« Après la récolte, la pression en adventices peut être contenu par le travail du sol et les faux semis ».
S’il y a une molécule qui cristallise toutes les craintes de la société civile autour des produits phytosanitaires, c’est bien le glyphosate. Réalité épidémiologique ou volonté politique, tout laisse présager un arrêt ou, du moins, des usages très réduits.
Le glyphosate est une molécule qui suscite des polémiques depuis longtemps : amalgame avec les cultures OGM résistantes à cet her- bicide, avec la société Monsanto, classement cancérogène probable par le CIRC (centre international de recherches sur le cancer) en 2015. C’est devenu un dossier politique, quand, en 2018, Emmanuel Macron a engagé la France dans un plan de sortie du glyphosate. Dès 2018, son utilisation, comme celles de tous les produits phytosanitaires, a été interdite sur les espaces publics. En décembre 2019, 36 produits conte- nant du glyphosate ont été retirés du marché. Il sera aussi interdit à la vente aux particuliers. En octobre 2020, l’ANSES a demandé des res- trictions d’usage, qui sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 : objectif d’une diminution de 60 % des utilisations en intercultures, interdiction dans certains cas de figure (après labour). La dose autorisée est abais- sée de 2880 g à 1080 g par hectare et par an. Elle restera à 2880 g pour quelques cas précis, par exemple pour la lutte contre l’ambroisie. De même, le glyphosate reste autorisé dans certaines situations, en système sans labour, après un labour d’été ou de début d’automne précédant un semis de printemps, à la fin du rouissage du lin. Pour accompagner ces changements de pratiques, la loi de finances 2021 a instauré un crédit d’impôts de 2 500€ pour les agriculteurs qui n’utilisent plus de glyphosate en 2021 et/ou 2022, ainsi qu’une aide à la conversion des agroéquipements.
Pourtant, au niveau européen, la tendance est plus encourageante. Le groupe européen d’évaluation du glyphosate – dont font partie la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède – a rendu sa copie le 15 juin 2021. C’est la première étape de la réévaluation de la molécule, dont l’au- torisation de mise en marché expire le 15 décembre 2022. Ce groupe a proposé le maintien de la classifica- tion actuelle, à savoir « provoque des lésions oculaires graves » et « toxique pour les organismes aquatiques ». Il n’a pas jugé nécessaire la classification « cancérogène ».
Dans l’attente de la décision euro- péenne puis française, mieux vaut continuer à travailler à la réduction d’utilisation du glyphosate, qui s’inscrit dans une tendance de fond de baisse du recours aux produits phytosanitaires.
Les principales utilisations du glyphosate en grandes cultures restent la destruction des adven- tices (vivaces, graminées résis- tantes) en intercultures, la gestion des repousses du précédent, la destruction des couverts hivernaux et des prairies temporaires.
Pour la gestion des adventives, l’allongement des rotations, avec des alternances cultures d’hi- ver / cultures de printemps, est un point clé. Il faut aussi envisager un recours plus important au tra- vail du sol pendant l’interculture. Des déchaumages permettent de faire lever puis de détruire les adventices. « Ce faux semis permet de gérer le salissement quand la pression n’est pas trop forte » reconnait Emmanuel Gsell, chargé de mission Ecophyto à la chambre d’agriculture de Norman- die. Quand le salissement est plus important, on peut envisager un labour avec retournement de la raie, sur 15/20 cm de profondeur tous les 2/3 ans.
Les couverts ont aussi leur rôle à jouer dans la gestion des adven- tices. Leur destruction pourra être mécanique ou par le gel, si l’on choisit des espèces gélives. Des couverts plus permanents, comme du trèfle ou de la luzerne, aident à étouffer les adventices.
Ces alternatives demandent plus de passages, ce qui augmente le temps de travail et le coût. Les systèmes sans labour peuvent se retrouver démunis face à un salissement envahissant.
Du côté des produits de biocontrôle, il y a encore peu de solutions her- bicides en grandes cultures. Des pistes sont explorées avec les acides pélargonique et capry- lique, qui détruisent la cuticule des végétaux, ce qui entraine une déshydratation rapide.
