par la lutte contre la grosse altise. « Depuis que je sème aux alentours du 15 août, le colza est déjà au stade 6 feuilles lorsque les premiers vols d’altises arrivent vers le 20 septembre, et je ne fais plus d’insecticide d’automne » révèlent Alexandre Fricaud. Plus que le manque d’eau, c’est bien ce ravageur qui a encouragé la précocification de l’implantation du colza. « Avant, dans le secteur les semis se faisaient plutôt fin août/début septembre. Mais avec l’arrivée des résistances aux insecticides et le manque de solutions techniques pour gérer la grosse altise, les semis précoces sont le principal levier pour que la culture ait 6 feuilles au 15 septembre et résiste aux attaques » souligne Bénédicte Bazantay.
Concernant sa stratégie de désherbage lors de l’implantation, Alexandre Fricaud explique ne plus avoir recours aux traitements en pré-levée. « Je préfère passer au stade deux feuilles et m’adapter à la flore qui s’est développée dans la parcelle » explique-t-il. Une méthode qui lui permet de réduire son IFT et de ne cibler que les adventices présentes. « Souvent, je tape fort sur l’anti-graminée et j’associe parfois du Mozzar pour les dicotylédones lorsque c’est nécessaire, notamment lorsque je constate des problèmes de fumeterre » précise-t-il. Avec une implantation au 15 août, l’intervention en post-levée est d’autant plus intéressante que le manque d’eau confère peu d’efficacité aux traitements préalable. « L’autre inconvénient d’un traitement en pré-levée, c’est la phytotoxicité. Si la culture doit être retournée, il n’est pas possible d’implanter une céréale » souligne Bénédicte Bazantay. Dans son secteur, la pression des ray-grass résistants, en hausse dans le département, représente une entorse à ce raisonnement. « Dans les parcelles concernées, il faut traiter en pré-levée. La culture du colza représente une bonne occasion dans la rotation pour calmer la pression » ajoute la conseillère de la chambre d’agriculture régionale.
Minimiser le travail du sol
Lorsqu’il a repris la ferme, Alexandre Fricaud s’est fixé comme premier défi d’arrêter le labour. Maintenant que cet objectif est atteint, il aimerait réduire au maximum le travail du sol, voir passer en semis direct pour les cultures d’automnes. Dans ce contexte, il a été l’une des voix au sein de la Cuma de la Roche, sur la commune voisine de Lusanger, à proposer l’achat de matériel spécifique. « Ça faisait quelques années que nous étions plusieurs à vouloir nous lancer. Et à un moment, nous nous sommes dits qu’il fallait franchir le pas sinon nous n’avancerions pas » se souvient-il. Les adhérents arrêtent leur choix sur le modèle Gigante Pressure en 4 m de Maschio Gaspardo. « C’est un semoir qui nous a plu, car le système de soc associé au disque est un bon compromis entre les semoirs à dent pour lesquels nous avons trop de cailloux et les systèmes à disques qui peuvent ramener de la paille sur la ligne de semis » détaille-t-il. Le prix du Gigante est également un argument qui pèse dans la balance. « Nous ne voulions pas que le prix à l’hectare soit beaucoup plus élevé que pour une implantation avec un combiné. Nous l’avons fixé entre 25 et 30 €/ha contre 20 à 22 €/ha pour le semoir classique de la Cuma » détaille-t-il. Au-delà de l’achat, l’objectif est d’engendrer une vraie dynamique autour du semis direct. Les adhérents sont actuellement en train de créer un groupe avec la chambre d’agriculture autour du sujet, et une formation sur les bases de l’agriculture de conservation des sols est prévue prochainement avec Frédéric Thomas, lui-même agriculteur et grand spécialiste du sujet.
Jusqu’à aujourd’hui, le jeune agriculteur semait son colza avec le semoir pneumatique Lemken Solitair 8 de la Cuma. « Je l’associe avec le déchaumeur à disques indépendant Héliodor pour le semis » précise Alexandre Fricaud. Le colza est implanté entre 1,5 et 2 cm avec un écartement de 12,5 cm. L’héliodor est également utilisé pour reprendre la parcelle après la récolte de céréale et avant l’épandage de digestat qui est enfoui avec un cultivateur. L’an prochain, il aimerait tester trois modalités d’implantation du colza : directement dans les repousses de céréales, dans un couvert de sarrasin implanté après la moisson ou après un passage superficiel de déchaumeur à disques indépendants. De son côté, Bénédicte Bazantay rappelle que le colza est une culture qui nécessite un sol bien fissuré pour son implantation. « Il est nécessaire d’avoir des pivots droits de 10 cm avant l’hiver. C’est une plante feignante qui n’est pas capable de percer une légère croûte de battance » rappelle-t-elle.
Sur cette parcelle, les colzas ont des pivots bien droits.
Associer le colza
Cette année, l’agriculteur a semé les variétés Ambassador et Addition auquel il a ajouté une variété précoce. « En général, je sème à 25g/m². Cette année, au vu des conditions climatiques très sèches, j’ai fait un essai à 30g/m², mais finalement ce n’était pas nécessaire, car tout a bien levé » précise-t-il. Le ligérien sème également du sarrasin à raison de 10 kg/ha avec son colza. « Cela permet de limiter les ravageurs et notamment les limaces. Je pense par ailleurs que le blé noir a un effet allélopathique sur les repousses de céréales qui se développent moins vite » estime-t-il. À l’inverse, il a arrêté d’associer son colza avec de la féverole qui devient trop compliqué à détruire du fait des fortes gelées de plus en plus rares l’hiver dans le secteur. « J’ai aussi essayé avec du trèfle blanc, mais il a été détruit lorsque j’ai voulu désherber le colza. Mais c’est quelque chose que je voudrais réessayer avec le semis direct. Comme je suis tout seul, et l’été, je ne peux pas récolter et implanter les couverts en même temps. C’est là qu’un couvert permanent serait vraiment intéressant » souligne-t-il.
Installé depuis 2014 sur la commune de Saint Vincent des Landes, à quelques kilomètres de la Bretagne, Alexandre Fricaud gère seul ses 170 ha de culture. L’assolement se compose de 30 ha de colza, de blé, d’orge, de tournesol, de pois et de féverole d’hiver.
« Je mets également 2 à 3 ha de blé noir pour les semences des couverts de l’année suivante » précise l’agriculteur. Passé en sans-labour dès la reprise de la ferme il y a 6 ans, l’exploitant implante des couverts dès que la rotation le permet.
Si l’exploitant est unipersonnel, pour le matériel, il privilégie une stratégie collective. « J’ai le tracteur et la moissonneuse-batteuse en propre. Le reste des équipements est en Cuma » confie-t-il. Cela lui permet d’accéder à du matériel tel que le semoir de semis direct récemment acquis par les adhérents.
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