La hausse des prix des céréales ne réjouit pas les éleveurs. Ils n’ont pas les moyens de compenser l’augmentation des coûts de l’alimentation animale repartis à la hausse alors que les prix à la production déclinent. Des éleveurs de bovins viande vendent précipitamment des animaux.
Acheter du fourrage ou brader des animaux. ? Les éleveurs n’en sont pas à leur première crise et redoutent le pire. Des éleveurs de bovins viande tentent de limiter leurs pertes en vendant une partie de leur cheptel prématurément. En Europe du nord, de nombreuses vaches laitières ont pris la destination de l’abattoir.
Le prix de compensation actualisé par le ministère de l’agriculture chaque mois traduit une conjoncture un peu plus détériorée chaque mois en production bovine. Cet automne le phénomène s’amplifie. Ce ne sont plus seulement les prix de vente qui se tassent, mais aussi les prix de l’alimentation qui augmentent. Et la sécheresse durant, le phénomène s’amplifie.
Aussi, les charges d’alimentation sont de moins en moins compensées par les prix de vente. Les prix des céréales qui servent à la fabrication d’aliments en forte de hausse augurent de nouvelles augmentations des prix de l’aliment et les fourrages sont amenés à manquer entrainant des ventes d’animaux mal valorisés.
N’ayant aucune visibilité sur les prochains mois, les éleveurs limitent leurs pertes en décapitalisant pour ne pas être à cours de trésorerie pour la prochaine campagne.
Depuis le début de l’été, aucune filière n’échappe à cette dégradation conjoncturelle avec une capacité de résistance à supporter ce nouveau choc très variable selon les secteurs et les exploitations.
En production porcine, le prix de l’alimentation n’est pas responsable de la dégradation des marges depuis plus d’un an. Le prix du porc a chuté jusqu’à 20 % en rythme annuel au fil des mois car les débouchés des animaux se sont restreints. Les prochaines augmentations des prix de l’alimentation vont accentuées le phénomène.
Ce sont en productions laitière et en bovins viande, que la situation est la plus mal vécue car les éleveurs n’ont pas connu une période d’accalmie pour restaurer leurs marges.
Et sur le terrain, la situation semble s’être rapidement détériorée. La détérioration de la conjoncture laisse les éleveurs livrés à eux-mêmes, sans outils pour en atténuer les effets. Sous l’emprise de la panique, la situation ne peut que s’emballer avec des marchés continument en recul et des pertes de valeur ajoutée assurées.
La loi alimentation juste votée traduit l’urgence de donner aux filières animales et à leurs éleveurs la capacité de répercuter l’évolution de leurs charges sur les prix de vente. Il reviendra aux organisations interprofessionnelles « d’élaborer et diffuser des indicateurs, qui servent d’indicateurs de référence. » Le prix de compensation pourrait en être l’un d’eux car il a le mérite de se caler à la conjoncture. La nouvelle crise sera donc un cas d’école dès que la loi sera appliquée.
Si le poste d’alimentation représente 25 % des charges, une augmentation de 4 % du prix de l’aliment doit être compensée par une hausse de 1 % du prix des carcasses (4 x 0,25 = 1).
Réciproquement, une baisse de 1 % des prix des aliments autorise une baisse des prix de vente de 0,25 % sans perte de marge.
En production porcine, les charges de l’alimentation représentent 52 % de la valeur du produit. En production laitière, le ratio est de 24,5 % et en bovins viande, 19,5%.
Depuis le début de l’année, les éleveurs de bovins viande puis les producteurs de lait, à partir du mois de juin, cumulent baisse de prix à la vente, baisse de la production (croissance ralentie des bêtes) et hausse des coûts de l’alimentation. En août les prix de l’orge et du maïs ont bondi de 30 % en rythme annuel. L’alimentation animale n’avait pas encore répercuté ces hausses mais cela ne saurait tardé. Dans le même temps, les prix des gros bovins diminuent de 3,7 % et le lait stagne alors que dans ces filières, les marges brutes sont faibles.
Et les mois à venir n’augurent rien de bon. Les marchés des céréales sont à la merci du moindre incident climatique et les prix des fourrages n’ont pas fini de flamber puisque la sécheresse persiste.
Par ailleurs, les prix de l’énergie repartis à la hausse (+ 22 % en rythme annuel fin juillet 2018 – derniers chiffres connus) qui renchérissent encore plus les coûts de production. Et pour ce poste de charges, il n’existe pas encore de prix de compensation spécifique.
En savoir plus : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/conjinforap201809cpro_tdb.pdf (statistiques calculant le prix de compensation du coût de l’aliment dans les filières d’élevage).