Le budget de la Politique agricole commune ne doit pas uniquement reposer sur le budget agricole européen. Puisque le périmètre d’action de la Pac et de l’agriculture européenne impacte le fonctionnement de la société dans son ensemble, le think tank AgriDées propose que la réforme de la seule politique européenne mutualisée bénéficie de nouvelles sources de financement. Elle aurait ainsi plus de moyens pour relever les défis de l’agriculture de demain.
Si l’agriculture était réellement abordée sous sa dimension multifonctionnelle, le Pac serait non seulement la politique agricole européenne des Vingt-sept mais aussi une politique de cohésion et d’aménagement des territoires, une politique de recherche, de formation, d’insertion professionnelle et d’immigration.
Le think-tank agriDées (ex-Saf Agr’iDées) apporte, sous cet angle, « une réponse au défi européen » de l’agriculture. Il propose de renforcer la seule politique mutualisée de l’Union européenne en lui associant des missions qui ne relèvent pas, jusqu’à présent, de son champ d’action, au niveau institutionnel. Alors que dans les territoires, elles sont intrinsèquement liées à l’activité agricole.
L’agriculteur ne vit pas recroquevillé dans une bulle. Il est exposé autant que le citadin aux évolutions de la société. Il doit être formé aux nouvelles technologies et il est en première ligne pour protéger l’environnement, la biodiversité. L’agriculture européenne et française est aussi confrontée au défi migratoire dont elle pourrait en faire un atout (cf encadré) pour rajeunir la population active et repeupler des villages ruraux.
Pour 2021-2027, la réforme de la Pac proposée par le think tank agrIDées dans un document de 8 pages, est évidement plus verte et mieux dotée pour couvrir les risques. Mais comment pourrait-il en être autrement ?
Or telle est présentée par la Commission européenne, le risque de délitement de la Pac est flagrant. « A trop vouloir donner suite aux demandes pressantes de subsidiarité, il y a risque de dilution, voire de dissolution de la Pac, qui ne sera plus une politique économique mais seulement un budget à dépenser au mieux dans les Etats membres », écrit agriDées dans sa note d’analyse rendue publique le 24 mai dernier.
Toutefois, « la mise en place et le développement de nouvelles politiques européennes, montrent la part que peut prendre l’agriculture dans leur mise en œuvre et leur réalisation », affirme ainsi le think tank. Aussi, la Pac ne doit pas être financée que par le budget agricole mais aussi par des budgets annexes (formation, immigration, cohésion etc.).
Dit autrement, le think tank agriDées « entend proposer une consolidation de l’aspect européen et intégrateur de la Pac » en suggérant « que des projets et actions agricoles soient insérés et éligibles dans les budgets ».
« Ainsi, la politique de cohésion pourrait financer des investissements correspondants à des projets d’infrastructures spécialement dédiées à l’agriculture et à ses filières. »
La dernière partie de la note d’analyse du think tank liste les politiques européennes où l’agriculture pourrait prendre sa part (recherche, formation, etc.).
« Dans les budgets consacrés par l’UE aux accompagnements de migrants, des fonds pourraient être consacrés à la mise en place et au financement de stocks alimentaires à partir des productions européennes et dont bénéficieraient ensuite les pays et ONG pour l’alimentation de ces populations (par exemple utilisation des stocks privés). »
L’approche « décalée » (ou novatrice) d’agriDées pour réformer la Pac aurait manqué de cohérence si le think tank n’avait pas revisité le contenu du second pilier en lui conférant des missions sur le climat et l’éducation nutritionnelle. « Il serait en effet opportun que chaque pays consacre un minimum des dotations de ses enveloppes du second pilier pour la mise en œuvre d’actions spécifiques nouvelles pour le climat. Il pourrait en être de même pour des programmes obligatoires d’éducation nutritionnelle dans les écoles, en particulier, pour prévenir de l’obésité et donner une dimension ‘‘alimentation’’ à la Pac. »
Et comme les territoires n’ont pas vocation à être continument aidés, agriDées estime que « les taux de cofinancement des mesures du second pilier doivent être modulés en fonction du niveau de développement des territoires accompagnés et réduits lorsque les objectifs fixés ont été atteints ».
Le volet budgétaire de la note d’analyse d’agriDées sur la réforme de la Pac pour 2021-2027 aurait pu, dans son document de huit pages, réviser le financement de la couverture assurancielle des risques climatiques et sanitaires.
Or la sécurité et la souveraineté alimentaire européenne relèvent des missions régaliennes de l’Union européenne et de ses Etats membres (c’est l’essence même de la Pac). Aussi, la couverture assurancielle des risques pourrait être financée par la collectivité européenne et ne plus reposer ni sur le premier pilier, ni sur le second pilier.
Invité le 14 juin 2018 à l’assemblée générale du Think tank, Maurizio Reale, président de la section « agriculture » du comité économique et social européen (Cese) suggère que l’intégration professionnelle d’une partie des réfugiés dans le monde rural soit une nouvelle mission allouée à la Pac dans les prochaines années.
Récemment de nombreuses petites villes hébergent en France des réfugiés en voie de régularisation. En grande majorité d’origine rurale, ils étaient enfants d’agriculteurs et parfois même agriculteurs, jusqu’à ce qu’ils soient obligés de fuir leur pays. Aussi, ils pourraient très bien devenir salariés agricoles et être ainsi une solution aux difficultés de recrutement des employeurs. Et il reviendrait alors à la Pac de bénéficier des crédits spécifiques du budget européen, alloués à la politique de formation, pour d’accompagner leur insertion professionnelle avec des crédits spécialement alloués.
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