La première commercialisation du glyphosate remonte à 1974. Absorbé par les feuilles, le glyphosate est véhiculé par la sève jusqu’aux points de croissance où il bloque la synthèse des acides aminées. Ce qui provoque l’arrêt de la croissance puis le dessèchement de la plante.
Cet herbicide foliaire a un spectre large, qui a fait son succès. Efficace contre toutes les adventices, même les vivaces et les graminées résistantes, un prix à l’hectare relativement économique et une courte durée de rémanence ont fait son succès lui ont permis de devenir l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Comme il est facilement lessivable, le glyphosate ou sa substance de dégradation (AMPA) peut se retrouver dans l’eau.
Entre 2009 et 2019, en France, les ventes de glyphosate ont été stables, avec une moyenne autour des 8 300 tonnes par an (dont 16 % pour des usages non agricoles), soit un peu moins d’un tiers des ventes totales d’herbicides. Après des années 2018 et 2019 atypiques pour cause de modification de la fiscalité et d’anticipation des achats, 2020 a retrouvé la moyenne avec 8 644 tonnes de glyphosate achetées.
Déjà, des agriculteurs ont fait le choix de se passer de glyphosate. Seuls ou en groupe, ils testent les alternatives les plus efficaces pour leur système d’exploitation. En Normandie, le Conseil régional accompagne l’un de ces groupes au travers de son « Contrat de transition glyphosate 2021 ».
« Par des échanges et un appui technique, les 37 agriculteurs engagés ont cessé d’utiliser du glyphosate et ont expérimenté des solutions de remplacement pour déterminer celles qui tiennent la route, techniquement et économiquement » explique Emmanuel Gsell, chargé de mission Ecophyto à la chambre d’agriculture de Normandie. Ils ont commencé par une réduction de 50 % sur la campagne 2019/2020, puis suppression totale pour cette campagne. Ils ont bénéficié d’une aide de 80€/ha.
Jérôme Rabache est l’un de ces 37 agriculteurs. Installé à Danvou la Ferrière (14), en Gaec, il gère un élevage laitier et 200 ha (80 ha de céréales, 40 de maïs, le reste en prairies). « Nous nous sommes impliqués dans ce programme pour progresser dans la réduction des intrants et parce qu’on aime bien tester de nouvelles pratiques », explique l’agriculteur. Sur ses terres argileuses, l’agriculteur a arrêté de labourer en 2014 « pour améliorer la structure et gagner du temps ». Un choix qui complique l’arrêt du glyphosate. « Pour gérer les adventices en intercultures, il faut plus de déchaumage, témoigne-t-il. La réussite dépend beaucoup du type d’adventices et de la météo. Le travail du sol arrive à contenir le salissement si le temps est sec après. C’est d’autant plus jouable quand, dans la culture suivante, on a des solutions de désherbage efficace, qui permettent d’éviter d’être débordé. En féverole ou en colza, on n’a rien de suffisamment efficace. Sur 6 hectares de féveroles, ça a été vraiment compliqué à gérer. En revanche, ça s’est bien passé pour le semis de maïs. J’ai détruit le couvert au déchaumeur, ensuite le désherbage racinaire a été efficace ».
L’agriculteur utilisait aussi du glyphosate pour casser ses prairies en trèfle violet et fétuque. « Pour implanter un maïs, on a dû faire 3 passages de herse rotative. C’est coûteux », ne cache pas Jérôme Rabache. Depuis ces deux campagnes sans glyphosate, l’agriculteur constate un salissement de ses parcelles. « Je n’ai pas envie de reprendre le labour pour préserver la structure du sol ».
De ces deux années d’expérimentation, Jérôme Rabache a vu qu’il était possible de faire sans glyphosate. « Mais pas tous les ans, ni avec toutes les cultures. L’idéal serait de pouvoir garder cet herbicide, sur de petites surfaces en secours, quand la pression est difficile à gérer ou que la météo complique les choses ».
Auteur: Cécile Julien
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Pourquoi faire un Faux semis quand un Vrai semi de couvert suffirait à concurrencer les adventifs ?